Implicites, présupposés et sous-entendus dans le texte « Fanm kolokent » « Saint Antoine » de Coupé Cloué

Dans un texte, en général, le rapport du discours et du récit se trouve souvent très marqué. Il s’explique par les indices fondamentaux qui délimitent le champ établi de chacun de ces domaines. En effet, le récit utilise notamment des temps verbaux, des déictiques qui situent l’action ancrée dans une situation d’énonciation ou pas. Le discours se manifeste, de son côté, par des indices qui marquent l’ancrage de l’énoncé dans un temps et un lieu précis, des énonciateurs en présence et les temps du discours.

Le discours, porteur de message, reste alors élaboré suivant le cadre choisi par l’énonciateur. Celui-ci peut utiliser des figures de rhétorique, des figures de discours pour assurer l’encodage du message. Il use par ailleurs dans différents cas, des implicites, des présupposés, des sous-entendus qui aident généralement le destinataire ou l’énonciataire à tirer lui-même, la conclusion ou le sens qui découle de la déduction de ce qui est exprimé.

L’implicite, dont l’antonyme est l’explicite, se définit généralement comme « qui, sans être exprimé formellement, peut-être déduit de ce qui  est exprimé ». Le sous-entendu, par la non expression dans le discours ( d’une chose qu’on a dans l’esprit), mais la faire comprendre sans la dire expressément ( dictionnaire universel Hachette, 2008). Le présupposé s’entend par « ce qui est supposé vrai, préalablement à une action, une démonstration. Ce qui, dans un énoncé, est une supposition préalable nécessaire à sa validité logique » (Wikipédia). Ces données demeurent alors nécessaires dans toute analyse de discours. Elles permettent de voir la construction du discours ou le clou de son élaboration. Dans le discours ce qui, comme effets de style employés par l’auteur, contribue à le rendre vivant et à créer un impact réfléchi et profond sur les destinataires.

Le choix des chansons « Fanm kololenk » et » Saint-Antoine » de l’Ensemble Sélect du roi Coupé Cloué ( Gesner Henri) constitue le cadre fondamental de notre analyse. Des implicites, des présupposés et sous-entendus utilisés dans ces deux chansons seront repérés et étudiés afin d’en relever la charge des énoncés.

 

« Fanm kolokent » et « Saint-Antoine »

Le chanteur Gesner Henri ( Coupé Cloué pour les fans du compas) à travers ses différentes compositions a voulu parer d’une voile les messages véhiculés en suggérant sans exprimer clairement le sens. Ainsi, aux jeunes enfants, les messages encodés de ses chansons sont largement incompris. Toutefois, les adultes, fieffés admirateurs du chanteur du fameux rythme compas mamba, saisissent au premier chef, l’implicite, le présupposé, et sous-entendu de ses chansons.

La composition musicale « Fanm kololenk » de Coupé Cloué sur l’album «L’Essentiel», enregistré en 1978) se trouve en première position sur l’album (A01 - Fem'm Kolokinte ) pour une durée de cinq minutes et quarante-huit secondes (5:48). Le terme « Kolokent » de l’espagnol « Coloquinta », d’après une présentation de la notion par Jean-Claude Boyer dans Le Nouvelliste se réfère, dans ce cas-là, à «quelqu’un très près de ses sous, d’une détestable pingrerie, d’une peu recommandable radinerie.»

« Saint-Antoine » constitue l’autre composition de Gesner Henri sur laquelle on porte le regard. Elle fait sept minutes et dix-huit secondes (7:18). Saint-Antoine fait le récit de  cette aventurière du sexe - Ti Jocelyne- qui va se faire arracher les « dents de derrière », « se faire faire une radiographie », « bay ladann » au prétexte d’aller prier pour son mari « habitant décoré » à la recherche d’emploi » ( Frantz Duval, Quel Haïti en 2020 serait dans les lunettes de Coupé Cloué?) 

Implicites, présupposés et sous-entendus dans ces deux compositions

«Fanm s on kreyati ki dwol», ( Fanm kolokent), «Gen lòt seri moun ki al nan pye sen an», ( Saint-Antoine), ces énoncés peuvent être regroupés comme présupposés. En effet, dans l’énoncé ( fanm s on kreyati ki dwòl)  a pour présupposé «la femme est une créature» et pour posé « la femme est drôle». Pour l’énoncé , le présupposé paraît être « il existe des gens/ pèlerins » et pour posé « ces gens partent en pèlerinage chez les saints).

Dans les énoncés ci-dessous, on remarque l’emploi par Gesner Henri, des implicites tels

« y al kase zotey pye sen an » (ces pèlerins agissent d’une manière non conforme à la règle) , » Malere an nan dlo » (l’implicite : le mari cocu est pris au piège)

« On nèg si w poko gen on fanm kololenk nan men w, w poko gen fanm » ( l’implicite: avoir une telle femme pour épouse ou concubine est une expérience à ne pas tenter).

« Ou menm ki jèn gason ranpli davni,  ou oblije kenbe las datou pou moun sa yo pa fè la dènye sou w », ( un appel aux jeunes gens à éviter de se lancer dans une expérience avec ces femmes peu recommandables).

Les énoncés suivants contiennent des implicites employés comme sous-entendus dans les deux textes musicaux:

 « l al fè radyografi, l al rache dan dèyè», en fait, les termes de l’énoncé sont détournés de leur sens principal. Le sous-entendu « fè radyografi, rache dan dèyè» peut-être compris dans le sens d’une femme qui trompe son mari, mais pas dans le sens médical de l’affaire.

« Fanm kolokent, Se moun pou moun respekte wi, » cet énoncé renferme un sous-entendu et une antiphrase. Le substantif « respekte», peut prendre ici une double signification : d’une part, il prend le sens de «fuir»: ce type de femme est à fuir»; d’autre part, le sens de : une femme de mauvaise vie, une femme de petite vertu.

« Jwe nan pantalon an », renferme le sens : voler son avoir.

Dans l’énoncé au-desous, Coupé Cloué veut montrer que la maison de ces femmes, en dépit de tout, demeure très fréquentées, c’est comme chez le médecin. Mais l’étonnant : ces prétendus patients sont tous de sexe masculin :« Lè w al lakay moun sa yo,  se tankou se kay doktè w ale, moun, moun, tout se gason »

« Cheri Ki siy ou,  siy mwen -lajan  »,

« M pa bezwen fanm kolokent, m pa bezwen fanm mèt dam, sa rèd, sa rèd  » dans ces deux énoncés, les sous-entendus soulignent la radinerie de ces femmes, et l’obligation d’éviter que l’on soit le dindon de la farce de ces dernières.

Composés à partir des mélodies très entraînantes, les deux textes, en dépit de la part de misogynie dont on accuse le chanteur, gardent leur fraîcheur et leur part de vérité sociale. Le talent de Gesner Henri, de son nom de scène Coupé Cloué, paraît ne pas démentir à travers ces deux textes dont le travail sur la langue constitue à faire de ces deux compositions musicales des classiques de la musique haïtienne.

 

James Stanley Jean-Simon

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