Le système bancaire haïtien face aux trois défis majeurs ?

Dans le cadre de la 13e édition du Sommet international de la Finance tenu à l’hôtel Marriott, plusieurs intervenants et intervenantes, dont des responsables des institutions et des experts, entre autres, se sont succédé durant cette grande messe de l’économie et de la finance, déclinée en 2023, autour du thème: « Financer l’éco développement – L’économie et l’écologie ». 

 

Durant la deuxième journée, le public était invité à assister à une nouvelle présentation de la Banque de la République d’Haïti, autour  du sous-thème : « Stabilité du système bancaire : défis du contexte national (sécurité - migration - récession) et perspectives face à la conjoncture  internationale ». Ils étaient trois hauts cadres de la banque centrale à intervenir, Djemsy Delphin, Henriette Chaperon et Jean Armand Mondélis, en dehors de l’économiste Riphard Sérent, qui assurait le rôle de maître de cérémonie.

 

Dans la liste des principaux points abordés par ces banquiers au cours de cette communication, on retrouve les concepts suivants: Stabilité financière: définition et implications sur l’économie réelle ; principaux défis locaux actuels (insécurité, récession, fuite des cerveaux, risques climatiques, etc.) ; impacts de la conjoncture sociopolitique sur la performance du système bancaire, en tenant compte de l’évolution des principaux indicateurs clés et les mesures d’accompagnement de la BRH.

 

Difficile d’aborder ces différents aspects de l'économie nationale, sans prendre en compte le contexte international post-covid, et sans oublier les autres paramètres tels: l’inflation galopante, la hausse des taux d’intérêt et la faillite de plusieurs banques aux USA et en Europe. Et pour terminer, les trois intervenants allaient articuler leur communication autour des impacts des tensions internationales sur la stabilité du système financier haïtien, et des perspectives.

 

Dans ce compte rendu que nous vous proposons sur l'état des lieux du système bancaire haïtien face aux trois défis majeurs, qui sont (sécurité – migration – récession), les trois intervenants ont inscrit leurs communications respectives, dans une approche pédagogique, pour une meilleure compréhension de l’assistance (présentielle et virtuelle), des principaux termes et des relations d'interdépendance, de cause à effet qui définissent la dynamique et l'évolution du système financier.

 

De la stabilité financière, l’un des membres du panel avait pris le soin de définir le concept en ces termes : « Situation dans laquelle le système financier, qui comprend les intermédiaires financiers, les marchés et les infrastructures de marché, est capable de résister aux chocs et de corriger les déséquilibres financiers » il persiste et signe : « Stabilité financière: comment? »

 

De manière à : « S’assurer que chaque acteur financier gère adéquatement les risques, soit conforme à la règlementation prudentielle et maintient une bonne santé financière (politique microprudentielle) », tout en argumentant, en vue de : « Renforcer la résistance du système financier face aux chocs et prévenir le risque systémique (politique macroprudentielle). »

 

Devant un public aussi avisé, dont la majorité des participants présents à cette nouvelle édition de SIF 2023, ont pris le risque de faire le déplacement pour répondre à l’invitation, le plus jeune parmi les trois banquiers centraux avait mis l’accent sur les trois grands défis.

 

Défis de l’insécurité, les responsables ont pris le soin de les mentionner presque tous: des gangs entravent la libre circulation de personnes et de marchandises dans l’aire métropolitaine et dans d’autres départements du pays; précarité de l’environnement des affaires; accentuation du phénomène de kidnapping; crise politique non résolue; problème d’insécurité alimentaire chronique (4.9 millions d’Haïtiens en 2023).

Dans la catégorie des défis liés à l’émigration massive des Haïtiens à l’étranger, on retient: la fuite de cerveaux initiée depuis plusieurs décennies (vers l’Afrique, l’Europe et le Canada); les différentes vagues successives de départ suite à la crise sociopolitique entravant le fonctionnement du pays (émigration en RD, au Brésil, au Chili, aux USA avec le TPS et au Canada avec le programme de travailleurs qualifiés) et l’intensification des départs suite à l’insécurité et au phénomène du kidnapping (programme humanitarian parole des USA).

