« Le peuple haïtien doit reconstruire son histoire en s'inspirant de la Bataille de Vertières », selon le sociologue Willy Jean-Louis

18 novembre 1803-18 novembre 2023, 220 ans depuis qu'a eu lieu la Bataille de Vertières, une bataille finale dédiée à l'héroïsme  des soldats de l'armée indigène et à la détermination du peuple haïtien à conquérir la liberté et à construire un nouvel état libre et indépendant. 

La bataille de Vertières est une lutte contre le système colonial esclavagiste pour la liberté et la dignité du peuple haïtien. Elle représente une révolution universelle encapsulée dans la phrase « tout moun se moun». Cette révolution universelle, plaçant Haïti en tant que leader dans les révolutions des peuples américains et africains, malheureusement, on s'est efforcé de dissimuler son succès afin d'éviter que d'autres peuples sur la terre ne suivent l'exemple d'Haïti.

Le sociologue Willy Jean-Louis a rappelé que malgré l'ampleur de cette bataille, durant 150 ans d'histoire d'Haïti, il n'y a eu aucune version officielle dans les livres d'histoire, que ce soit la France ou Haïti, qui ait parlé de son déroulement. C'est ce que les historiens appellent en français « OCCULTATION », confie-t-il. Comme l'écrivait un philosophe, « la mort du récit », vainqueurs et vaincus se sont associés pour assassiner la mémoire et l'histoire. 

 

La bataille finale de Vertières est une bataille à plusieurs tranches

En effet, le Sociologue Jean-Louis a souligné que l'histoire de la dernière bataille pour l'indépendance a commencé en 1790 et s'est terminée en novembre 1803. Cette bataille comporte de très beaux moments comme le soulèvement massif des esclaves en août 1791, le décret d'émancipation générale des esclaves dans toutes les colonies françaises en 1793, le départ des blancs et de quelques affranchis de 1793-1795, la promulgation de Toussaint Louverture en tant que général à la tête de l'armée indigène, la rédaction de la première constitution noire de Toussaint en 1801, l'arrestation et emprisonnement de Toussaint en France 1801- avril 1803. Le Congrès d'Arcahaïe en mai 1803 pour retrouver l'unité dans la lutte pour l'indépendance, a détaillé M. Willy Jean-Louis qui a aussi indiqué que Vertières est une bataille finale après toutes les défaites de l'armée indigène connue sous le nom de défaite de La Crête à Pierrot. 

« C'est ce que les historiens appellent une « Guerre de tranchées qui dure plusieurs années et comporte plusieurs phases. Ce qui s'est passé dans la bataille fut la dernière et conclut trois victoires sur l'armée française de » Ravine à couleuvre, en passant par la butte charrier. Ainsi, la bataille pour la protection comporte des phases et de nombreux antécédents qui y conduisent. »

Le sociologue poursuit pour dire que cette grande bataille historique est aussi l'œuvre des soldats indigènes et des autres chefs de bande. La bataille finale de Vertières reste la plus grande défaite de l’Armée napoléonienne,  elle a de grandes répercussions sur la France. La bataille de Vertières fut une grande défaite pour Napoléon. Le bilan de la bataille était lourd. L'armée autochtone perdit des soldats, mais leur détermination était symbolisée par ce qu'ils appelaient «Va-nu-pieds», où leur plus grande arme était leur détermination. La défaite était du côté de l'ennemi, qui perdit 50 000 soldats sur les 70 000 envoyés, selon l'historien Leslie Péan. Cette défaite unique incita la France à dissimuler cet épisode à la postérité. Un historien français, Lucien Febvre, écrivit : « l'histoire, c'est l'enseignement des grands hommes aux hommes». Ainsi, cette défaite reste une leçon pour les jeunes Français et pour le monde entier. Vertières est un monument de résistance pour la République d’Haïti, ajoute le sociologue.

« Les premières histoires de notre passé ne mentionnent jamais les chefs de bande et les femmes qui luttaient avec des fusils, des couteaux, des pierres, recevant des balles et des coups de poing, utilisant les actions des armes à feu et des canons pour nous offrir cette épopée. »

 

La bataille de Vertières continue de résister à toute tentative d'effacement

Toute société a des manipulations dans son récit historique, mais en Haïti, c'est encore plus grave, car ce sont les vaincus qui écrivent l'histoire. La France efface ses erreurs jusqu'à ce qu'un historien français, Jean Pierre Le Glaunec, qui, depuis 2015, a publié un livre intitulé « L'histoire de la bataille de Vertières : la défaite de Napoléon» apportant une clarification sur cette page sombre. Dans nos histoires, Vertières est mentionnée, mais souvent édulcorée pour les commémorations officielles. 

Il a fallu 150 ans, de 1804 à 1954 sous la présidence de Paul Eugène Magloire, pour célébrer officiellement. C'est le président François Duvalier qui a marié la célébration de Vertières avec la fête de l'armée et a prononcé le premier discours résolument patriotique sur le perron du Palais national. Ainsi, Vertières est déjà un devoir de mémoire depuis 65 ans sur les 220 ans depuis cet événement.

Malgré cela, l'histoire officielle continue à tuer la mémoire, reléguant des figures comme Dessalines au statut de général considéré comme l'un des  plus grands dans l'histoire mondiale. Capois la Mort, qui a été le point d'entrée victorieux à la Butte Charrier, est peu mentionné, déplore M. Jean-Louis.

Enfin, pour le consultant en renforcement institutionnel des OCB, Willy Jean-Louis Haïti doit reconstruire progressivement sa mémoire et son histoire pour renforcer l'identité d'un peuple libre et libéré.  « Après que les colonisateurs aient commis un génocide et un ethnocide contre le peuple noir, ils continuent à imposer un épistémocide en effaçant ses symboles et son savoir. C'est un peuple qui connaît son histoire et qui se tient debout. C'est un peuple qui veut créer une histoire grandiose. C'est un peuple qui vit son histoire et qui existe », conclut-il.

 

Vladimir Predvil

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