Haïti et la journée internationale des Banques

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Dans l'agenda international des journées mondiales, les banques dans le monde, à travers toutes les catégories confondues, et les spécificités relatives à leur origine, leur mission et la diversité des  services offerts,  disposent de la quatrième journée du mois de décembre, pour renforcer la communication autour de leur bilan et leur agenda. 

 

D'un autre côté, c'est une occasion offerte pour anticiper et pour alimenter l'ensemble des débats  publics, politiques ou scientifiques sur leur passé, leur présence au quotidien de nos société en majorité en crise, et les perspectives d'avenir en vue de consolider les acquis et de diversifier les ressources et les marchés.  Pourquoi et comment aborder la journée internationale des Banques en Haïti dans le contexte actuel de crises majeures ? Pourquoi l'ONU a pris en compte l'apport des banques dans l'agenda des objectifs de Développement durable ? 

 

Depuis tantôt cinq, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 19 décembre 2019,  la résolution A/RES/74/245, proclamant le 4 décembre Journée internationale des banques. "Cette résolution reconnaît le potentiel des banques dans le financement du développement durable, mais également le rôle vital des systèmes bancaires des États Membres pour contribuer à l'amélioration du niveau de vie.", rapporte le site internet officiel de l'institution. 

 

Durant les quatre dernières années, cette journée a été commémorée un peu partout dans le monde de façon tres limitée en termes de visibilité, tant au sein des réseaux de systèmes bancaires à l'échelle internationale que de manière très réservée sur le plan national. 

 

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, il est impossible de parler de développement sans préciser la place des banques.  Le système bancaire  étant un secteur ou domaine assez transversal, il touche ainsi tous les secteurs vitaux notamment les domaines de l'éducation, les technologie,  la recherche, la science, les arts, la construction,   les innovations, les industries, l'agriculture, la migration, les télécommunications, le transport, la transformation, la culture,  entre autres. Ce qui explique ou implique tous ces domaines sont directement ou indirectement concernés ou interpellés par cette journée internationale des Banques. 

 

Dans le cas d’Haïti, bien avant la validation de cette date par l’ONU, nombreuses sont les activités relatives aux secteurs de l'économie, de la finance et de l'économie numérique qui contribuent dans les réflexions et le développement de cet écosystème durant les trois à quatre dernières décennies, en passant de Infotel au Sommet international de la Finance, les Journées de l'Economie, la journée des Livres sur l'Économie, entre autres.  La promotion d’une telle journée avait été prise en compte par des professionnels, des institutions  et des acteurs de la société civile en Haïti. Six ans plus tôt, en 2018, deux universitaires haïtiens s'étaient investis dans des recherches visant à évaluer l’apport des plus importantes  banques multilatérales en Haïti, la Banque mondiale (BM) et la Banque interaméricaine de développement (BID), dans le domaine de l'éducation. Plusieurs autres contributions et initiatives sont à retenir dans cette démarche quand il sera question d'organiser la semaine de la recherche scientifique dans l'économie et la finance en Haïti.

 

D’autres activités avaient été organisées au cours des quatre dernières années, en vue de marquer cette journée internationale des banques. En 2020, la publication d’une série d’articles dans les colonnes de Le National et d'autres médias,  sur l’univers des banques, en passant par les musées des banques, les collections des biens culturels des banques, les innovations, et bien évidemment la radiographie de certains apports et des limites des banques dans le développement économique, social, environnemental entre autres dans le pays.

 

Des publications sur les métiers des banques et de la finance pour renforcer la proposition d'organiser le salon des métiers de la finance et des banques en Haïti, sont retenues dans les rubriques société et économie de Le national,  en 2021. Quelques mois plus tard, avant et après le drame du 7 juillet de cette sombre année, qui était pourtant la moins pire que 2024, plusieurs autres publications relatives à la promotion et le positionnement des femmes dans le système bancaire d’ici et d’ailleurs, l'érection d’un monument en hommage aux banquiers haïtiens assassinés ou disparus tragiquement visaient ainsi à enrichir le patrimoine symbolique du système bancaire haïtien en particulier.

