Perspectives économiques pour la Côte méridionale d’Haïti : investissements et préalables

0
741

Depuis plus d’une décennie, le chaos s’installe dans la société haïtienne où deux de ses principaux départements font face à une situation sécuritaire sans précédent, Port-au-Prince et Artibonite. En conséquence, l’Etat ne peut plus fournir de services dans les différentes communautés touchées par ce chaos. En effet, nous vivons les conséquences de la mauvaise gestion du territoire par une Elite inconsciente du pays qui, pendant deux siècles, avait « port-au-princisé » l’économie haïtienne exigeant les populations de toutes les régions de se rendre dans la capitale pour avoir accès au moindre service. Selon les dernières nouvelles qui viennent de partout, les hommes armés qui contrôlent les territoires perdus sont des instruments à la solde des privilégiés, hommes politiques et hommes d’affaires et une frange de la communauté internationale. S’il en est ainsi, un jeu malsain serait en train d’être joué avec un peuple de grande hospitalité et convivialité qui n’exige que l’acceptable pour continuer décemment à vivre. Bref, nous sommes arrivés à un carrefour où nous devons comprendre que la société tout entière doit redéfinir son destin au moyen de stratégies progressistes pour offrir un espace approprié où des humains doivent vivre décemment.

Bien que personne ne puisse prédire avec exactitude cet horizon, il faut admettre que l’aube s’annonce pour que le peuple haïtien puisse enfin recommencer à vivre un renouveau où des hommes intègres animés de civisme et de sentiment nationaliste prendront les reines de ce pays pour démarrer avec de chantiers prometteurs. Le futur d’Haïti doit, entre autres, définir autour des axes qui faciliteront l’intégration économique immédiate des jeunes et de travailleurs pour qu’ils ne puissent plus être instrumentalisés par les démons qui s’entre-déchirent pour l’espace de pouvoir. Nous proposons ici un certain nombre de projets/chantiers et de préalables qui sont nécessaires pour le futur d’Haïti. Ces préalables sont la formation technique, la communication effective et l’entrepreneuriat suivis de la régionalisation des investissements. De plus, nous nous penchons sur les structures administratives et organiques compétentes indispensables pour planifier et conduire l’implémentation de ces projets et les stratégies de financement à mettre en place.

De l’Afrique à l’Amérique, nombreux sont les chefs d’Etats qui expriment leur sympathie au peuple haïtien et qui ne ratent aucune occasion pour souhaiter une sortie de crise et du renouveau pour ce peuple maltraité. De plus, des Haïtiens soucieux, de l’intérieur et de l’extérieur, ont démontré leur volonté de participer à la restauration de la paix et au progrès devant faciliter l’épanouissement de tout un chacun dans cette société. Particulièrement, en Amérique du Sud, nous avons, entre autres, le Venezuela, le Chili, l’Equateur, l’Argentine et le Brésil qui ont déjà activement participé à une certaine coopération productive avec le peuple haïtien et qui souhaite de continuer avec la production de denrée, les logements sociaux et l’éducation. Donc, nous devons nous préparer à accueillir une coopération plus technique qui met l’emphase sur la profitabilité de nos actions.

Selon Olivaniaina Rakoto, (2023), les barrières linguistiques constituent un grand obstacle au développement d’un pays et pour y remédier, proposer des formations de langues aux jeunes et aux professionnels doit précéder tout projet de développement. Plus loin, Nicolas, Radja et Schembri (2009) soutiennent que la formation technique de qualité aide à l’employabilité durable tout en renforçant la capacité des individus à s’adapter dans le temps. Cela dit, les nations qui se développent mettent l’emphase sur la formation technique de qualité afin de faciliter l’insertion des jeunes sur le marché du travail tout en assurant la maitrise des langues pour permettre le transfert des technologies. Pour Haïti, la maitrise des langues telles que l’espagnol, l’anglais, le portugais et le français dans la moindre mesure pourrait permettre une communication efficace entre des investisseurs de l’Amérique du Sud et du Nord et de professionnels d’horizons divers. La mise en chantiers de l’économie haïtienne sur la côte méridionale va nécessiter la construction de nouvelles infrastructures, la conservation des monuments, entre autres. Pour ce, un nombre considérable de techniciens qualifiés seront indispensables à travers le territoire national pour s’engager dans les nouvelles perspectives économiques qui nécessiteront aussi des investissements étrangers.

