Les habitants de divers quartiers de Solino, Delmas 30 et Nazon visitent leur domicile plus de cinq mois après que les bandits de la coalition Viv Ansanm les en ont expulsés. Des déplacés logés dans les locaux du MTPTC estiment que les conditions ne sont pas réunies pour s’installer à nouveau dans ces zones.
Il y a moins d’une semaine, plus d’une centaine de déplacés logés dans différents sites de réfugiés ont parcouru plusieurs rues dans les quartiers de Solino, Nazon et du bas Delmas, notamment au carrefour de l’aéroport, pour dénoncer leurs mauvaises conditions de vie dans les centres d’hébergement et exiger leur retour dans leurs maisons. Plus tard, le chef de la coalition criminelle, dans une vidéo virale, a donné son approbation, affirmant que la population pouvait désormais retourner chez elle en toute quiétude.
Depuis ce jour, de nombreux habitants de ces quartiers ont profité de cette occasion pour aller visiter leurs maisons après le passage des groupes armés qui avaient semé la terreur dans la zone.
Dans ce contexte, certaines des personnes déplacées, qui sont retournées voir leurs domiciles, ont raconté dans quelles circonstances se trouvent les maisons qu’elles ont durement travaillées à construire , maisons endommagées, détruites, incendiées et pillées, tandis que d’autres tenaient encore debout mais nécessitaient d’importantes réparations avant de pouvoir y habiter à nouveau.
« J’ai décidé d’aller inspecter ma maison après avoir été forcée de la fuir sous la menace des gangs, depuis sept mois. Les hommes armés n’ont rien laissé. Ils ont emporté les portes, le toit en tôle, ils ont même ouvert les murs pour retirer les fils électriques. Ils ont pris les toilettes… ils n’ont rien laissé derrière eux. Le quartier est rempli d’ordures, de carcasses de voitures brûlées, de poteaux électriques renversés. La zone est totalement détruite. Il n’y a pas une seule maison dans mon secteur qui n’ait pas été incendiée. Et maintenant, on nous demande de retourner chez nous ? Comment vais-je vivre là-bas, alors que vous avez tout pris de ce que je possédais ? » Témoignage d’une déplacée.
Plus loin, elle se dit consciente que la vie qu’elle mène dans l’espace du camp ne lui convient pas, mais elle préfère attendre que les autorités étatiques prennent en main cette initiative. Pendant ce temps, certaines personnes affirment que si seulement leur maison était restée debout et n’avait pas été brûlée, elles auraient été obligées de retourner chez elles, car les conditions de vie dans les espaces d’accueil sont très mauvaises.
Elles rappellent qu’à chaque pluie, c’est un vrai casse-tête : elles sont trempées, vivent dans l’humiliation des camps, ne peuvent même pas donner à manger à leurs proches et n’arrivent pas à subvenir aux besoins de leur famille. Alors que lorsqu’elles vivaient à leur domicile, elles avaient des activités qui leur permettaient de vivre.
D’un autre côté, Éliane, une femme d’une cinquantaine d’années, déclare qu’elle a passé toute sa jeunesse à travailler pour construire une maison de quatre chambres en vue de préparer sa vieillesse, car elle n’a ni enfant ni mari. Lorsqu’elle est allée visiter sa maison, elle n’a même pas pu la reconnaître : elle a été brûlée et ses murs détruits par les bandits. « Oui, je veux retourner chez moi, mais avec la présence des autorités étatiques », a-t-elle conclu.
Parallèlement, ces victimes de la situation sécuritaire estiment qu’il est préférable que les dirigeants prennent des initiatives pour récupérer les territoires occupés par les malfrats, mais aussi qu’ils mettent en place des mesures sécuritaires. « Comme ça, nous accepterons de regagner paisiblement notre quartier. »
Mais, s’ils viennent cohabiter avec ces hors-la-loi, ceux-ci pourraient les faire fuir à tout moment, car ils l’ont déjà fait avant et peuvent revenir les chasser dehors quand ils veulent.
« Nous ne demandons rien à l’État, si ce n’est de réparer nos maisons détruites par les terroristes, de nous accompagner avec les forces de l’ordre pour regagner nos habitations. Ensuite, nous ferons de notre mieux pour y mettre ce dont nous avons besoin afin de pouvoir vivre normalement », a fait savoir Joseph, un déplacé.
Yasmine Sanon
