Billet à Sterlin Ulysse

Cher Sterlin,

Merci pour  ta brillante présentation â la fondation culture et création le vendredi 25 novembre écoulée. Permets- moi  de revenir sur le grotesque,  concept esthétique que tu proposes  pour lire les œuvres des sculpteurs de la Grand- Rue et des œuvres picturales,  et l’esthétique du délabrement.   

  L’esthétique du délabrement   contrairement au grotesque  n’a pas été longuement élaborée   par son auteur, mais  l’esthétique du délabrement     offre bien  cependant  s’appliquant aux sculpteurs de la Grand- Rue,  une lecture très proche des œuvres, car l’esthétique du délabrement est fondamentalement tragique.

Ce concept esthétique qui a encore le nom d’esthétique de la dégradation(Lucas) permet  de :

  Lire  ces   œuvres (celles que tu as montrées) qui évoquent  le corps, dans  toutes ses déterminations :   laideur, obscénité,  déchéance, et  comme le montre le passage de Yanvalou pour Charlie que tu as lu il permet de le faire également en littérature  

 Lire  ces corps  torturés, désindividués par le pouvoir d’État. C’est ainsi que je lis certaines œuvres que tu as montrées,  aspect   fondamental dans le contexte haïtien. Je me demande si le corps torturé peut être grotesque si oui,  je t’invite à parler  de« grotesque triste»; Les corps que tu as présentés sont tristes, torturés  très différents de ce corps au  sexe  démesuré fait par Mario Benjamin et Constant que je ne mettrais pas dans l’esthétique du délabrement car cette œuvre prête beaucoup à rire.

  Qualifier des matériaux dont sont faits ces corps (objets récupérés pour certaines)

  Parler du  contexte dans lequel sont créés ces corps (Ghetto, Haïti en crise)

Mettre  en lumière le côté triste de la vie des artistes exclusion sociale, difficultés à vendre leurs œuvres, misère.  La sculpture au pénis avec l’artiste à la bouche ouverte est déchirante. Encore une fois,  il faudrait aller vers le «grotesque triste». Dans tous les cas, il me semble que dans le cas du grotesque  la réception est importante.    

  Je te rappelle que Webert Lahens avait appliqué le concept esthétique du délabrement aux œuvres des sculpteurs de la Grand Rue pour conclure que le délabrement devait être dépassé pour sauver l’art.    

  Sans vouloir nous enfermer dans une insularité étouffante  comme j’ai semblé  vouloir le faire (mes écrits sur l’art peu connus prouvent le contraire). Le concept esthétique  délabrement  pour appréhender l’art  des sculpteurs de la Grand-Rue  me semble fort intéressant. Ce concept esthétique permet une lecture  totale de ces créations. Alors,  Je réitère ma question, pourquoi utiliser le concept esthétique du grotesque(le grotesque de Bathkine  que tu as présenté prête à rire) à la place du délabrement alors que cela vient de chez nous et peut –être appliqué à d’autres contextes. 

 Par ailleurs, le plus important  pour moi, je suis préoccupée par la manière dont tu as  présenté les productions artistiques des femmes. A savoir les vagins les corps plantureux de  Pascale Faublas. Tessa Mars respectivement. Ces œuvres apparaissent à entendre  ton propos  être un effet(  influence) de la sculpture  sur la peinture,  comme si les sexes de la Grand Rue  avaient libéré l’expression  les femmes , alors qu'elles ont surement  leur propre détermination. Je pars du fait que la femme  subversive existe. Pascale Faublas en parle. Je pense qu’en présentant les choses comme tu l’as fait  tu enlèves aux femmes leur agentivité .  De Plus, c’est désormais  une démarche autonome des femmes artistes partout dans le monde  de donner à voir rondeur,   chair,  vagins, seins, sous-vêtements, menstruations  etc. dans un souci de se confronter au patriarcat.   Il faut faire attention  à la réduction de l’insolence des femmes à celle  des hommes. Certes, dans le monde de l’art en Haïti les œuvres de la Grand -Rue  précèdent celles de  ces deux femmes on peut les faire dialoguer,  mais en aucun cas  en faire une incidence. Et puis j’ajouterai que parmi les ainées  il y a eu Rose Marie Deruisseau qui a peint des nus  assez provoquants.

 

  Je t’envoie mes chaleureuses salutations

 

Pascale Romain  

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