Le gouvernement haïtien a adopté, lors du Conseil des ministres tenu le 9 octobre dernier, le nouveau budget rectificatif pour l’exercice 2025-2026. Ce budget s’élève à 345,5 milliards de gourdes, soit une augmentation de 6,8 % par rapport au budget précédent. Ce nouveau budget met également l’accent sur plusieurs priorités nationales, notamment la restauration de la sécurité publique, l’organisation des élections générales, le renforcement de la gouvernance, la justice sociale ainsi que la stabilisation macroéconomique du pays.
Selon les données officielles, 70 % des dépenses seront financées par les recettes fiscales et douanières, estimées à 243,5 milliards de gourdes, en hausse de 12 %. Les revenus pétroliers devraient atteindre 34,9 milliards, soit une progression de 16,8 %. En revanche, les dons et emprunts extérieurs sont en recul de 10,9 %, traduisant une volonté affichée d’autonomie budgétaire.
Le gouvernement prévoit une croissance du PIB de 0,3 % pour l’exercice en cours. Toutefois, l’inflation, toujours élevée, est estimée à 23,4 %, ce qui pourrait freiner la consommation des ménages et décourager l’investissement privé. Pour y remédier, des réformes structurelles sont annoncées, notamment des investissements dans les infrastructures, une meilleure gestion des ressources publiques et une intensification de la lutte contre la corruption.
L’économiste Eddy Labossière se montre sceptique face aux projections gouvernementales. Selon lui, « la croissance économique est négative depuis près de sept ans » et les conditions actuelles ne permettent pas d’envisager une reprise. Il pointe du doigt la fermeture de nombreuses entreprises, l’absence des principaux moteurs économiques et le retrait des investisseurs étrangers, découragés par l’insécurité et l’instabilité politique.
Pour Eddy Labossière, le taux de croissance de 0,3 % avancé par le gouvernement est irréaliste : « Il n’y a ni consommation réelle, ni investissements significatifs. Ce chiffre ne reflète pas la réalité économique du pays. » Il prédit une poursuite de la décroissance, aggravée par la chute des importations, la quasi-absence de trafic maritime et aérien, et l’isolement croissant du pays sur la scène internationale.
L’économiste Eddy Labossière souligne également que les axes routiers bloqués et contrôlés par des gangs armés empêchent la circulation des produits agricoles vers la capitale, accentuant la crise économique déjà précaire. Parfois, ceux qui risquent leur vie pour emprunter la route doivent payer un droit de passage avant d’arriver à destination avec leurs marchandises. Avec les postes de péage implantés un peu partout par les groupes armés, les produits locaux deviennent beaucoup plus chers qu’avant. Sans la sécurité, le pays continuera dans sa décroissance économique.
L’économiste qualifie le taux d’inflation de 23,4 % annoncé par le gouvernement de « blague », estimant qu’il a été fixé au hasard et qu’il est inatteignable dans les conditions actuelles. Selon lui, l’inflation pourrait s’envoler davantage dans les mois à venir, alimentée par le problème de l’insécurité persistante et la paralysie des échanges commerciaux.
Likenton Joseph