Entre la «cigarette» et le «Zo pwason» !

Dans l’histoire contemporaine d'Haïti, particulièrement celle post 1986, ils sont nombreux les discours, les slogans ou les paroles célèbres associés aux différents dirigeants qui se sont succédé au pouvoir et qui se sont inscrits à jamais dans l’imaginaire collectif du peuple haïtien et laissant parfois un goût amer, tel une «une cigarette allumée dans les deux bouts», et le «Zo pwason» en travers de la gorge.

 

Des deux côtés pratiquement le mal est infini. Pour certains esprits avisés qui déplorent,  dans le cas d'Haïti, le poids symbolique, chimérique ou dramatique de ces deux souhaits revanchards et malfaisants venant de la part de nos deux anciens chefs d’État haïtiens. Le premier, selon les témoignages rapportés, à défaut de disposer des archives officielles sur le sujet, fait référence aux propos qui viendraient de l’ancien président à vie, Jean-Claude Duvalier.

Devant la grande mobilisation des opposants pour faire tomber le règne des Duvalier, de père en fils, de 1957 à 1986, ce dirigeant prophétisait qu’avec son départ, le peuple haïtien allait tenir entre ses doigts «Une cigarette allumée aux deux bouts». Et sans vouloir justifier cette affirmation, certains peuvent déceler une telle prophétie malveillante dans les successions de crises qui dominent Haïti post- 1986.

Dans plusieurs de ses discours, l’ancien président Jovenel Moise allait finir par rejoindre cette liste en formulant ses affirmations ou son souhait de devenir un «Zo pwason» pour ses opposants et adversaires politiques qui voulaient à tout prix qu’il rende le tablier.

 

Dommage ces milliers de familles désespérées et cette jeunesse au désarroi qui, victimes de tous les maux, se retrouvent prises au piège, entre l’enclume et le marteau. En effet, on dirait l’image d’une cigarette allumée aux deux bouts. La population représente les doigts qui tiennent la cigarette au milieu pendant que les flammes se rapprochent entre les deux bouts et la fumée qui s'évapore dans l’air, sans possibilité de placer l’un des deux bouts dans la bouche.

 

Dommage pour ces nombres infinis de victimes dans la crise que connait le pays depuis plusieurs années, et qui s’est dégradée avec l’assassinat du 7 juillet 2021, cette situation de «Zo pwason» semble bien représenter la situation du pays. Avec ce «Zo pwason» que la population tient malgré tous les efforts dans la gorge, elle ne sait pratiquement pas si elle doit l’avaler ou le rejeter dehors. Ce qui est certain, cela laisse une mauvaise sensation, des blessures certaines dans la gorge ou le risque d'étouffement.    

Dans ces souhaits malfaisants, s’ils pouvaient avoir des impacts réels sur le pays, c’est la population, dans sa grande majorité, qui va en payer très fort le prix.  D’ou l’importance pour les couches saines de la société, incluant les victimes, d’encourager plus de discours positifs et des communications plus conciliantes de la part des dirigeants, qui doivent reconnaître les limites du temps par rapport à tout pouvoir.

 

De cette cigarette à jeter au «Zo pwason» à rejeter, il faudrait offrir de nouveaux messages et des images plus positives à inscrire dans l’imaginaire collectif et la mémoire populaire en Haïti. Et si les médias et les universités en Haïti s'organisent pour lancer la semaine de la communication politique en Haïti, afin d’encourager la formulation de meilleurs discours capables de réconcilier les Haïtiens entre eux, pour mieux recréer la confiance et le vivre ensemble, pour un meilleur quotidien et pour l’avenir.

 

Dominique Domerçant

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES