La chaise musicale semble ne compte pas s’arrêter au parquet de Port-au-Prince. Désormais, Me Fritz Patterson Dorval est le nouveau commissaire du gouvernement. Il a été nommé par intérim, devenant ainsi le troisième magistrat à occuper ce poste en moins d’un mois. Il a prêté serment mardi 16 septembre devant le doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince.
Cette nomination intervient après le limogeage de Me Roosevelt Cadet, qui n’a passé que 23 jours à la tête du parquet. Avant lui, Me Frantz Monclair avait été écarté pour fautes administratives, à peine 24 heures après la libération controversée de l’ancien sénateur des Nippes, Nenel Cassy.
Cette instabilité invétérée au sein du parquet soulève de vives préoccupations parmi les défenseurs des droits humains. L’organisation Sant Karl Lévêque dénonce une justice de plus en plus politisée et appelle à une réforme profonde du système judiciaire haïtien.
Dans une entrevue accordée à la rédaction Le National, le prêtre Gardy Maisonneuve, directeur exécutif de l’organisation de droits humains, affirme que le pouvoir judiciaire haïtien est loin d’être indépendant. « C’est le pouvoir politique qui décide de tout, y compris de la nomination des commissaires du gouvernement», martèle Me Gardy Maisonneuve.
Selon lui, cette mainmise de l’exécutif sur la justice haïtienne compromet gravement les droits des justiciables. Le ministre de la Justice choisit qui doit être le commissaire du gouvernement ou pas. M. Maisonneuve insiste que cela sans doute, transforme le système judiciaire haïtien en un instrument politique.
Il évoque des cas où des détenus sont libérés ou maintenus en prison en fonction de changements au sein du gouvernement. «Une personne peut être libérée simplement parce qu’un nouveau Premier ministre est nommé. Cela montre à quel point la justice est inféodée au pouvoir exécutif», ajoute-t-il.
M. Maisonneuve va plus loin dans ses déclarations tout en qualifiant le système judiciaire haïtien de «femme aux yeux bandés», une métaphore qui illustre selon lui l’aveuglement volontaire face aux abus politiques. «Certaines personnes restent en détention pour des raisons purement politiques. Il n’y a aucune garantie d’un véritable État de droit», affirme-t-il.
Il dénonce également le fait que même les employés chargés de nettoyage dans les tribunaux sont sous la tutelle du ministère de la Justice, preuve selon lui de l’absence totale d’autonomie institutionnelle.
Face à cette situation, Jean Gardy Maisonneuve appelle à une bataille citoyenne pour sortir le pouvoir judiciaire sous l’emprise de l’exécutif. «Il n’y a aucune volonté politique de changer ce système. Tant que le judiciaire restera sous contrôle, nous ne pouvons espérer rien de sérieux dans ce pays», a-t-il conclut.
Likenton Joseph