La poudre aux yeux

Une déclaration de plusieurs chefs de gangs diffusée sur les réseaux sociaux a provoqué émoi et stupeur dans le pays et dans la diaspora. En effet, les «maîtres» des vies et des biens depuis quelques années dans la société haïtienne ont décidé de nous autoriser à bénéficier de certains droits, comme celui de circuler sans crainte dans nos rues depuis longtemps si peu sûres. Une annonce solennelle qui a  de quoi susciter l'étonnement et des interrogations. Des «tigres» peuvent-ils devenir du jour au lendemain végétariens ? Quel est donc le nouvel agenda sanglant dissimulé derrière cette subite promesse de renoncement à la violence, accompagnée d’une demande de pardon formelle au peuple haïtien ?

Si certains y voient un miracle du Très-Haut et se mettent, par dépit et épuisement, à espérer des jours meilleurs, la majorité n'est pas dupe. Il est vrai qu’un nouveau rapport de forces est en train de se dessiner avec le vote éventuel du Conseil de sécurité en faveur d’une force multinationale appelée à appuyer nos policiers. Ces seigneurs de la guerre ont leur propre lecture de ce qui se passe à l'international. De surcroît, la fuite des habitants des quartiers où ils ont habituellement la main haute prive les « forces du mal » de leur habituel bouclier humain, les laissant ainsi à découvert face aux opérations policières. La fermeture des maisons de commerce, y compris les restaurants, plonge ces armées semeuses de mort dans un vide total, les rançons diminuant et les « taxes » indues aussi.

Les bandes armées ont aspiré tout « l'oxygène » autour de leurs bases et cette « désertification » forcée menace leur survie. Pour faire la guérilla urbaine,  il faut se mouvoir dans les quartiers comme un « poisson dans l'eau » mais si on enlève l'eau, les gros et petits poissons se retrouvent pris au piège.

Quoi qu'il en soit, les chefs de bande ont aussi envoyé un message : ils sont unis. Ce que nos élites n'arrivent pas encore à réaliser pour le bien commun, obnubilés par des gains de courte durée. La « paix armée » proposée par ces caïds n'aura pas duré une nuit, puisqu'à Saut-d'eau nous parviennent les cris de nouveaux suppliciés, victimes de ces forces de l'ombre.

 

Roody Edmé

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