Shut Down

La visite de la délégation de la CARICOM en Haïti a coïncidé avec une étrange semaine sur le plan politique et sécuritaire. Mais la rencontre des représentants haïtiens avec les émissaires de haut rang de la communauté des États caribéens s’est fort heureusement bien passée. Lors des discussions sur la situation du pays, courtoisie et respect mutuel étaient au rendez-vous. Pourtant, il y a eu des moments de tension autour de quelques désaccords, mais rien d’irrémédiablement irréconciliable. Si bien, que selon une source généralement bien informée, les représentants de la Caricom se seraient étonnés que des gens aussi « civils » et bien conscients des souffrances de leur peuple ne puissent s'asseoir autour d’une table pour dépasser leurs différends. Et de fait, une fois la délégation repartie, certains leaders ont continué à faire valoir dans la presse la nécessité d'un « consensus », même si, au fond d’eux, ils savent pertinemment que personne n’est prêt à passer à l’acte.

 

La vérité est que nous entretenons avec les mots un rapport quasi délirant. « Compromis », « dialogue national », « consensus », « gouvernement inclusif » ou « largement large » sont les concepts les plus utilisés par les politiques mais aussi les plus galvaudés au pays de l'ensauvagement par les réseaux criminels.

La semaine qui vient de s’écouler a connu une augmentation effrénée et démentielle - et même inédite - du nombre d'enlèvements en Haïti. À cette situation aussi douloureuse que révoltante s’ajoute l'impuissance glaçante des forces de l'ordre. Aucune présence policière massive dans les rues. Aucun déploiement d'urgence dans les zones les plus exposées. Le citoyen lambda se demande si on lui cache quelque chose sur l'état moral des policiers. Existerait-il une situation de grève non déclarée? Nourris par des imaginations assiégées par la peur, les spéculations et les fantasmes les plus hallucinants se bousculent. Avant de sortir, par mesure de prudence, les gens s'interpellent: « Ou wè polisye nan la ri a? »; « Mwen wè kèk bò Primati , apre lari a vid ».

 

Quand on se réveille avec les images du commissariat de Fort-Jacques porté par une terrible « tornade », il n’y a pas de quoi être rassuré. Une action d’éclat parmi d'autres, perpétrée par les terribles bandes armées de plus en plus enhardies grâce à l’impunité dont elles jouissent. Il est vrai que de plus en plus de jeunes fonctionnaires de police, ayant perdu trop des leurs, ne pensent qu’à jeter l’éponge, laissant la place aux bandits.

 

Le Premier ministre de la Jamaïque, Andrew Holness, a rappelé que les priorités du monde ne se situaient nullement de ce côté des tropiques. Mais que les États caribéens allaient tout faire pour qu'Haïti ne soit pas oublié. Mais ne faudrait-il pas que les Haïtiens eux-mêmes ne se débinent pas devant les insoutenables souffrances de leurs compatriotes? Même si on a impérativement besoin d’aide de l’extérieur, « charité bien ordonnée commence par soi-même » !

Roody Edmé

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