La commune de Montrouis, située à la frontière entre l’Artibonite et l’Ouest, est en train de passer sous la coupe des gangs venus de Canaan. Depuis plusieurs jours, des hommes lourdement armés, identifiés comme des membres du groupe dirigé par Jeff Gwo Lwa, multiplient les incursions dans la zone, provoquant la fuite de nombreux habitants.
D’après plusieurs témoignages recueillis, les assaillants, débarqués par voie maritime le vendredi 17 octobre 2025, auraient pris possession de plusieurs quartiers après avoir chassé leurs occupants. Le lundi 20 octobre, ils ont défilé sur la route nationale #1, armes au poing, exigeant la reprise des activités scolaires et commerciales, un geste interprété comme une manière d’affirmer leur domination sur la commune.
Parallèlement, les habitants, terrorisés, dénoncent l’absence totale de l’État. Seules quelques brigades de vigilance locales tentent de s’opposer aux bandits, souvent au prix de leur vie.
« Nous sommes livrés à nous-mêmes. Si rien n’est fait, Montrouis et les villes voisines tomberont », alerte une source habitante de la rédaction, qui a été contrainte de fuir Montrouis pour le Cap-Haïtien.
Le climat d’insécurité s’ajoute à un vieux conflit foncier qui oppose depuis des années les localités de Piatre et de Délugé. Ce différend, déjà marqué par des violences meurtrières, s’est aggravé au fil des mois. En février 2025, l’assassinat du chef de gang Ti Jera avait provoqué une attaque contre le commissariat de Montrouis, entraînant la mort du policier Fils Emmanuel Thomas et du greffier Élysée Louis.
Entre août et septembre, de nouveaux assauts ont fait une victime supplémentaire, neuf blessés, dont trois policiers, et conduit à l’incendie du bâtiment du commissariat. Depuis, la zone est pratiquement sans protection policière, a-t-on appris.
En outre, la localité de Kapyat est aujourd’hui presque vidée de ses habitants. Des dizaines de familles déplacées cherchent refuge à Saint-Marc, à l’Arcahaie ou dans d’autres communes plus sûres. Pendant ce temps, les gangs consolident leurs positions, occupant les maisons abandonnées et instaurant un climat de peur.
Malgré la gravité de la situation, aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée. Selon des informations obtenues auprès du commissariat de Saint-Marc, environ vingt membres du gang de Canaan auraient été chargés d’installer deux nouveaux chefs à Montrouis, en remplacement de Black et Ti Bab, tués il y a un mois. Leur mission inclurait également la préparation d’une offensive armée contre Saint-Marc.
Face à cette progression inquiétante, les habitants appellent les autorités à agir sans délai. « Montrouis risque de devenir un nouveau bastion des gangs si le silence et l’inaction persistent », avertissent plusieurs leaders communautaires.
Vladimir Predvil