 

Des défis relatifs à la récession de l’économie, les trois cadres de la banque centrale n’ont pas manqué l’occasion de faire parler les statistiques. Ils précisent en guise de rappel, les : « Quatre années consécutives de croissance économique négative (resp. -1.7% en 2019, -3.3% en 2020, -1.8% en 2021 et -1.7% en 2022) » ; La BM prévoit une croissance négative de -1.1% en 2023 (contrairement aux prévisions gouvernementales de +0.3%); le nouveau record de l’inflation: 49.3% en glissement annuel de l’IPC enregistré en janvier 2023;  le dollar continue de s’apprécier face à la gourde (hausse de 27.3% du taux de change jusqu’à fin février 2023).

 

Dans l’objectif d’harmoniser leur présentation avec la thématique centrale de sommet, les intervenants ont pris le soin de rappeler les principaux défis en lien avec la vulnérabilité face aux risques climatiques, notamment la vulnérabilité accrue face aux risques climatiques physiques.

Des impacts sur le système bancaire, les responsables de la banque centrale ne se sont pas empêchés de se questionner ainsi : à quoi devrait-on s’attendre? En effet, ils ont pris le soin de les mentionner ainsi: « Altération de la capacité de remboursement des débiteurs du système, ce qui devrait impliquer une détérioration de la qualité du portefeuille des banques; baisse de productivité au niveau des institutions à cause du départ des cadres; la contraction de l’activité économique devrait entraîner un ralentissement du rythme de croissance des dépôts et les banques devraient être plus réticentes à accorder du crédit; possibles impacts négatifs sur la santé financière des institutions de crédit.

 

Des impacts sur le système bancaire ont été pris en compte en tenant compte des données. “Après avoir isolé l’effet-change, on constate que le ralentissement de l’activité économique a un impact direct sur les opérations d’intermédiation des banques: baisse des dépôts captés et du crédit octroyé au cours du premier trimestre.”, rapporte l’un des banquiers.

 

Des “Impacts négatifs sur la qualité du portefeuille de crédit des banques (taux  taux d’improductifs au-dessus de 10% à partir de novembre 2022). La BRH a accordé plusieurs périodes de moratoire pendant lesquelles les débiteurs qui veulent en bénéficier peuvent payer uniquement les intérêts courus sur leurs prêts.”, on pris le soin de mentionner les responsables de l’institution de régulation du système financier haïtien, tout en soulignant que : “Le dernier moratoire accordé arrivera à échéance le 30 septembre 2023.”.

 

D'autres impacts sur le système bancaire en lien avec les données recueillies avaient été présentés: “En dépit des divers chocs internes, le système bancaire reste résilient”, rassurent les responsables au sein de la BRH. Ils présentent à l’appui : la solidité des fonds propres renforçant la solvabilité des institutions (assise financière au-delà de 5% et ratio Cooke de 20.28% au 31 décembre 2022). Le coussin de fonds propres additionnels fixé à 2.5% des actifs risqués (prévu à la circulaire 88-1) a bien aidé; les liquidités en nette progression (hausse de 23% depuis sept 21); le système continue de dégager des revenus à la fois de l’intermédiation et d’autres sources secondaires. Le bénéfice net a quasiment doublé en deux ans »  « Résilients, oui. Mais jusqu’à quand? », se questionnent les intervenants, tout en présentant les principales mesures d’accompagnement de la BRH. 

 

Dans cette partie, Djemsy Delphin, Henriette Chaperon et Jean Armand Mondélis, les trois cadres de la BRH qui intervenaient, ont mis l’accent sur « le support aux débiteurs et préservation de la qualité de l’actif des banques (Octroi de moratoires); l’amélioration de la surveillance des institutions financières et renforcement de la réglementation prudentielle en vue de garantir la solidité et la stabilité des fonds propres: Introduction d’une limite de 6.75% des actifs à risques pour les fonds propres de base de catégorie 1a (Core tier1); Ajout du volant de conservation des fonds propres (2.5% des actifs à risques); Et la contrainte de distributions de dividendes.

 

Dominique Domerçant

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