Femmes et finance en Haïti : des chiffres au-delà du 8 mars   

De la représentation de la femme dans la communication des principales institutions financières à l’occasion de la journée du 8 mars, à l’institutionnalisation de la promotion des droits (économiques) des femmes au sein du secteur bancaire et financier, les recherches sur le sujet nous offrent la possibilité d’apprécier certaines des actions et les réalisations priorisant la question de genre.  Garantir l'accès au crédit formel à plus de femmes entrepreneures ?

Des femmes professionnelles, entrepreneures, commerçantes issues dans tous les secteurs d'activités économiques du pays, en particulier des zones rouges, continuent de croire dans un avenir meilleur. Les  Madan Sara, dont certaines se sont organisées autour d'une association, figurent parmi les premières victimes de la situation chaotique dans le pays. Au-delà du 8 mars à commémorer, il y a lieu de croire que les chiffres actuels, en 2025, sont plus que alarmants face au sort économique et  la souffrance financière, imposés par les violences urbaines qui ne permettent pas à ces dernières, que l'on compte par plusieurs centaines de milliers, d'entreprendre un grand nombre d'activités professionnelles et commerciales, formelles et informelles, valorisantes et vertueuses, pour se nourrir et pour prendre soin de leurs proches.   

2022 : Dans un article publié sur le site de la Banque de la République d’Haïti, qui remonte au 16 février 2022,  on peut lire ce qui suit: “Au terme du forum des entrepreneurs, qui s’est déroulé du 1er au 3 février 2022 à l’hôtel Karibe Convention Center, la Banque de la République d’Haïti (BRH) a lancé officiellement le fonds de garantie partielle pour les femmes entrepreneures, lequel devrait permettre à plus de femmes d’avoir accès au crédit formel.”.

Dans le deuxième paragraphe, se précisent les informations pour les plus pertinentes : “Ce fonds de garantie destiné à faciliter l’accès au crédit à plus de femmes entrepreneures devrait être constitué d’une enveloppe de 10 millions de dollars américains et sa gestion sera confiée au Fonds de développement industriel (FDI). La banque centrale a déjà mobilisé des ressources en gourdes équivalentes à 500 000 dollars américains pour alimenter ce fonds. Au cours de la cérémonie de lancement, un appel à contribution a été lancé par le gouverneur Jean Baden Dubois aux partenaires qui supportent le renforcement de capacité et l’autonomisation financière des femmes. « Le projet de fonds de garantie nécessite la collaboration de différents partenaires afin de mobiliser les efforts en vue de créer un lendemain meilleur pour nos femmes entrepreneures. Les résultats attendus d’une telle initiative seront bénéfiques pour la société dans son ensemble », a soutenu le numéro un de la BRH.”.

Des statistiques à actualiser, qui remontent à l’époque de l’ancien Gouverneur Jean Baden Dubois, mais qui permettent d'apprécier le tableau dans le secteur, selon : “Les chiffres collectés par le Bureau d’information sur le crédit (BIC) afin de faire ressortir des éléments de disparités entre les hommes et les femmes en ce qui a trait à l’octroi du crédit. « Les femmes sont bénéficiaires de crédits auprès des institutions financières dans seulement 35,3% des cas. Par contre, selon la base de données du BIC, au 30 septembre 2021, il y a eu 1, 269, 757 crédits actifs. Un peu plus de la moitié de ces crédits, soit 51,2%, ont été attribués à des hommes et près de 49% à des femmes ».

2024 : Deux ans plus tard, à l’occasion de la 68e Conférence sur les femmes à l’ONU, le 15 mars 2024, il y a un an,  la Banque de la République d’Haïti avait été représentée par madame Michèle Delerme, Membre du Conseil d’Administration de l’institution.

Dans ses propos, la banquière centrale avait mis l’accent sur les principaux points suivants: “  En septembre 2022, à la suite du succès dégagés par le Booster PME I et considérant la demande croissante de participation des starts up au programme, BRH et Coopération Suisse en Haïti ont accepté de financer le Programme Booster PME II qui a pour objectif d’appuyer techniquement et financièrement 85 entreprises dirigées par des femmes.  Madame Yvrose Joseph va vous faire un résumé succinct du Booster PME II et sera avec vous pour les questions.”.

De manière spécifique, souligne-t-elle,  la BRH souhaite également à travailler avec diverses institutions financières bancaires et non-bancaires pour une augmentation moyenne de 15% l’an sur une période de trois (3) ans, de l’offre de crédit aux entreprises dirigées par les femmes ; Permettre à 400 entreprises dirigées par des femmes d’avoir accès au crédit dès la première année; et pour finir ;  Permettre à 1600 entreprises dirigées par des femmes d’avoir accès au crédit les deux années suivantes.”. Avant de conclure,  madame Delerme souligne: "Nous espérons que de nouveaux bailleurs de fonds répondront favorablement à notre demande, combien nécessaire et importante pour le développement social des femmes haïtiennes.”.

2025 : Dans les colonnes de Le Nouvelliste, l'article titré : “Crédit en Haïti : Une répartition inégale au détriment des femmes, selon la BRH”,  signé par Esther Kimberly Bazile, relate plusieurs informations pertinentes tirée dans la dernière note de politique monétaire de la BRH en date.

Des statistiques critiques. On peut lire dans deuxième paragraphe du texte : “Selon la BRH, « 65,39 % des prêts en gourdes, soit 39 344,18 millions de gourdes, et 63,62 % des crédits en devises étrangères, soit 103,77 millions de dollars américains, ont été octroyés à des hommes ». Cette domination masculine dans l’accès aux crédits soulève des questions, d’autant plus que les femmes représentent une part importante des acteurs économiques, en particulier dans le secteur informel.”.

Délimitation territoriale, l’auteure de l’article rapporte : La note souligne également une concentration géographique des crédits. « Plus de 75,13 % du portefeuille global a été alloué au département de l’Ouest, contre 6,53 % pour le Nord, 4,77 % pour l’Artibonite et 3,14 % pour le Sud », indique le rapport. Par ailleurs, les départements comme le Nippes, le Sud-Est et le Nord-Ouest se retrouvent tout au bas de l'échelle avec les pourcentages respectifs suivants: 1,51%, 1,46% et 0,72%. Cette répartition inégale reflète non seulement le poids économique de la région métropolitaine, mais met en évidence des disparités régionales dans l’accès au financement.”.

Des détails de taille : Cette note de politique monétaire fait ainsi référence à la répartition des crédits au 30 août 2024, suivant les informations recueillies : “Sur les 94 164 crédits accordés par le secteur financier, 96,53 % ont été destinés à des personnes physiques. Cependant, une analyse approfondie des données révèle une inégalité frappante dans l’accès au financement selon le genre.”, rapporte le texte qui nous sert ainsi de prétexte pour aborder au delà du 8 mars, d’autres chiffres, d’autres nombres et des statistiques pour les plus pertinentes qui pourraient décrire la réalité des femmes face aux biens, produits et services financiers dans le pays.

Dans le cadre de l’organisation du Sommet International des Femmes du Numérique en Haïti, il a plus de sept ans, en 2017, le premier des banquiers haïtiens de l'époque, avait pris le soin de rappeler : “ Le visage de l'entrepreneuriat change et évolue grâce à la technologie qui permet de se créer une part de marché plus facilement, et aussi d’exploiter au mieux les potentiels et les talents. Évidemment, l’atteinte d’un tel objectif de prospérité et de productivité n’est pas aisé, et les femmes entrepreneures devront surmonter de nombreux obstacles et contraintes. Elles devront relever bien des défis comme : Les problèmes de manque d’inclusion financière, et aussi les insuffisances de la législation concernant le monde informatique, le commerce électronique et d’autres domaines connexes ; Les carences en termes d’éducation financière qui empêchent de prendre des décisions optimales en matière de choix de services financiers ou de moyens pour mieux offrir des services.”.

Des souhaits : “Il est d’autant plus souhaitable d’envisager une voie nouvelle pour les femmes entrepreneures d’Haïti que leur situation courante est très difficile. Ne pouvant pas répondre aux exigences des institutions financières formelles, les femmes entrepreneures ont souvent recours aux circuits financiers informels, tels que les prêts accordés par des proches, par un « notable » de la région ou par un usurier ; les « sol », etc. Le microcrédit octroyé par des institutions de microfinance est également largement utilisé par les femmes entrepreneures pour de faibles montants, ceux de moins de 100 mille gourdes.”.

Difficile d’aborder la problématique des femmes et de la finance, sans prendre en compte la question de l'éducation et de la formation. Le 27 juin 2022, le titulaire du Ministère du Commerce et de l’Industrie à l’époque, Ricardin Saint-Jean, avait  mis l’accent, lors de son intervention, sur la nécessité de travailler énergiquement à l’émergence de nouvelles générations de femmes capables de donner l’exemple en s’engageant dans des métiers d’avenir, à l’occasion de la 5ème édition du sommet international des femmes du numérique en Haïti (SIFN).

Déjà cinq après, la situation socioéconomique du pays s’est considérablement détériorée, et certainement celle des femmes qui figurent parmi les premières cibles et victimes dans le chaos qui s’est installée. Entre la marginalisation et la misère, la migration et la mort importée et imposées par les principaux chefs de la terreur dans plusieurs villes et quartiers, il y a lieu d’actualiser les principales données relatives à l’inclusion financière des femmes dans le pays de Marie-Jeanne, de Claire Heureuse et de Toya.

 

Dominique Domerçant   

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