Jonel Juste, écrivain, journaliste et poète nous gratifie d’un nouvel ouvrage : « Mémoire de Quarantaine », publié à Miami en mai dernier.
Avec le coronavirus, le monde trépidant, qui ne jurait que par l’économie de marché avec pour credo la libre circulation des personnes et des biens, s’est arrêté net. Les pays se sont isolés les uns des autres pour mieux se protéger face à ce mal qui répand la terreur. Tout s’est tu.
Dans cette ambiance de monastère, la planète respire. La pollution sonore s’est interrompue. Confinement oblige, l’heure est à la méditation. Certaines personnes s’emparent des médias sociaux pour montrer leur joie de vivre refoulée ou cracher leur ras-le-bol face à un mal invisible qui ne cesse de remplir l’Achéron. Mais, pour l’écrivain, même si la désolation est à son comble, il est inconcevable de casser sa plume. Au contraire, cette plume en quarantaine devient témoin, retrace, raconte et exorcise.
C’est dans ce contexte que l’écrivain journaliste, Jonel Juste, accouche son dernier ouvrage en date : « Mémoire de Quarantaine ».
Mémoire de quarantaine est un recueil de texte qui réunit plusieurs genres : poésie, nouvelles, récits ; ce cocktail permet de décrire, d’analyser et de projeter un monde qui change malgré lui. Un monde qui a peur et qui est à la limite de la paranoïa. Dans ce monde plongé dans l’incertitude, on se cherche, on se ressource, on revient à l’essentiel, tout au moins on s’efforce. Le besoin d’amour, d’amitié, d’être connecté avec l’autre, avec son environnement semble désormais être la quête ultime. La peur, elle ne connait pas de confinement, elle voyage librement sans aucune restriction :
« Maten an, m rele manman m pou pran nouvèl li Ayiti. Depi maladi a, manman m rele m pi souvan paske l tande nan peyi kote m ye a moun ap mouri pa bann e pa pakèt. Li pè pou mwen, tandiske anjeneral se mwen ki konn pè pou li (lapèrèz chanje kan). »
«Trad : Ce matin, j’appelle ma mère pour avoir de ses nouvelles. Depuis la maladie, ma mère m’appelle plus souvent parce qu’elle apprend que, dans le pays où je vis, les gens meurent en masse. Elle a peur pour moi, alors que d’habitude c’est moi qui ai peur pour elle (la peur a changé de camp).»
Dans ce monde, où tout va trop vite, où le temps nous fait souvent défaut, presque personne n’a eu le temps de faire le plein d’amour suffisant avant d’être confiné pour une période qui semble se prolonger à l’infini. Du coup, les regrets prennent la place des certitudes. Le verdict est sans équivoque : rien n’est acquis. On a besoin de l’autre, de passer du temps en compagnie des personnes que notre cœur chérit. L’écrivain constate que :
« C’est le contact humain qui manque le plus. Ne pas pouvoir serrer la main d’un autre être humain, faire la bise, se donner l’accolade. Au contraire, fuir ses semblables comme la peste, car on a peur que leur corps soit porteur de mort. »
Mémoires de Quarantaine soulève également, la question de l’écologie. En effet, la suspension des activités humaines durant le confinement a permis à la nature de reprendre ses droits. Le chant des oiseaux était plus perceptible et même les gazouillements des insectes arrivaient jusqu’à nos oreilles. Cela n’a pas laissé le poète indifférent, il s’en est inspiré magistralement :
« Depi lèzòm kache a
Depi lè lari yo blanch
Yo di m lanati souri
Pyebwa yo respire pwòp
Zwazo pa fè konpetisyon ak avyon »
« Trad : Depuis que l’homme s’est caché
Depuis que les rues sont désertées
On me dit que la nature sourit
Que les arbres respirent un air pur
Que les oiseaux ne rivalisent plus avec les avions »
En lisant Mémoire de Quarantaine, tout comme moi, vous allez l’approprier rapidement. Il n’y a pas de code à déchiffrer. Le langage est simple quoiqu’embelli. La plume s’exprime avec aisance; l’auteur fait montre d’authenticité et c’est le plus important en ces temps troublés.
Bientôt disponible en Haïti, le nouvel ouvrage de l’auteur de Carrefour de Nuit est actuellement en vente sur Amazon et à Libreri Mapou (Miami).
Par Edson Duralien