Cauchemar moto

Se faire réveiller au petit matin par les haut-parleurs d’une moto diffusant de la musique ou une émission matinale, d’un de ces journalistes souvent dans la poche des politiciens, est monnaie courante. Ceci pour dire qu’il est difficile à échapper aux turbulences de l’actualité souvent mal commentée même si on veut se réfugier au fin fond de son lit. Les motos, toujours chinoises, contribuent comme dans beaucoup de villes à la prolifération urbaine. Les cités s’étendent maintenant le plus loin possible des centres sans que cela ne handicape leurs habitants qui peuvent à l’aide de la moto se déplacer d’un point à un autre à des frais qui augmentent malheureusement. Même en l’absence de tout plan de transport en commun, sur lequel devrait se pencher tout gouvernement qui se respecte, la moto s’inscrit dans le paysage en délimitant sauvagement des circuits. À Port-au-Prince, les stations de motocyclettes sont partout. Le nombre d’unités de ces engins ne fait qu’augmenter avec à la fois l’extension des quartiers que ce soit au sud, au nord à l’ouest et à l’est, et aussi avec le mauvais état de nos routes, l’indiscipline de nos conducteurs, causant les embouteillages monstrueux que nous connaissons.

La moto est devenue une porte de sortie pour des milliers de jeunes qui se retrouveraient dans un féroce chômage. On stigmatise les chauffeurs de motos parce que la moto est souvent utilisée dans l’exécution de nombreux crimes. Mais il n’en reste pas moins que la majorité des chauffeurs de motos sont des jeunes qui se tuent à la tâche chaque jour pour trouver de quoi subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles. Nombreux d’entre eux sont indisciplinés, mais la pression dans les rues est forte. Leur situation est devenue encore plus précaire avec la crise de l’essence. On n’a qu’à voir comment ces motocyclistes assiègent les stations d’essence avec chaque arrivage de carburant. Difficile de critiquer l’impatience parfois violente dont ils font montre surtout quand des policiers, des autorités de l’État sont les premiers à créer du désordre en voulant se présenter aux points de distribution sans passer par la queue que tout le monde sans distinction aurait dû prendre.

La prolifération des motos, si elle profite à des dizaines de milliers de citoyens qui les utilisent pour se déplacer d’un point à un autre, cause aussi énormément de problèmes dans un pays où la gouvernance est au minimum. Si ces engins sont immatriculés à la capitale et dans quelques villes, dans une grande partie du pays, ils circulent sans papiers. Nos routes deviennent de plus en plus dangereuses. Dans les hôpitaux, le nombre de blessés, fracturés lors d’accidents impliquant des motos, ne cesse d’augmenter. Aucune disposition n’est prise par les pouvoirs publics pour limiter les dégâts.

Difficile d’échapper à la pollution et au bruit causés par la prolifération des motocyclettes. Le bruit, il semble qu’on s’y habitue chez nous. Un bruit permanent. Une cacophonie qui ne s’arrête jamais de jour comme de nuit. Un bruit qui doit cacher un vide abyssal. Un bruit qui doit donner de la couleur au chaos. Le vertige de la non-gouvernance.

 

Gary Victor

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