Quel message pour les nouveaux enfants orphelins en Haïti ?

Derrière chaque assassinat d'un membre de la grande famille haïtienne, ce sont des parents et des enfants qui viennent augmenter la liste des veuves et veufs, des orphelins et des orphelines dans le pays. On les compte au quotidien, ces victimes de l’insécurité, qui ont commis le péché mortel d’habiter ou de circuler dans les départements de l'Ouest et de l'Artibonite.

Durant cette réouverture des classes en Haïti pour l'année académique 2023-2024, ils seront certainement nombreux les nouveaux orphelins qui ne pourront plus se rendre à leurs anciennes écoles. D'autres seront certainement contraints de ne plus bénéficier de ce privilège pour avoir accès au pain de l'instruction.  Dire que certains n'avaient pas pu terminer les trois à quatre dernières années académiques antérieures,  depuis la mort, pardon, depuis l'assassinat ou la disparition de leurs pères, de leurs mères, d'un oncle ou d'une tente, ou d'un parent adoptif.

Dans de nombreuses salles de classe, pour cette nouvelle année scolaire,  dans plusieurs écoles de la capitale haïtienne, et parmi les anciens comme les nouveaux élèves, il y aura de fortes chances de compter quelques nouveaux orphelins. Ces enfants dont les parents figurent parmi ces victimes de trop,  de cette violence mortelle, criminelle et déshumanisante institutionnalisée dans le pays.

Dans les propos de bienvenue qui seront formulés par les responsables des établissements scolaires, comme dans l'introduction des différents cours qui vont s'enchaîner, les professeurs, dont un grand nombre se confirme dans la liste des parents,   devraient prendre le temps de penser à ces enfants issus  des nombreuses  familles haïtiennes qui n'ont pas encore, ou ne pourront jamais faire le deuil.

Deuil familial, deuil environnemental, deuil de leurs camarades, deuil de leurs professeurs et de leurs voisins, deuil de la dignité, parmi d'autres motifs qui vont continuer de traumatiser ces nombreux enfants, des adolescents à qui on impose le culte de la mort. Certains d’entre eux ont vu mourir leurs parents. Ils sont les témoins ou les survivants de la destruction et de l'incendie de leurs résidences familiales. Quel message pour les réconforter ? Quelles sont les histoires qu'il faudrait raconter, expliquer et illustrer à partir de quelle image, pour pouvoir réconcilier ces enfants orphelins,  ces nouveaux survivants de la peur et du chaos ?

 

Dans les dix prochains mois à venir,  on ne pourra pas obtenir de meilleurs résultats de la part de la majorité de ces élèves traumatisés, si rien n'est fait dès maintenant pour les assister, pour les écouter, pour les accompagner,  pour les encadrer, pour les aider à faire le vide,  pour les sensibiliser sur la manière et les techniques à utiliser pour faire le deuil.  Quel message pour motiver ces milliers de jeunes traumatisés dans le pays et ces centaines d'autres enfants orphelins, des fils et filles de policiers, de professeurs,  de professionnels, des parents extraordinaires qui rêvaient de voir grandir  leurs  enfants ?

De la responsabilité des professeurs haïtiens, ces enseignants courageux, ces éducateurs dévoués, et ces responsables d'établissements visionnaires et humanistes  pour permettre à nos élèves de communiquer et de se recréer, à travers l’art thérapie parmi les options les plus pratiques et économiques. Une condition essentielle pour les aider à mieux faire le deuil, dans ce pays où la population est plus que jamais en duel constamment avec la mort. Quel message pour les proches et parents de ces nouveaux enfants orphelins ?

Des messages d'espoir,  des messages d'amour et d'empathie,  des messages de solidarité et de vivre ensemble, des messages de pardon susceptibles de les aider à surmonter les épreuves de la vie, devraient figurer dans l'agenda des écoles haïtiennes.

 

Dominique Domerçant

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