Investissements nécessaires

Selon les experts des nations unies (UN, 2024), les océans offrent différents domaines de développement à travers l'économie maritime qui englobe le tourisme, les activités récréatives, la pêche, l'aquaculture, les ressources marines, les énergies renouvelables, la biotechnologie, le transport, les activités portuaires, la construction navale et le dessalement. Ces zones peuvent être dédiés comme moyen d'équilibrer le bien-être des citoyens et la durabilité de l'environnement marin. En effet, considérons la côte méridionale du pays où une route interdépartementale est plus que nécessaire pour relier un nombre considérable de villes telles que Jérémie, Dame Marie, Anse-d’Hainault, Les Irois, Tiburon, Les Anglais, Port-à-Piment, Roche-à-Bateau, Port-Salut, Cayes, Saint-Louis du Sud, Côte-de-Fer, Jacmel, Marigot et Belle-Anse, il est urgent de concerter pour identifier des projets porteurs visant l’exploitation de la mer et pouvant favoriser la création d’emplois pour nos concitoyens. Ces villes côtières qui sont surplombées par de structures montagneuses offrent un panorama verdoyant pouvant attirer des visiteurs et entrainer des investissements massifs dans l’écotourisme. Dans les basses plaines, les rivières remplies d’eau cristal, au-dessus desquelles des passerelles doivent être construites pour amener les touristes dans les hauteurs, constituent de sources d’inspiration pour le développement de l’écotourisme. Pour répondre à l’urgent besoin de développement économique dans le Sud du pays, nous devons immédiatement nous pencher sur la formation technique et démarrer avec le projet transversal inévitable qui est la construction de la Route Méridionale reliant les trois départements jusqu’à son acheminement à Pédernales pour connecter les deux morceaux de l’Hispaniola. Il faut rappeler que la côte méridionale du pays regorge de potentialités touristiques qui doivent être exploitées dans de perspectives de développement durable qui entrainera la création de milliers d’emplois et la croissance économique. Pour cela, des chaines hôtels doivent être envisagées sur toute la côte avec des restaurants pouvant servir toutes les bourses. De lieux de loisirs sont aussi indispensables pour offrir aux touristes une vie nocturne intense. Un lieu de loisirs très approprié pour les touristes et pouvant contribuer à la création de milliers d’emplois sur la côte méridionale est le développement d’un réseau de Casinos où autres jeux, incluant animations socioculturelles, bars et grill, restaurants fonctionnant en permanence. Pour démarrer avec ces grands chantiers, quelques villes côtières doivent être sélectionnées pour un développement urbain standard offrant de services de base tels que logements décents avec des maisons familiales et des appartements, des bâtiments administratifs adaptés et des services tels que les hôpitaux, les écoles et aussi bien de bâtiments industriels. Il ne faut nullement oublier que la déconcentration du système économique du pays engendrera la construction de ports et aéroports dans la Grand-Anse, le Sud et le Sud-est pour éviter aux investisseurs les longs trajets routiers avec les risques d’accidents y relatifs.

