La coordination de la Quinzaine Internationale Handicap et culture a organisé un atelier intitulé « Initiation au jazz avec les non-voyants » au Centre Culturel Brésil-Haïti (CCBH) à Pétion-ville du 22 au 24 septembre 2025.
L'objectif: Renforcer les compétences musicales des artitstes déficients visuels et enrichir leur compréhension de la culture du Jazz. Cette activité s'incrit dans le cadre du Festival international handicap et culture, qui a eu lieu à Pétion-ville du 1er au 15 octobre 2025 autour du thème: "An n wè yon lòt jan" Pour les musiciens non-voyants, cette formation constitue une ouverture sur l'avenir.
«La musique aide l'être humain à exprimer ses sentiments: joie, peine, agressivité,instincts guerriers. Elle permet de prier Dieu et de s'adonner au plaisir de la danse. Ainsi, l'homme communie avec les puissances surnaturelles pour éloigner la colère divine, demander la pluie, obtenir la guérison, se préserver des fléaux naturels... La musique a donc un pouvoir magique»,A. Boyer Labrouche, Manuel d'art-thérapie, collection Dunod, p 71.
Une immersion sonore au cœur du jazz
Assis en demi-cercle dans une salle spacieuse du CCBH, une douzaine de musiciens déficients visuels accompagnés d'un participant non handicapé ont pris part à la dernière journée de formation. Animée par le musicien et chanteur Joël Widmaïer,assisté de son équipe, cette session a profondément marqué les participants.
« La musique, c'est la vie. C'est un ami à qui l'on confie ses émotions. Participer à cette formation m'a permis de mieux comprendre ce genre musical et de m'y intéresser davantage», explique Samuel Émile, violoniste non-voyant.
«Intégrer la communauté du jazz »: Le rêve de Samuel Émile
Pratiquant la musique classique depuis plusieurs années, Samuel Émile confie que cette Initiation représente une opportunité majeure pour élargir ses horizons.
Cet atelier va m'aider à écouter davantage de jazz, à travailler les accords, et à échanger avec d'autres musiciens, même issus d'univers différents. Mon objectif est d'intégrer la communauté du jazz sans abandonner la musique classique, affirme-t-il.
Le jazz comme école de rigueur et d'expression
Apprendre le jazz, c'est comprendre son langage, ses structures et son histoire. Pour Swenskido Jean-Baptiste, tambourineur et chanteur, le jazz est une école d'ouverture: « Un chanteur professionel doit connaître les bases du jazz. La théorie est essentielle, mais le côté pratique de cette formation m'a beaucoup plu. J'ai appris à improviser, à faire du scat, à comprendre la dissonance et la résonance. C'est une expérience qui renforce mes capacité de chanteur», confie-t-il.
Swenskido a interpreté plusieurs morceaux en version jazz, dont « Deside ou» du groupe Zèklè et « Les feuilles mortes» popularisés par l'Orchestre Tropicana d'Haïti.
Leçon de musique et de résilience
Au menu de la formation: Théorie du jazz, techniques d'improvisation, structures harmoniques et histoire du jazz haïtien. «Nous avons présenté l'évolution du Jazz et ses transformations jusqu'à devenir une musique universelle. Nous promouvons également le créoljazz et le vodoujazz, notre touche identitaire sur la scène mondiale», explique Joël Widmaïer.
Pour lui, la musique transcende les handicaps : La musique , c'est d'abord l'oreille. La déficience visuelle n'est pas un obstacle. Moi-même, j'ai appris la musique à l'oreille. L'émotion précède la technique. Des artistes comme Bocceli ou Stevie Wonder en sont la preuve vivante, souligne -t-il.
Une initiative inclusive et nécessaire
Souvent marginalisés, les musiciens non-voyants disposent de peu d'opportunités de formation. Pour Johny Zéphirin, coordonateur du projet, cet atelier était indispensable: « Il était important d'offrir aux musiciens non-voyants une formation sur le jazz. Ils ont démontré un grand potentiel, même sans accès facile à ce genre musical. Joël Widmaïer a utilisé la méthode audio, parfaitement adapté à leur apprentissage», explique-t-il.
Le coordonateur envisage déjà un partenariat avec la Fondation Haïtijazz pour organiser un concert avec les musiciens non-voyants.
Un festival réalisé malgré les obstacles
La tenue de la 10e édition du Festival international handicap et culture relève d'un véritable défi. Dans un contexte marqué par l'insécurité et la rareté des espaces culturels, le courage des organisateurs force l'admiration. «Nous avons du réduire le nombre d'activités, mais nous avons tenu bon grâce à la détermination de l'équipe. Réunir des gens pour un projet culturel est difficile, mais la passion emporte sur les contraintes», confie Johny Zéphirin.
La clôture du festival s'est réalisé le mercredi 15 octobre 2025 au Centre Culturel Brésil-Haïti. Le public fidèle s'est présenté pour apprécier le talent des musiciens non-voyants, et honorer le travail des organisateurs depuis déjà 10 ans.
Natacha Zéphirin
