Hommage au lieutenant-colonel Desile Bertrand décédé à Miami

Mon condisciple à la Faculté de droit et des Sciences économiques de Port-au-Prince, le lieutenant-colonel Desile Bertrand, s’est éteint. Au nom de cette prestigieuse promotion 1980-1984 baptisée « Promotion Victor Duncan », je vais tenter d'évoquer les qualités de ce grand homme, humaniste, toujours égal à lui-même, qui nous a quittés sans faire de bruit, comme il a vécu. 

Ma pensée se tourne en premier lieu vers sa chère épouse, mon amie-sœur, Lélène Bertrand, alias "Madan Dé”, dont l'amour pour son mari ne s’est jamais démenti. C’est le désir d'être toujours aux côtés de son époux qui l’a portée à créer le "Delen Travel Agency". Votre vie à tous les deux fut un exemple réussi d’amour au vrai sens du mot. Épris l'un de l'autre, vous étiez le symbole d’une parfaite union parsemée d'amour, de joie, d'amitié et de convivialité jusqu'à cette date fatale. Personne n'aurait jamais pensé que le 6 février 2022 allait porter ce coup fatidique à Lèlène et lui arracher sa seconde moitié. 

C’est toujours difficile de parler des gens, mais quand il s'agit d’un homme de la dimension de Desile Bertrand, les mots arrivent aisément. Il était un fils, un époux, un père, un frère, un oncle, un cousin, un parrain, un compère, un ami modèle. Sur le plan professionnel, l’homme s’est distingué dans plusieurs métiers : il fut ingénieur, avocat, comptable, entrepreneur et militaire. Chacun de nous a vécu une histoire avec Desile qui pourrait constituer une page du grand livre de sa vie. 

Homme respectueux, d'un calme et d’une simplicité à nulle autre pareille et d’une humilité à toute épreuve, Desile attirait la sympathie de tous ceux-là qui le côtoyaient.

Universitaire réservé, voire timide, il fut une brillante personnalité, qui savait cultiver le silence et avoir le sens de la mesure.

Bertrand Desile, Aurelien Bellande, Ange Ladouceur et moi formions une équipe solidaire, unie dans la joie comme dans la douleur. Chacun de nous a une histoire, mais surtout des anecdotes qui pourraient mettre en lumière la dimension de ce frère qui dort désormais dans son linceul. 

J’ai le souvenir d’un homme qui n’a jamais laissé tomber ses amis. Il les appelait régulièrement au téléphone quand il n’avait pas de nouvelles de l’un d’entre nous. Maître Beland m’a raconté une histoire à propos du défunt. Si Dé n’a pas eu de nouvelles d’un ami, Beland devrait dire à cette personne si lui, Dé, lui a fait quelque chose de le lui dire et il demandera pardon.

Bertrand fut aussi un bienfaiteur. Il a aidé beaucoup de gens. J’en fais partie. Je me rappelle qu’en 1989, quelqu’un l’a mandaté pour vendre un terrain à Delmas. Un jour, Dé est venu vers moi et me dit : « Charli, je sais que tu n’as pas d’argent. Fais un prêt bancaire afin de verser une avance sur ce terrain et de temps en temps tu paieras quelque chose jusqu’à ce que tu termines de payer. » J’y ai vu là des propos d’un vrai ami. Je me suis rendu en effet à la banque et j’ai fait ce que Dé m’avait conseillé. Je lui ai avancé un premier montant, assez modeste, qu’il a accepté sans problème. À peine ai-je versé cet argent, j’étais terriblement fauché et je ne savais quoi faire pour sortir de ce souci. J’ai beaucoup réfléchi et un beau matin je me suis réveillé à 6 heures pour me rendre à Delmas 19 où habitait Dé. Je lui demande de me rendre l’argent et que je ne voulais plus acheter la propriété. Après m’avoir écouté, il m’a regardé en silence et a secoué la tête. « C’est parce que tu es fauché que tu veux récupérer ton argent? », répète-t-il. Il met la main à la poche il m’a remis l’argent en me disant : « Garde cet argent ! C’est un cadeau. » Et puis il a ajouté : « Regarde ma belle maison ! Tu n’aurais pas envie d’en avoir une aussi ? Pars maintenant et réfléchis à ce que je viens de te dire ! ». J’ai continué à lui verser la somme due par tranches comme il me l’avait suggéré, jusqu’à ce que j’aie terminé de tout payer.

Dé, c’est grâce à toi que je possède cette maison. J’ai déjà eu l’occasion de te dire merci, mais cette fois c’est avec de la peine que je te redis merci une dernière fois.

La mort est cruelle. La perte d'un être cher est l'épreuve la plus douloureuse de notre vie. C’est pour cela que je dis à « Man Dé » de toujours penser avec gratitude aux bons souvenirs, aux bonheurs qu’elle a partagés avec son mari merveilleux. Parfois, les souvenirs sont indispensables pour commencer le chemin du deuil.

Dé, cet éloge funèbre, ce discours d'adieu est le fidèle témoignage de ton vécu, cher frère, et c'est d'un cœur meurtri par ta disparition que je  remémore les récits qui te rendaient si grand à mes yeux. Et parce qu'aujourd'hui, la mort nous a dépouillés, il me paraît évident d'exprimer ce que je n'ai pas eu le temps de te dire de ton vivant !

Nous pleurons ton départ qui laisse en nous un vide étourdissant et un silence assourdissant. Ton absence se fait déjà sentir. Notre peine est immense. Notre seul réconfort est le souvenir de tous les bienfaits que tu as accomplis pour rendre heureux chacun de nous. Tu avais le don d'orienter les plus faibles, d'aider les familles les plus modestes d’Aquin, mais surtout celles de Marseillant, petite localité qui t’a vu naître et à laquelle tu es resté tant attaché. Par ta générosité et ton désintéressement, tu incarnais tout simplement la bonté.

Cet hommage tardif, j’aurais dû le lui rendre avant sa mort : il le méritait bien. Mais hélas, la vie nous ayant tellement éparpillés à travers le monde, ce qui fait qu'être ensemble dans un même endroit pour rendre hommage à des êtres chers devient presque impossible. Heureusement la magie de la technologie m’a permis de remplir mon devoir familial envers Desile Bertrand qui vient d'allonger la liste de nos camarades disparus trop tôt. Je pense à Elsa Armand, Willy Fertille, Biondy Jean Philippe, Robenson Joseph, Wesner Marc, Charles Dumont Point-Du-Jour, Jean Claude Nord, Eddy Gehu, Léonce Qualo, Serge Armand, Joël Joseph dit Tyotyo, pour n'en citer que ceux-là.

Au nom de la sincérité de notre amitié de plus de 42 ans, je m'incline une dernière fois devant toi, Dé ! Je ne t'oublierai pas, tu resteras à jamais dans mon cœur ! Tu n'aurais pas voulu nous voir tristes, et pour me consoler, je me dis que tu n'es pas loin, juste de l'autre côté du chemin ! L'image que je garderai de toi, est celle d'un homme qui partageait tout : son temps et son amour avec tous ceux qui croisaient son chemin. Repose en paix Dé ! Tu nous manques déjà !

 

Emmanuel Charles

 

 

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