À quand la normalisation de la distribution des produits pétroliers en Haïti ?

Introduction

 

Le problème de la distribution de produits pétroliers s’avère être une des anomalies les plus révélatrices de la situation difficile d’Haïti. Depuis près de deux années, plus personne ne peut espérer où qu’elle se trouve dans ce pays se présenter à n’importe quel moment dans une station-service pour se procurer normalement du carburant, que ce soit du gazole, de l’essence ou encore du kérosène. Il va sans dire que c’est une situation qui dérange énormément l’économie du pays et qui favorise de manière continue les poussées inflationnistes. Elle perturbe en effet les relations entre les localités en termes de circulation des personnes et des marchandises. Dans l’ensemble du pays, elle perturbe aussi la vie des usagers qui sont souvent bloqués pour faire face à leurs obligations quotidiennes que ce soit pour se rendre au travail, pour faire leurs courses ou encore pour accompagner leurs enfants à l’école. Si tout un chacun appelle de ses vœux la fin des perturbations de plus en plus difficile à supporter, il faut se poser la question de savoir s’il est encore possible pour Haïti d’atteindre un tel résultat.

Le texte qui suit se concentre sur une revue des formes de distribution de produits pétroliers dans le pays au cours des cinquante dernières années.

La distribution de produits pétroliers de 1986 jusqu’au début du deuxième  mandat de René Préval

D’après le numéro du 13 février 2012 d’ « Une Semaine en Haïti », « de 1986 à 2012, Haïti a régulièrement vécu des périodes de manque de carburant, pratiquement sous tous les gouvernements. Le pays ne dispose pas encore d’infrastructures susceptibles de maintenir un stock-tampon stratégique de produits pétroliers pour compenser tout retard d’approvisionnement et prévenir les éventuelles pénuries ».

Cependant, on avait observé déjà sous la présidence de Jean-Claude Duvalier les premières difficultés dans le système. 

Si l’on remonte dans l’histoire récente, force est de constater que la première période de grande perturbation de la distribution des produits pétroliers a été celle de l’embargo qui avait frappé le pays entre 1991 et 1994 où fut enregistrée  une diminution drastique des importations de ce type de ressources. La première année de cet embargo a été particulièrement dure avec 2101 barils d’essence livrée en 1992 à Haïti par la République dominicaine dont l’économie avait bien profité de cette mesure décidée d’abord par l’OEA en novembre 1991 et en novembre 1992 , puis par l’ONU en cinq fois entre 1993 et 1994. Mais, la situation était devenue plus soutenable par la suite : 110 925 barils en 1993 et 289 315 barils en 1994.

Depuis le retour de Jean-Bertrand Aristide, en 1994 la situation s’était normalisée, surtout à la faveur de l’aide internationale qui avait permis le redémarrage de l’économie nationale. Sous le premier mandat de René Préval, la distribution de carburant qui était assurée par les compagnies pétrolières occidentales n’avait pas connu de perturbation.

La distribution des produits pétroliers sous la deuxième présidence de René Préval

Sous la seconde présidence où Haïti était admis au Programme PetroCaribe, on avait noté pour plusieurs raisons des ruptures de l’approvisionnement du pays en produits pétroliers, surtout en fin d’année, généralement due à la mauvaise gestion des commandes par le BMPAD et par le ministère de l’Economie et des Finances.

 

Le tout premier cas remonte à décembre 2005 où la fin d’année était quelque peu perturbée sur fond de rumeur  d’augmentation prochaine des prix à la pompe, en réponse à la montée des cours du pétrole sur le marché international, soit plus de 60 dollars, pour frôler ensuite les 70 dollars en avril 2006. Cette rupture de stock avait affecté trois des quatre compagnies responsables de la distribution (Texaco, Esso, Total). Seule la compagnie National aujourd’hui DINASA continuait encore ses livraisons aux stations-service et tous les usagers devaient y faire la queue pour se ravitailler.

 

On avait observé sous René Préval d’autres cas de rupture d’approvisionnement de produits pétroliers. Ainsi, au début de l’année 2008 où le problème fut résolu rapidement grâce à l’arrivée d’un pétrolier le 13 janvier.

Toujours sous le gouvernement de René Préval, Port-au-Prince avait connu une pénurie de la distribution de carburant au mois d’avril 2008 qui n’avait duré que trois jours après une augmentation du prix des produits pétroliers décidée par le gouvernement qui avait suscité une grande colère de la population se matérialisant par trois journées mortes entre le 9 et le 11 avril.