 

Décembre 2022, la commémoration de la  journée internationale des Banques  avait été marquée de façon réservée ou timide au sein des principales institutions concernées, en dehors des nombreuses activités publiques organisées autour de la thématique. Parmi ces initiatives parallèles, on peut citer les nombreuses publications complémentaires sur le sujet, et l’agenda des activités proposées par la firme Educamuse pour marquer la journée internationale des Banques en Haïti, en particulier dans le secteur éducatif et culturel au bénéfice des jeunes.  On peut citer: l’organisation de concours de fanaux valorisant l’architecture des banques en Haïti, qui a permis à plusieurs jeunes, des adolescents qui évoluait à Bourdon, Delmas, Carrefour Feuilles de présenter leurs œuvres et de recevoir plusieurs primes dans une rencontre tenue à l'hôtel Marriott.

 

Derrière ce concours qui combine l'artisanat et l'architecture, on retiendra également quatres autres activités innovantes portées par Educamuse, telles que le concours de dessins autour du slogan des banques, la promotion de la culture haïtienne au sein des banques,  le répertoire des grandes dates dans le système bancaire, la conférence sur les métiers de la finance et des banques en Haïti, organisée en collaboration avec la Chaire de l'UNESCO en Histoire et Patrimoine de l'Université d'Etat d'Haïti (UEH), avec la participation du PDG du Group Croissance, Kesner Pharel, parmi d'autres intervenant. 

 

Deux des principales écoles de filles de la capitale haïtienne, le Lycee Marie Jeanne et le Lycée du Cent-Cinquantenaire (Lycée des Jeunes Filles), allaient bénéficier de l'organisation des expositions et causeries autour du thème "Les femmes et les banques en Haïti et dans le monde". Une belle occasion pour inspirer les filles autour des femmes dans la finance. 

 

Des femmes à la tête des banques en Haïti, et en particulier dans plusieurs pays dans le monde, notamment la patronne de la banque centrale de Russie, les femmes à la tête des banques de Bretton Woods, entre autres avaient été mises en valeur, à travers leurs images et leurs inspirants parcours. 

 

Durant la fin de l'année 2023, avec le contexte de crise en Haïti, les activités relatives à cette journée mondiale, initiée par des opérateurs des milieux éducatifs, culturels et scientifiques allaient prioriser la recherche relative aux contributions  des banques dans le secteur de l'éducation et de la culture en Haïti. Les violences et les crises que le pays a connu au cours des dix derniers mois n'ont pas permis d'avancer dans ces chantiers malheureusement. 

 

Durant l'année 2024, la majorité des acteurs et opérateurs du système bancaire haitien figure parmi les secteurs les plus touchés par l'insécurité, les violences et d'autres actes participant à la destruction des locaux et au vol des ressources, dans plusieurs villes et quartiers du pays. Les institutions sont parmi les premières cibles, en dehors des membres de leurs personnels respectifs qui continuent d'augmenter la liste des victimes. Nombreux des cadres victimes, en dehors des survivants, ont dû quitter leurs quartiers, leurs communes et le pays pour ne pas laisser leur peau. 

 

De nombreuses publications et des statistiques, des communications pertinentes, des décisions relatives à la gouvernance du système en temps de crise, des contributions pour le renouvellement du capital humain, et d'autres apports majeurs dans le secteur bancaire haïtien, en dehors des guichets aménagés pour le personnel de la sécurité en Haïti, figurent parmi les actions et les réalisations entreprises par les principales banques haïtienne, en particulier la Banque centrale, et d'autres opérateurs privés, dans le contexte de crise en cours.  Autant de points parmi d'autres qui seront pris en compte dans le prochain bilan de l'année. 

 

 

Dix ans bientôt, en 2025, en se rappellera qu'en 2015: "L'Assemblée générale avait adopté les objectifs de développement durable, reconnaissant que l'éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, y compris l'extrême pauvreté, est le plus grand défi mondial et une condition indispensable au développement durable. Les objectifs visent à réaliser le développement durable dans ses trois dimensions - économique, sociale et environnementale - de manière équilibrée et intégrée, en s'appuyant sur les réalisations des objectifs du Millénaire pour le développement et en s'attaquant à leurs aspects inachevés.". 

 

D'ici 2030, Haïti comme plusieurs autres pays dans le monde va certainement figurer parmi les derniers de la classe. En considérant que : "  La réalisation du développement durable - en particulier l'éradication de la pauvreté, la réduction des inégalités et la lutte contre le changement climatique - nécessite une perspective à long terme, dans laquelle les gouvernements, le secteur privé et la société civile travaillent ensemble pour relever les défis mondiaux. Toutefois, un monde plus incertain favorise des comportements à plus court terme. C'est pourquoi les entreprises privées, dont beaucoup sont déjà confrontées à toute une série d'incitations à court terme, hésitent à engager des fonds dans des projets d'investissement à long terme. En période d'insécurité financière, les ménages se concentrent souvent sur leurs besoins immédiats. Et les décideurs politiques sont souvent guidés par des cycles politiques à court terme.". 

 

Des efforts restent ainsi nécessaires à tous les niveaux pour garantir qu'une action collective renforcée puisse contribuer à réduire l'incertitude mondiale,  reconnaissent les responsables de l'ONU, tout en considérant que : " l'innovation financière peut générer des progrès significatifs dans le cadre programme de développement durable à l'horizon 2030 et du programme d'action d'Addis-Abeba.", rappelle l'ONU. 

 

Durant la première semaine du mois de décembre, les banques d'ici et d'ailleurs devront se donner rendez-vous pour faire le point autour de leur appréciation de cette journée. Elles devront également  faire le plein des regards croisés et des recettes de critiques relatives à leur politique respective, pas toujours comprise du grand public, qu'il faudra expliquer à partir de certaines nouvelles approches pédagogiques, en dehors de la stratégie de communication publique classique.  

 

D'un point de vue stratégique, et pour ne pas décevoir le plus grand nombre des besoins ou des attentes issues dans pratiquement tous les domaines, les banques ne peuvent et ne doivent pas communiquer au grand public tous les aspects et les contours de ce secteur aussi stratégique, sensible et susceptible d'influencer l'avenir de toute une nation ou des générations. Autant comprendre et pardonner certains esprits qui finissent par confondre parfois le sens ou l'essence du mot "Bank", dans l'environnement social et l'imaginaire collectif en Haïti. 

 

De plus en plus présentes sur les médias sociaux, en dehors des activités beaucoup plus pointues relatives aux systèmes financiers local et international, on a pu observer différents changements sociopolitiques et culturels dans l'évolution des banques en Haïti au cours des années. En dehors des longues files d'attente dans la plupart des villes et des régions du pays, les professionnels des sciences sociales trouveront bien des sujets de recherche parmi les plus pertinents. Notre travail initial de sociographie nous a permis ainsi de constater le remplacement de la majorité des œuvres d'art dans le temps, par des affiches et des écrans publicitaires. Le déclin de l'élan architectural qui faisait la fierté des villes du pays, à travers l'inauguration de nombreuses succursales de banques à la fin des annees 80 est un autre champ d'études. On se souvient encore de ces beaux bâtiments, les uns les plus beaux que d'autres, (toutes les catégories confondues, centrale et commerciales). 

 

Dans l'espoir qu'un jour, les membres du personnel éducatif pourront bénéficier des mêmes privilèges ou de préséance des membres des forces de l'ordre, ou du personnel médical face aux longues files d'attente. En attendant qu'une grande partie de  la population haïtienne finisse par migrer progressivement dans les banques en ligne et les services numériques, qui sont devenus de plus en plus la norme à travers de nombreux autres pays  dans monde, on va se donner rendez-vous le 4 décembre. Pour explorer le rôle, comprendre la place et les limites, pour découvrir les principaux produits et services,  pour profiter des nombreux avantages, anticiper les défis et  pour mesurer les contributions des banques d'ici et d'ailleurs dans le relèvement et la renaissance d'Haïti.  

 

Dominique Domerçant 

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