Haïti • Mémoire de l’esclavage • État des lieux ? Compte rendu de la conférence-INAPAT

Le dimanche 22 août 2021, format hybride (en ligne / Zoom et au Centre culturel Pyepoudre, l’Institut haïtien patrimoine et tourisme (INAPAT) a organisé une conférence-débat autour du thème : Haïti/ Mémoire de l’esclavage / État des lieux ? Il s’agissait de prospecter le passé en faisant référence aux souvenirs des luttes de nos aïeux contre le système colonial esclavagiste à Saint-Domingue. Pour ce faire, une marche arrière dans la mémoire historique était nécessaire ; elle devait être utile à l’interprétation du présent.

Se souvenir de la mémoire de l’esclavage, c’est remémorer à la fois les souffrances, les gestes héroïques de nos aïeux pour la liberté et les symptômes post esclavage. Avec une approche dynamique et participative, Jerry Michel , docteur en sociologie et Judite Blanc, docteure en psychologie ont invité l’audience à revisiter l’ambiance de l’époque. La colonisation et l’esclavage, ce système inhumain, a été traité comme un fardeau pour la société haïtienne. En ce sens, les interventions se déroulaient autour des défis de patrimonialisation, de l’appropriation collective et d’une remise en question des notions de 
l’« oubli » et de « refoulement » de la mémoire de l’esclavage en Haïti.

Pour le sociologue Jerry Michel, il y a une forte négligence au sein de l’État haïtien. Car malheureusement, les conflits de mémoire (conflits politiques socio-culturels) sont éparpillés. Des dates qui devraient être commémorées sont de préférence ignorées. Il estime alors qu’il y a un manque de manifestation d’intérêt et celle-ci doit être corrigée. Repenser le passé historique permet de réfléchir sur nos « conditionnements ». Cette opération doit nous aider à saisir le sens de nos agissements collectifs. C’est ce qu’a démontré Dr Judith Blanc dans ses éléments de réponse aux différentes questions posées par les participant.es. Les gênes de l’esclavage, soutient-elle, seraient l’expression de divers types de traumas. Ils se manifestent et se transmet sous de forme (frustration, haine, rancune…). Par conséquent, un travail de patrimonialisation et de digestion de cette mémoire s’impose. Pas seulement, de la mémoire topographique et géographique. Dans ce cas précis, il y a lieu d’investiguer aussi le neurologique et le psychologique.

Respectivement, ces deux interventions ont tenté d’indiquer des pistes qui peuvent servir de modèles afin de [re]donner sens à ces moments douloureux et de gloire de l'histoire de l’humanité. Pour sa part, Dr Michel a signalé quelques avancées faites par la structure dénommée « La Route de l’esclave » : les travaux menés par les chercheurs haïtiens et étrangers sur cette question, le projet de construction d'un musée autour de l’histoire de l’esclavage, l’intégration du projet « mémoire de l’esclavage » dans le curriculum du Ministère de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle ( MENFP), etc. Toutefois, il semblerait que ces propositions n’intéressent pas les dirigeants du pays. Quant à la problématique de l’oubli voire de la banalisation des évènements fondateurs de l’État haïtien, Dr Judith prône une approche pluridisciplinaire. Selon elle, cette question doit s’ouvrir aussi à la démarche psychanalytique. En conséquence, elle invite à élaborer un questionnaire sous forme d’inventaire afin de commencer à avoir des données quantifiables relatives aux représentations de la mémoire de l’esclavage en Haïti. Ce qui va certes, aider aux descendants à formuler leurs demandes de réparations.

Tenant compte de la qualité des interventions et de la participation de l’audience, cette conférence a été enrichissante, instructive et motivante. Les éclairages fournis permettront aux contemporains de mieux appréhender les nouveaux défis liés à la construction de l’identité plurielle haïtienne. Cette initiative de l’Institut Haïtien patrimoine et tourisme autour de la « mémoire de l’esclavage »doit servir à empêcher que les repères de la fondation de l’être haïtien ne sombrent dans l’insignifiance.

Aïsha Lisa Théus
 

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