Au début de l’année 2009, le pays avait connu une forte paralysie des transports en commun, conséquence d’une pénurie de produits pétroliers qui avait affecté la distribution de la ressource depuis les derniers jours de l’année précédente.

Toujours sous René Préval, une autre pénurie sévère de carburant a été observée entre la troisième semaine et la quatrième semaine du mois d’avril 2010. Le président avait alors pris la précaution d’imposer le rationnement de la vente à la pompe à 1000 gourdes par usager, soit près de 4 gallons.

Enfin, une rareté de la distribution de carburant avait été notée à la troisième semaine de décembre 2010, toujours en raison de la mauvaise gestion des commandes par l’État haïtien alors qu’on n’avait jamais enregistré ces inconvénients quand le système était géré par les compagnies pétrolières internationales qui lançaient toujours leurs appels à temps.

La distribution des produits pétroliers sous la deuxième présidence de Michel Martelly

Sous la présidence de Michel Martelly, les pénuries de carburant avaient commencé à devenir systématiques et plus sévères.

 

Ce fut en effet d’abord le cas dès le début de son mandat entre la deuxième et la troisième semaine de février 2012 en pleine période de carnaval.

 

Encore une fois en avril 2013, la distribution de carburant était perturbée par une rupture qui s’expliquait par plusieurs raisons dont l’une était la faiblesse du quota défini dans le cadre de l’accord PetroCaribe qui n’accordait à Haïti qu’un volume de 14 000 barils par jour alors que les besoins du pays à l’époque s’élevaient déjà à 20 000 barils. On sait que pour pallier cette faiblesse, Michel Martelly avait arraché à Hugo Chavez la révision à la hausse du volume de fourniture de produits pétroliers, soit 6 000 barils de plus par jour. Il semble qu’aucune suite n’a jamais été donnée à cette promesse.

 

En janvier 2014 également, le pays avait aussi souffert d’une pénurie sévère de carburant, suite à la période de forte consommation correspondant aux fêtes de la fin d’année précédente. Mais, cette pénurie n’avait pas duré longtemps puisqu’elle ne s’était étendue que sur deux jours. Toujours pour cause d’insuffisance du quota accordé par le Programme PetroCaribe. Et aussi à cause de la faible capacité d’anticipation de l’État haïtien en pleine période où la gestion des commandes était confiée au Bureau de Monétisation des programmes d’aide au développement, le BMPAD.

 

Cette pénurie avait été suivie d’une autre survenue en avril 2014, toujours parce que la quantité de carburant fournie dans le cadre du Programme PetroCaribe ne permettait pas toujours d’alimenter le marché local de manière suffisante. Une situation qui avait également affecté la distribution de courant électrique au point que l’Electricité d’Haïti avait dû rationner l’alimentation des usagers, en raison d’un retard de livraison par le terminal de Varreux.

 

D’autres circonstances avaient perturbé la distribution des produits pétroliers sur le marché local, notamment les tensions exercées par la population pour que le gouvernement révise à la baisse les prix à la pompe.

Ainsi, au début de l’année 2015, Haïti avait connu une autre crise pétrolière, non pas à cause du problème de ravitaillement en or noir, mais à cause de grèves générales à répétition qui avaient été  déclenchées par les syndicats et des partis politiques pour forcer le gouvernement à réduire le prix à la pompe.

Deux grèves s’étaient tenues en deux semaines successives, les deux premiers jours des deux premières semaines du mois de février, où à chaque fois, les syndicats et des partis politiques avaient exigé du gouvernement de réduire le prix de vente du carburant d’environ 50% alors que le gouvernement indiquait ne pas pouvoir aller au-delà de 9,3% consentis le 2 février.

Cependant, les acteurs n’ont obtenu qu’une satisfaction partielle, les prix n’ayant diminué que 9, 5%.

La distribution des produits pétroliers sous la deuxième présidence de Jovenel Moïse

C’est sous la présidence de Jovenel Moise que les pénuries de carburant ont été particulièrement insoutenables, neuf en l’espace de quatre ans et demi, soit deux par an.

 

C’était d’abord entre le 14 et le 16 mai 2017 où l’essence était un produit difficile à trouver localement pendant une durée assez brève, suite à la première augmentation du prix des produits pétroliers décidée par le nouveau président. C’était juste pour la mise en place de la logistique en lien avec l’ajustement des prix. Il faut dire que l’augmentation n’était pas sévère parce que la valeur du gallon de la gazoline n’était passée que de 189 à 224 gourdes, le diesel de 149 à 179 gourdes et le kérosène de 148 à 173 gourdes.

