Une section du mur qui entoure le bâtiment du parquet de Port-au-Prince s’est effondrée dans la soirée du dimanche 18 mai, à la suite de fortes pluies qui se sont abattues sur la capitale haïtienne. Cet incident a paralysé les activités du tribunal pour la journée du lundi. Profitant de la situation, plusieurs avocats ont dénoncé la vétusté des infrastructures judiciaires et ont vivement critiqué les autorités étatiques pour leur inaction face à la crise sécuritaire persistante.
Narion Ernest, avocat de profession, s’est retrouvé précisément dans l’enceinte du parquet de Port-au-Prince en ce lundi 19 mai 2025. Sur place, il se met à observer les dégâts provoqués par l’effondrement d'une partie du mur qui entoure le bâtiment. Parallèlement, un engin de chantier est en mouvement pour dégager les décombres. Visiblement frustré, l’homme de loi n’a pas caché son agacement face à cette situation qu'il juge d'inacceptable.
« Ce bâtiment n'est pas approprié, on ne peut pas prétendre parler de justice dans le pays, alors qu’on relègue la justice dans deux petites pièces cachées d’une maison. Une simple visite des lieux suffit pour constater les conditions déplorables dans lesquelles travaillent les commissaires du gouvernement et la manière indigne dont sont traités les justiciables. C’est une situation extrêmement grave. Nous savons pertinemment que lorsque la justice vacille, c’est tout le pays qui en subit les conséquences», a-t-il déclaré lors d'une entrevue accordée à la rédaction du quotidien Le National.
Plus loin, l’avocat a souligné que l’appareil judiciaire demeure un outil manipulé par plusieurs acteurs de la classe politique et du secteur privé. Il a critiqué la décision de relocaliser le parquet dans la commune de Delmas, selon lui le bâtiment n’est pas adapté.
« Puisqu’ils savent que la justice n’est pas indépendante, ils en font ce qu’ils veulent, ils l’ont mise à genoux afin de continuer à torturer le peuple. Dans les commissariats, de nombreuses personnes subissent des peines sans jamais avoir été jugées. Les mauvais traitements observés prouvent clairement qu’il n’y a pas de justice dans le pays. Plusieurs dossiers transférés devant le tribunal correctionnel ne sont jamais jugés faute de sièges. Si je ne me trompe pas, la dernière fois qu’il y a eu une audience correctionnelle remonte à 2017. »
L’avocat a aussi dénoncé les traitements inhumains que subissent de nombreuses femmes au centre de détention de Cermicol à Delmas 33, où elles contractent des infections à cause de la mauvaise qualité de l’eau.« On ne peut pas parler de justice avec ces gens-là », a-t-il lancé.
Pour conclure, Me Ernest affirme qu’il est impératif que la population comprenne que ceux qui sont au pouvoir ne travaillent pas à améliorer leurs conditions de vie. Pour lui, ce sont des individus qui cherchent uniquement à prendre le contrôle du pouvoir pour ensuite en tirer profit et aller vivre ailleurs. Dans ce contexte, il reste convaincu que pour faire avancer le pays, une réforme en profondeur de l’appareil judiciaire est indispensable. Cette réforme devra impliquer des personnes compétentes, conscientes de la nécessité de traiter chaque citoyen avec dignité et sans discrimination.
Oberde Charles