Formation technique

Bréant et Martin (2024) soutiennent que le développement économique régional est une combinaison de manière vertueuse et durable d’un regain d’attractivité pour le territoire, une dynamique de création ou de développement d’activités et la création d’emplois diversifiés et accessibles aux populations locales. Ainsi, pour développer les régions, les compétences doivent formées localement pour répondre aux besoins locaux. Cela dit, pour pouvoir répondre au grand besoin de compétences pour lancer les chantiers précités dans le Sud du pays, au moins dix (10) des cinquante-trois (53) communes du Grand Sud doivent accueillir, dès le démarrage, au moins une école polytechnique de haut niveau dotée de laboratoires finement équipés et d’enseignants hautement qualifiés. Des formations sur l’exploitation de la mer doivent être envisagées pour permettre l’exploitation des ressources renouvelables liées à la mer. La technique doit être initiée aux jeunes dès l’école classique pour permettre l’identification des compétences dès leur jeune âge. Les enseignants peuvent être de coopérants de l’Amérique latine et de l’Amérique du Nord ayant accepté de fournir leur service à la nation haïtienne. Les gouvernements des départements ainsi que des communes doivent être dotés de professionnels éclairés ayant de formations, entre autres, en aménagement du territoire, urbanisation et/ou économie urbaine, pour concevoir de plans opérationnels stratégiques pour démarrer les travaux et ils doivent aussi être capables de négocier de partenariats publics-privés. Etant donné que l’heure n’est plus à la domination mais à la coopération, les départements aussi bien que les communes doivent se préparer à de coopérations techniques avec des maires et gouverneurs des pays étrangers qui seraient disposés à venir supporter la formation technique et des investisseurs qui veulent venir implanter des filiales de leurs entreprises et/ou des infrastructures économiques dans nos régions. Pour faciliter ces tâches, les agents économiques locaux, professionnels, travailleurs et entrepreneurs étrangers doivent pouvoir se communiquer entre eux. Et ce, du fait que selon Alison Carter (2023), la communication fluide est un pilier fondamental pour la prospérité d'une entreprise puisqu’elle permet non seulement de prendre des décisions plus rapidement et d'aligner les efforts de l'équipe sur les objectifs de l'entreprise, mais aussi de créer un environnement de travail harmonieux et productif.

Communication efficace

La coopération et l’immersion dans le domaine de langues doivent précéder toutes démarches visant les partenariats avec des étrangers. Et ce, puisque selon Eggleston, Jensen, et Zeckhauser (2002), une communication efficace est essentielle au développement économique, car elle favorise la collaboration, le transfert de technologies et la confiance qui sont indispensables à la prospérité des entreprises et des communautés. Donc, une communication claire et cohérente garantit la compréhension des objectifs, des stratégies et des attentes de chacun, minimisant ainsi la confusion et optimisant l'efficacité. Etant donné que le développement d’Haïti va nécessiter de partenariats avec les étrangers, dès le démarrage du développement économique, même sous des tonnelles, de cours de langues (espagnol, portugais, et anglais) doivent être données aux futurs dirigeants et aux jeunes pour les rendre aptes à une effective communication tant en amont avec les investisseurs qu’en aval avec les opérateurs sur les chantiers. Dans les écoles classiques et professionnelles, ces cours de langues étrangères doivent être obligatoires dans les curriculums et des matériels didactiques appropriés doivent être fournis aux enseignants pour que les enfants puissent effectivement parler et écrire ces langues. Et ce, puisque l’une des barrières à la délocalisation des industries vers certains pays du Sud tel que Haïti est la contrainte de communication efficace. Tout en assurant la maîtrise des langues vivantes précitées, les investisseurs et leurs équipes techniques pourront parvenir à une meilleure productivité du travail. En témoignent le Rwanda, le Singapour, Les Philippines, le Taiwan et le Vietnam qui avaient dû adopter l’anglais comme préalable pour faciliter l’industrialisation de leurs économies par la coopération économique et commerciale.