 

La seconde grande pénurie de carburant sous Jovenel Moise était enregistrée pendant la période du 30 décembre 2017 au 3 janvier 2018 en raison de la forte demande de produits pétroliers qui caractérise les périodes des fêtes de fin d’année depuis l’administration de René Préval.

 

La troisième période de rupture de distribution de produits pétroliers sous Jovenel Moïse eut lieu entre le 11 et le 20 janvier 2019. Toujours le même problème de gestion des commandes. Cela s’était produit concomitamment à la décision de 19 pays du continent latino-américain qui avaient signé une résolution de l’OEA qui ne reconnaissait plus la légitimité de Nicolas Maduro, pour satisfaire la volonté des États-Unis.

 

On doit retenir aussi la période du 3 au 28 février 2019, la quatrième grande pénurie de carburant sous le feu président où le pays avait souffert d’un grave manque de diesel dans la foulée d’un lock sévère qui avait commencé le 7 février contre la politique du président. Une situation qui avait entrainé également la paralysie pendant plus de trois semaines du fonctionnement de la compagnie nationale d’électricité au détriment des conditions de vie des populations. De même, de nombreuses institutions publiques et privées ont été sévèrement pénalisées par la pénurie.

 

La cinquième période de grande pénurie de produits pétroliers sous Jovenel Moïse fut celle du 2 au 6 avril 2019 où l’essence était en rupture de stock dans le pays. Ceci en raison du fait que la compagnie pétrolière internationale Novum avait refusé de décharger sa cargaison en raison d’une dette de 60 millions de dollars non acquittée par l’État haïtien. Toujours le même problème de l’incapacité du gouvernement haïtien d’honorer à temps ses factures.

 

La sixième rupture de perturbation de la distribution de carburant sous Jovenel Moïse s’était étendue entre le 26 août et le 30 septembre 2019. Elle avait suivi des manifestations contre l’indisponibilité de la gazoline et du diesel qui elles-mêmes avaient abouti à un lock très sévère retardant la livraison d’une cargaison de 140 000 barils de produits pétroliers qui était en attente dans la rade de Port-au-Prince. En plus, les chauffeurs de camions-citernes, par peur pour leur sécurité, avaient trainé leurs pieds avant de reprendre les livraisons, car certains d’entre eux étaient kidnappés sur leurs parcours quand ils traversaient les zones de non-droit.

 

Il faut ajouter la période du 8 au 20 juin 2020 sous le gouvernement de Joseph JOUTHE, la septième de l’administration de Jovenel Moïse, où il y avait eu un changement de fournisseurs et où le problème avait concerné uniquement la fourniture de diesel.

 

L’avant-dernière rupture de la distribution de produits pétroliers sous Jovenel Moïse, la huitième, était comprise entre le 28 décembre 2020 et le 17 janvier 2021, soit trois semaines,  où les conducteurs devaient se résigner à se procurer le précieux liquide auprès des vendeurs du marché informel.

 

Enfin, la neuvième et dernière rupture dans l’approvisionnement local en carburant sous Jovenel Moïse s’était située entre le 15 et le 28 juin 2021, peu de temps avant l’assassinat du président. Une pénurie qui s’expliquait par l’insécurité créée par les affrontements entre les groupes armés à l’entrée sud et à l’entrée nord de la capitale où sont localisés les deux grands terminaux pétroliers du pays. On sait que ces affrontements avaient provoqué de nombreux décès parmi la population civile ainsi que 10 000 déplacés internes, sans oublier les viols et les maisons incendiées.

 

Les pénuries de carburant sous Ariel Henry

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Depuis l’installation au pouvoir d’Ariel Henry le 20 juillet 2021, les pénuries de carburant ont battu un record. Il est difficile d’en lister le nombre, car depuis le milieu de l’année 2022, un mois ne s’est jamais passé avec une alimentation normale en produits pétroliers où que ce soit sur le territoire national.

 

Les causes de ces pénuries de carburant sont relativement nombreuses,

 

Nous commencerons par l’analyse des causes financières dont la première est la difficulté de plus en plus aiguë de trouver des dollars pour placer les commandes de produits pour l’étranger. D’où des retards de plus en longs pour lancer les appels d’offres, la Banque centrale ne disposant pas toujours à temps des devises nécessaires pour dépanner les compagnies pétrolières qui ne reçoivent que des gourdes e leurs clients. En plus, il a même été dit qu’à certains moments, ces compagnies exigeaient que les stations services leur paient en dollars.

 

Il y a aussi une thématique qui revient sans cesse, la question de la dette de l’État haïtien depuis des années envers les compagnies qui se trouvent souvent à court de liquidités.

 

La deuxième cause de pénurie de produits pétroliers dans le pays est politique. On a connu en effet trois périodes de rupture en raison des blocages des terminaux de Varreux et de Thor, deux en 2021 et un autre en 2022.

 

Il faut rappeler qu’au début de juin 2021, le problème de la distribution des produits pétroliers dans le pays avait pris un nouveau tournant entre autres avec la guerre des gangs dans la troisième circonscription de la capitale. Il s’en était suivi entre autres la difficulté d’acheminer les stocks de carburant vers les stations d’essence à partir du terminal de Thor. En conséquence, c’est de manière parcimonieuse que celles-ci sont ravitaillées et que les usagers avaient pu se procurer le précieux liquide.

 

Mais, c’était surtout à cause du blocage de la zone du terminal de Varreux entre octobre-novembre 2021 et entre fin septembre 2022 et début novembre 2022 par les groupes armés que la crise avait été très dure pour le pays, où pendant des semaines aucune goutte du précieux liquide ne pouvait sortir du terminal au nord de la capitale.

Dans le premier cas, il a fallu attendre la troisième semaine du mois de novembre 2021 pour que la population ait pu connaitre un soulagement suite à un accord avec les groupes armés qui contrôlaient la partie nord de la capitale. Après le 18 novembre de la même année en effet,  les activités de déchargement des citernes de Varreux avaient pu reprendre à la grande satisfaction de tous, depuis les entreprises privées jusqu’aux établissements publics en passant par les centres hospitaliers.

Après la levée du blocage au niveau de la zone nord du pays, le ravitaillement des usagers a mis du temps pour revenir à la normale. Il a fallu, en effet, faire la queue encore trois semaines dans les stations d’essence, tandis que plus d’un avait continué à s’alimenter pendant plusieurs jours au marché noir en même temps qu’on avait continué à assister au spectacle offert par les « gallons jaunes » le long des rues et autour des stations d’essence.

On peut dire que c’est seulement depuis le début de décembre que l’on a pu se procurer un peu partout dans le pays de tous les types de carburants de manière régulière.

On avait connu une situation semblable entre fin septembre 2022 et début octobre 2022 avec un nouveau blocage du terminal de Varreux auquel la Police nationale avait mis fin la nuit du 3 au 4 novembre.

Parmi les causes politiques, il faut ajouter l’importante grève syndicale qui avait paralysé toute circulation dans le pays les 25, 26 et 27 octobre 2021. Une grève dite «contre l’insécurité.» Pour protester entre autres contre le détournement devenu de plus en plus courant des camions-citernes transportant des produits pétroliers. Ainsi, pendant les mois d’octobre et de novembre, plus d’une vingtaine de ce type d’engins ont été détournés par des groupes armés avec pour conséquence le paiement de rançon à la fois pour la libération des chauffeurs, pour la récupération des engins tandis que le carburant retenu par les ravisseurs était vendu à divers acquéreurs qui l’écoulaient au marché noir.

Les perturbations observées dans la distribution des produits pétroliers ont toujours des conséquences néfastes sur la vie nationale en dehors de celles que nous venons de mentionner sur les transports, les formations sanitaires et le fonctionnement des commerces.

Ces perturbations qui sont devenues trop fréquentes et de plus en plus longues ont surtout des conséquences macroéconomiques qui font baisser la production nationale et affectent fortement aussi le taux de change.

 

Enfin, il faut rappeler le problème de la gouvernance au sein de l’administration haïtienne qui n’a pas l’habitude d’honorer à temps le paiement des factures dues aux sociétés pétrolières, aggravant ainsi les dysfonctionnements du système. On se rappelle que, malgré les mises en garde des compagnies pétrolières qui avaient averti à plusieurs reprises en mai et juin 2019 de l’immense d’une rupture de l’approvisionnement en hydrocarbures du pays pour cause de non-paiement de l’État de ses dettes envers elles, le ministre de l’Économie et des Finances d’alors avait nié la possibilité de survenue de toute crise du système. Les compagnies avaient raison et ce fut le ministre qui perdit son poste.

 

La montée du marché noir du carburant depuis l’année 2022

Depuis l’année 2022, la pénurie de carburant est devenue systématique au point que selon Haïti Progrès du 1er septembre 2022, le responsable de l’ANADIPP, David Turnier aurait déclaré en août 2022 que les compagnies  pétrolières ne recevaient plus que 20% des volumes habituels de carburant. Certains peuvent aller jusqu’à croire que les 80% qui restent alimentaient directement le marché noir.

 

En dépit des difficultés de plus en plus cruciales pour son ravitaillement, l’aire métropolitaine de Port-au-Prince peut se considérer comme privilégiée, car les localités de l’intérieur du pays peuvent rester parfois des mois sans recevoir une goutte de carburant par camion-citerne. En conséquence, des manifestations sont souvent organisées au Cap-Haitien, aux Cayes et ailleurs en signe de protestation contre les pénuries de produits pétroliers. Ainsi, en a-t-il été de la ville des Cayes les 1er, 2 et 3 août 2022.

 

Dans cette conjoncture, de nouveaux moyens ont été déployés par plus d'un pour profiter de la situation à travers la vente parallèle qui fait florès dans le pays parce qu’il est devenu un débouché privilégié pour de nombreux agents du secteur informe, allant des sans-professions à des gens aisés qui sont capables de stocker des quantités considérables du produit dans de grands réservoirs qu’ils ont fait construire chez eux. On remarque au bord des rues même des adolescents qui se livrent à ce genre d’activité interdite par l’État haïtien qui rappelle chaque fois et sans effet, à travers des communiqués, les dispositions de la loi.

 

Comment fonctionne ce commerce parallèle ? Il est souvent dit depuis deux années que plusieurs camions-citernes qui partent des terminaux pétroliers ne sont jamais arrivés à destination et vont alimenter des dépôts clandestins un peu partout dans le pays, notamment à Port-au-Prince. Le numéro d’Haïti Libre du 4 décembre 2021 avait signalé la découverte par les autorités d’un important dépôt informel au Cap-Haitien qui contenait « un camion-citerne de gazoline, dix barils de produits pétroliers et 11 contenants de 250 gallons de ces produits ». Et depuis, ce genre d’action s’est multiplié à travers tout le pays. Certains disent à la faveur des complicités à divers niveaux. Ainsi, des acteurs importants du système ont dénoncé  à plusieurs reprises les détournements de camions-citernes au profit des acteurs du marché noir. Quand les responsables de Varreux annoncent comme entre le 31 aout et le 1er septembre 2022 des départs massifs de camions-citernes de gazoline, de diesel et de kérosène pour les stations de la capitale, on avait constaté que peu arrivaient à destination et que c’était plutôt le marché parallèle qui avait fait le plein, vendant toujours le produit de cinq à dix fois cher que le prix officiel selon la conjoncture du moment. On sait que le mode opératoire le plus fréquent par lequel les vendeurs du secteur informel ainsi que les demandeurs se procurent le carburant : c’est l’utilisation des gallons jaunes, ces récipients d’environ 20 litres qui permettent de transporter aisément le précieux liquide, à pied ou même à bord de motos.

 

Il faut mentionner que ce précieux liquide n’est pas toujours si précieux que cela parce qu’il arrive souvent que le produit qui est vendu est mélangé à d’autres liquides qui peuvent créer des ennuis sérieux aux véhicules des acheteurs.

 

Conclusion

 

A travers la revue que nous venons d’effectuer sur la question de la distribution des produits pétroliers en Haïti au cours des 50 dernières années, il apparait qu’il sera difficile, voire impossible de réguler et de régulariser le système. Et ceci, pour plusieurs raisons que nous avons déjà mises en lumière dans le développement, la toute première étant la situation financière du pays qui ne peut pas se procurer à temps les devises pour les achats de cette catégorie de produits. Nous avons déjà démontré dans des études antérieures que dès que le cours du pétrole dépasse le seuil des trente dollars, les difficultés s’amoncellent pour acheter le produit. Or, depuis le mandat de René Préval, le cours du pétrole se situe toujours au-delà de 40 dollars le baril. Il y a eu même des périodes où il avait dépassé le seuil des 140 dollars. On avait  assisté en plus à une forte poussée au début de la guerre d’Ukraine qui avait motivé de la dernière hausse décidée fin 2022 par le gouvernement d’Ariel Henry alors que le baril de pétrole avait frôlé le cap des 140 dollars en mars 2022.  Les autres problèmes qui affectent le système de distribution des produits pétroliers en Haïti sont d’ordre politique et administratif, comme nous l’avons montré en rappelant les retards récurrents du ministère de l’Économie et des Finances depuis l’administration Martelly. Donc, aucune illusion à se faire par la population haïtienne sur une diminution de ses dépenses énergétiques et sur ses perspectives de son niveau de vie. Aucune illusion à se faire non plus sur la chance de ne plus voir les Haïtiens passer des heures dans de longues files autour des stations d’essence pour se procurer le précieux liquide.

 

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            Jean SAINT-VIL

jeanssaint_vil @yahoo.fr

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