N'ayons pas peur de la vérité !

Liliane Pierre Paul s'en est allée ! La pasionaria de la presse «indépendante» haïtienne s'est éteinte en laissant un grand vide sur le cadran de la bande FM. Elle a glissé entre les doigts de sa famille et admirateurs comme un tissu trop soyeux, et aujourd'hui on s'accroche à sa mémoire. Personne n'était préparé à un départ si soudain, si brusque, si brutal. Son cœur n'a pas tenu à ce long et inépuisable combat pour l'émancipation de son peuple.

 

Cette militante est partie en laissant son pays dans une situation économique et sécuritaire des plus affligeantes. Ces derniers jours, on a vu défiler dans nos rues des gens criant leur douleur face à l'insécurité qui les poursuit jusque dans leurs pauvres demeures. La capitale du pays est entièrement sous l'emprise des gangs. La fonction publique n'est que l'ombre d'elle-même. L'État n'est plus qu'un spectre fantomatique, grimaçant et éructant au gré des circonstances. Les manitous de la violence, les caciques du crime organisé, ont pris de fait un pouvoir d'état depuis longtemps en lambeaux.

 

La souveraineté nationale n'est plus qu'une fiction entretenue de «bonne foi» par quelques militants et patriotes nostalgiques qui ont grand besoin de s'accrocher à un fantasme idéologique.

 

Il faudra prendre notre courage à bras le corps pour reconnaître cette aveuglante vérité : il est trop tard pour penser en sortir tout seuls, par nos faibles moyens sans la solidarité internationale. Il s'agit d'une obligation morale pour la communauté des nations de nous aider à sortir d'un pétrin dont elle partage d’ailleurs avec nous la responsabilité. Car, les armes sophistiquées qui fauchent les vies au quotidien ne sont pas fabriquées en Haïti. Il ne faut pas non plus oublier que par le passé, Haïti n’a jamais manqué à son devoir de solidarité envers les peuples amis et c’est peut-être le moment de lui renvoyer l’ascenseur. De plus, dans ce monde devenu avec la mondialisation un village, aucun État ne peut vivre en autarcie, même pas les grandes puissances.

 

C’est un fait indéniable que ce pays n'est plus maître de son destin. Si l’on veut être à la hauteur du combat de Liliane et de tous les autres militants pour le changement, nous nous devons de recouvrer sur le moyen terme cette pleine souveraineté. Mais en attendant, il faudra passer par des choix difficiles et nécessaires pour sortir de cette conjoncture de peine et de misère sécuritaire. Le dernier sondage de l’Alliance pour la gestion des risques et la continuité des activités (AGERCA) sur l’insécurité, révèle qu’une majorité de personnes se prononcent en faveur d’un appui de la communauté internationale à la PNH. Loin d’y voir une quelconque démission, lâcheté ou traîtrise, comme l’insinuent sans nuance certains nationalistes purs et durs, nous devons au contraire prendre ce résultat pour ce qu’il est : le cri tout simplement humain, réaliste, de ceux qui souffrent dans leur chair des affres d'un défi chaque jour plus meurtrier.

 

Il va sans dire qu’une riposte policière, toute nécessaire et indispensable qu’elle soit, ne suffit pas. Il faut assécher les flux d’armes de contrebande et mettre le cap sur le développement. Sans une amélioration de la situation économique, on aura tout le mal du monde à juguler la criminalité, le dysfonctionnement étatique et la mauvaise gouvernance. Nos leaders doivent enfin travailler en amont sur un véritable plan de développement s’ils veulent lutter efficacement contre le mal-développement et la corruption, mère de la misère du peuple, conformément à ce qu’espérait voir un jour se réaliser cette grande militante qui vient de s’éteindre.

 

Roody Edmé

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