Esprit entrepreneurial

Le dernier axe traite de la nécessité de développer une culture de l’esprit entrepreneurial chez l’homme haïtien. Il n’est pas un secret de polichinelle que l’être haïtien, professionnels et politiciens, ne croit pas dans le développement d’entreprises pour assurer son épanouissement économique. Il cherche éperdument un emploi dans une entreprise/organisation ou le politique pour détourner les maigres ressources qui auraient dû être utilisées pour résoudre les problèmes humanitaires. Donc, nous devrions comprendre que nous avons une société maudite puisque selon John Prager C.M. (2002), toutes tentations qui conduisent au détournement du moyen pour le bien-être des démunis engendrent des conséquences négatives qu’elles soient importantes ou mineures. Ceci est aussi vrai pour les entrepreneurs qui confisquent le fisc qui aurait dû être dépensé afin de doter les communautés des besoins de base. Nous comprenons pourquoi dans la société haïtienne, nous assistons pendant plus de deux siècles à un non-renouvellement des « Noms de Familles » ou la non-perpétuation des entreprises. Plus d’un jugent que certains Noms finissent toujours dans les poubelles de la société puisque les gens agissent sans civisme, donc une absence complète d’amour pour la société dans laquelle, ils évoluent.

Pour renverser cette culture néfaste tant pour la classe de dirigeants (hommes d’affaires, politiciens et professionnels) que pour les groupes de dirigés (les communautés), les dirigeants doivent s’enrichir au moyen d’entreprises saines qui se rivalisent selon les règles de la concurrence pure et parfaite et respectent le fisc. Pour ce, les futures écoles du pays, les campus (universitaires) ou écoles polytechniques/professionnelles doivent inculquer l’esprit entrepreneurial accompagné de l’éthique dans les affaires aux jeunes. Et ce, puisque la non-pérennisation des héritages familiaux et/ou des entreprises dû à la mauvaise gestion est un acte destructeur pour la société tout entière.

Banque et crédit

Pour implémenter les projets précités, en plus des partenariats avec des entreprises étrangères, il convient d’inciter à la création d’entreprises nationales par les jeunes professionnels et même les politiciens haïtiens. Nous nous rappelons que notre Feu Sénateur Gabriel Fortuné a eu à déclarer que s’il faisait la politique indépendante des dérives couramment observées en Haïti c’est parce qu’il avait eu des parcelles de terre cultivées lui offrant de quoi à vivre.  On en déduire que pour être un politicien avec une ligne de conduite, on doit avoir ses propres entreprises.  Pour ce, le système bancaire doit démocratiser le crédit. De plus, les banques doivent se trouver dans les régions et les officiers de crédit doivent pouvoir parvenir à de décisions irrévocables. Contrairement aux attentes de plus d’un, seulement quatre communes du Grand Sud ont une succursale de banque. Les autres communes sont non bancarisées. De nos jours, en Haïti, les banques ne sont pas du côté du peuple comme elles le prônent, tant du point de vue de localisation que du point de vue d’accès au crédit. La banque centrale, de son coté, doit mener de politiques monétaires qui incitent à la relance économique. Pendant trop longtemps la banque centrale d’Haïti pratique de politiques monétaires avec de taux directeurs de plus de 15%, ce qui engendre une augmentation de taux d’intérêt sur les prêts allant jusqu’à 55% (BRH, 2025). Alors qu’en république dominicaine, la banque centrale maintient son taux directeur autour de 5,75% par an (BCRD, 2025). Toutes sociétés qui visent la relance économique pratiquent de taux directeurs très bas, allant jusqu’à moins que 1% suivi de subventions ou fonds perdus pour inciter à la création d’entreprises nécessaires à l’augmentation de la valeur ajoutée pour la croissance et la création d’emplois pour résorber le chômage. Malheureusement, pendant les cinq décennies écoulées, nous n’avons pas vu naître de politiques économiques compétemment élaborées pour redresser l’économie haïtienne et garantir le bien-être de la société.

L’Elite haïtienne doit se préparer à une sortie de crise qui garantira une stabilité sociopolitique durable dans la société. Pour ce, une concertation intégrant toutes les strates sociales du pays est indispensable et la régionalisation du système économique est urgente avec des investissements massifs sur les côtes. La formation technique, l’esprit entrepreneurial, la capacité de négociations des dirigeants et la démocratisation du système de crédit doivent être des essentiels pour l’intégration économique des jeunes et les valeurs ajoutées provenant de leurs propres entreprises devront être les véritables sources de richesses pour les politiciens.

 

 Lonege Ogisma, Economiste

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES