Retour aux sources, un diaspora au Bénin

Le jeudi 20 juillet 2023, j'ai atterri à l'Aéroport international de Cotonou, « Aéroport  Cadjehoun», au Bénin. Les agents de l'immigration ont chaleureusement accueilli les Haïtiens avec de grands sourires et des « bon retour chez vous ». Ceux d'entre nous qui détenaient des passeports haïtiens, d'office classifiés comme des Béninois de la diaspora, étaient de facto exemptés du visa d'entrée dans leur terre ancestrale.

Mon voyage au Bénin était organisé par l'Association Médicale haïtienne à l'Étranger (AMHE) pour commémorer les 220 ans de la mort de Toussaint Louverture, le héros émancipateur du peuple d'Haïti. Rejoignant près de 300 Haïtiens venus principalement du Canada et des États-Unis, la plupart d'entre nous étant des médecins, nous avons entrepris ce pèlerinage touristique au Bénin autour du thème : « Retour aux sources ». Dans la salle de livraison des bagages, le phénotype des Béninois, les grincements du carrousel, les porteurs offrant leurs services aux passagers pour identifier et transporter leurs valises et leurs sacs chargés de marchandises, ne m'ont pas empêché brièvement de penser que j'étais chez moi à l'aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince. À ma sortie de l'aéroport, je me suis réveillé de mon rêve port-au-princien alors que nous longions l'autoroute à quatre voies qui traversait le quartier résidentiel de Cadjehoun, où siègent la plupart des services gouvernementaux et diplomatiques de Cotonou. La modernité et la propreté du quartier ont rapidement capté mon attention.

Le lendemain, nous nous sommes rendus au Royaume d'Allada du Dahomey, d'où de nombreux Africains ont été vendus comme esclaves pour les colonies de Saint-Domingue. Le royaume de Dahomey était dirigé par une dynastie royale puissante, fondée au XVIe siècle par le roi Houégbadja. Dans cette monarchie absolue, le roi, le premier chef spirituel, était le détenteur de toutes les richesses du royaume et avait le droit de vie et de mort sur tous ses sujets.

En quittant le quartier de Cadjehoun, une Américaine de notre groupe s'exclamait : « Nous sommes de retour à 'Little Haiti' ». La démarcation a été brusque, sans transition. De l'autre côté de la rue, nous nous retrouvions en plein Port-au-Prince, mais un Port-au-Prince amélioré, avec des infrastructures sanitaires, routières et électriques adéquates.

Beaucoup d'entre nous s'attendaient à être reçus dans un château royal, style Citadelle Laferrière. Mais hélas, Il ne s’agissait que d’un château imaginaire. Les rois avaient perdu leur pouvoir politique et économique depuis 1894, à la suite de l'instauration du pouvoir colonial par les Français. Leur autorité ne s'exerce qu'aux limites de leur « Palais Royal » et seulement sur ceux qui se reconnaissent comme des descendants de lignées royales. Les seuls pouvoirs qui leur sont restés sont ceux de chefs spirituels qu'ils pratiquent dans les limites de leur territoire restreint. Les politiciens les utilisent parfois comme rassembleurs de bétail électoral ou des médiateurs durant certaines crises sociales.

Nous étions tous rassemblés sous une large tente dans la cour du Palais Royal d'Allada en attendant l'arrivée de Son Altesse Royale le Roi Kpodegbe. Quelques-unes de ses sujets, toutes des femmes vêtues de blanc, étaient assises à même le sol autour du trône royal tandis qu'une vingtaine de musiciens et de danseurs nous divertissaient avec de la musique « rada » - déformation en Haïti du nom du royaume d'Arada - avec ses battements de tambours, ses instruments et ses salutations typiques.

Son Altesse Royale le Roi Kpodegbe, vêtu d'une longue robe blanche, d'un casque doré et avec une badine doré, entouré par quelques sujets, apparut majestueusement et se dirigea vers son trône. Après les échanges de courtoisie d'usage, la présidente de l'AMHE lui a présenté un drapeau haïtien. Le roi a prononcé un discours circonstanciel où il a fait l'apothéose de Toussaint Louverture et, entre autres, parlé de la visite du président René Préval au Palais Royal.  Quant à moi, j'ai réussi à me faufiler près de Sa Majesté, juste à temps pour un selfie. A la fin, nous avons dû payer nos hommages lors de la quête. Montant recommandé : 20 $ !

Au retour, le chauffeur de notre bus s'est égaré en prenant un mauvais tournant sur une route en terre battue au milieu d'un champ de maïs. Je me croyais perdue dans une voie vicinale à Léogâne, en Haïti, au milieu d'un champ de canne à sucre. Enfin ! Le jour suivant, en route vers Ouidah pour rendre hommages à nos ancêtres ! J'ai été captivé par Savi, une ancienne dépendance du royaume et un bastion de la culture du peuple Xwéla. Cette société a réussi à préserver ses coutumes et ses croyances de manière tout à fait impressionnante, , vouant un culte tout particulier au python au sein du majestueux "Grand Temple des Pythons".

Ouidah abrite aussi la « Forêt Sacrée » où résident d'autres divinités ainsi que la « Place aux Enchères » où l’ont vendaient les esclaves avant de prendre la « Route des Esclaves » pour arriver à la « Porte de Non-Retour ». En cours de route, il était prévu que nous fassions le tour de l'« Arbre de l'Oubli », un rituel pour accueillir les âmes des esclaves à leur terre natale. Avant leur départ forcé pour l’Amérique, les esclaves enchaînés étaient contraints à faire le tour de l’Arbre de l’Oubli, neuf tours pour les hommes, sept tours pour les femmes, afin d’oublier symboliquement leur pays, leur culture, leur vie antérieure, leur liberté et leurs familles.

 

J'ai aussi décidé de prendre un bain de foule béninoise pour mieux faire leur connaissance. Je me 

 suis vraiment cru en Haïti, sans pouvoir m'expliquer pourquoi les us et les coutumes des deux pays se ressemblent tellement, même dans les détails les plus insignifiants. J'ai observé une jolie fille qui rejetait les avances d'un amoureux. Elle le toisa, « tchwwuuuiiipppsss » [fort bruit de succion produit en aspirant de l’air à travers les dents et dans la bouche], tout en levant et en tournant lentement sa tête de droite à gauche. Elle m'a expliqué, après le départ déconcerté de son courtisant penaud, que « ça, c'est sucé le tamarin - plus ça dure, mieux c'est ». Elle m’a expliqué que les Béninoises ont des mots et des manières en veux-tu en voilà pour exprimer leur « tchwwuuuiiipppsss » selon leur humeur, leur groupe ethnique, l'alphabet utilisé : en fongbé, notamment « é xwè nyɔ̀, é xwè apì, é ɖè cɔ̀n », ou en français, tel que « é houé gnon, é houé apì, é dé tchon ». J'ai remarqué ces mêmes « tchwwuuuiiipppsss » expressifs chez les Haïtiennes et les Jamaïcaines, mais pas chez les Afro-Américaines. Les Béninois, à l'instar des Haïtiens, évitent souvent d'émettre leurs opinions de façon catégorique. Le désir de plaire souvent à leurs interlocuteurs rappelle la phrase célèbre d'un député haïtien : « Je ne suis ni pour, ni contre, mais bien au contraire ». Question de marronage !

En ce matin du 22 juillet, notre groupe devait amorcer très tôt son voyage vers la Cité Royale d'Abomey. Cependant, la montre de notre chauffeur fonctionnait selon l'heure béninoise ou haïtienne, et non selon l'heure universelle. Après un long trajet de près de 4 heures, nous sommes allés directement au « Palais Royal ». Après les solennités d'usage, les musiciens invoquaient la divinité Sakpata (divinité de la terre et de la fécondité) en interprétant un rythme entraînant, l'Agbotchébou.

J'étais debout près de Dumarsais Mécène Siméus, aussi connu sous le nom de Dumas Siméus, ancien candidat à la présidence d'Haïti, quand j'ai observé qu’il commençait à être imperceptiblement secoué par de légères contractions spasmodiques. Et tout d'un coup, il part comme une flèche au milieu de l'amphithéâtre, pirouette sur lui-même, titube, perd l'équilibre,  se fige, chancelle, se fige à nouveau, pirouette, reperd l'équilibre, trébuche et finalement chute par terre sur son dos. Le séjour de Siméus corrobore sans aucun doute ce dicton béninois : « On a beau envoyer un chat en Occident, quelle qu'en soit la durée de son séjour, il va toujours miauler » [chassez le naturel, il revient au galop].

À notre retour à l'hôtel, j'ai demandé à un ami béninois, doctorant en histoire et archéologie, d'interviewer Siméus. Ce dernier, après lui avoir avoué que le « Bénin coulait dans ses veines », a invoqué dans la langue de ses ancêtres, le « fongbé », sans altération et sans accent, les divinités tutélaires : Agbéto-woyo, Adantoxu, divinité de la mer, et Dan gaga hwèdo, divinité de la richesse et de l'opulence, représentée symboliquement par un serpent. Ces divinités ont aussi élu domicile dans le panthéon du temple vodou en Haïti, où officiait son feu-père comme hougan jusqu'à l'âge de 98 ans.

Dumarsais Mécène Siméus est né en 1939 à Pont-Sondé dans la vallée de l'Artibonite en Haïti. Le parcours de ce fils de riziculteurs analphabètes sera ponctué de réalisations exceptionnelles. Il a été nommé Dumarsais en l'honneur de l'ami de son père, Dumarsais Estimé, qui est devenu plus tard président d'Haïti. Dumas Siméus a poursuivi ses études avec détermination, obtenant un diplôme en génie électrique de l'Université Howard à Washington, DC, et un MBA de la Graduate School of Business de l'Université de Chicago.

Gravissant la hiérarchie dans les entreprises, Siméus a éventuellement occupé le poste de président de Beatrice International Foods, alors une multinationale américaine de 2 milliards de dollars avec des opérations et des filiales dans 25 pays. Il a finalement lancé « Siméus Foods International », une entreprise qui affiche un chiffre d'affaires annuel impressionnant de 155 millions de dollars. En 1999, il franchit une étape philanthropique en fondant Org. Sové Lavi, une organisation à but non lucratif visant à offrir une assistance médicale, une éducation et des vêtements à la population haïtienne. Singulièrement, Siméus et moi avons eu le privilège de participer au groupe consultatif sur Haïti du gouverneur de Floride, Jeb Bush, d'octobre 2004 à février 2005. Cet effort collectif a formulé 24 recommandations concernant la sécurité, la croissance économique et la préparation et la gestion des désastres d'Haïti.

Cette transe, cette crise de possession spontanée et imprévue de Siméus, ne serait sans doute pas une sorte de catharsis ? Car il a affirmé : « Je vis avec le vodou, c'est le repère et la base de ma vie. En arrivant au Bénin, je suis automatiquement connecté et j'ai su que c'est d'ici que viennent la plupart de nos parents d'Haïti. Au Bénin, je suis chez moi ».

Qu'est-ce que le vodou pour les « Danxomènou » ? C'est une forme de spiritualité, un espace de cohésion sociale, une compréhension de l'univers, une culture et une vision du monde. Cette pratique sociale incorpore les us et coutumes des peuples Aja-fon et Yoruba du Bénin. Tout ce  bagage et toute cette énergie dormante que porte Siméus en lui se sont réveillés et l'ont  connecté, d’après lui, avec ses ancêtres au Palais Royal du Danxomè.

Qu’est-ce que le vodou pour les haïtiens ? Le Vodou, qui se traduit par "esprit" ou "divinité" dans la langue Fon du Royaume africain du Dahomey (aujourd'hui le Bénin), est apparu en tant que religion afro-haïtienne dans la periode couvrant les XVIe aux XIXe siècles. Le Vodou représente l'amalgame des croyances spirituelles de l'Afrique de l'Ouest et du catholicisme romain, une convergence reconnue sous le nom de syncrétisme religieux. Ses principaux adeptes se trouvent en Haïti, dans les Caraïbes et à La Nouvelle-Orléans. La vision du monde du Vodou englobe la philosophie, la médecine, la justice et la religion, toutes ancrées dans le postulat fondamental que tout possède une essence spirituelle. Les êtres humains, en tant qu'esprits, habitent le royaume visible, tandis que le royaume invisible est peuplé d'entités invisibles telles que des anges, des esprits ancestraux et des âmes récemment décédées. Les adeptes pensent que ces esprits résident dans le Ginen, une terre mythique analogue à l'Afrique cosmique. Parallèlement au christianisme, les adeptes du Vodou ont la croyance en un Dieu unique et en une suite d'esprits qui contribuent à la gouvernance de l'humanité et du monde naturel.

En tant que catholique, il m'a été impossible de ne pas établir un rapprochement entre la crise de possession de Siméus par l'esprit africain Sakpata au Palais d'Abomey et l'événement de la descente du Saint-Esprit lors de la Pentecôte, tel que décrit dans le chapitre 2 des Actes des Apôtres. Dans le Cénacle, les apôtres et Marie étaient réunis pour célébrer la fête de Chavouot quand soudain, « un bruit puissant venu du ciel retentit, et il sembla qu'un vent violent envahit la maison où ils se trouvaient. Ensuite, des langues semblables à des flammes de feu apparurent et se séparèrent pour reposer sur chacun des présents. Tous furent alors remplis du Saint-Esprit et commencèrent à s'exprimer dans des langues étrangères, chacun parlant selon le don qui lui avait été accordé par l'Esprit. » Bien que les deux situations diffèrent dans leurs origines et leurs implications culturelles, elles partagent une certaine dynamique de réception et d'expression spirituelles qui, dans les deux cas, non seulement soulignent peut-être l'universalité des expériences divines, mais aussi transcendent les limites humaines manifestées à travers des croyances et des contextes culturels distincts.

Ce mardi 25 juillet, notre pèlerinage au pays ancestral arrivé à sa fin, notre délégation était prête pour le voyage de 352 kilomètres (218 miles) de Cotonou à Accra, au Ghana, en bus à 7h30 AM précises. Cependant, il y avait un petit défi de visa à relever bien qu'on nous ait dit avant notre départ que nous pourrions avoir notre visa à la frontière Togo-Ghana. Collecte de passeports et de 245 $ cash d’à peu près 150 pèlerins pour remplir les formalités d’usage à l’ambassade du Ghana à Cotonou ! 14h00 : Les pèlerins convoqués en personne à l'ambassade du Ghana ! 14h30 : Appel à l'aide des pèlerins à l'ambassade des États-Unis à Cotonou ! Tous les pèlerins auraient leur visa avant la fermeture de l’ambassade : courtoisie de l'ambassade du Ghana ! 23h30 : travail accompli ! Minuit: transbordement d’équipages et de passagers des 7 bus béninois aux 7 bus ghanéens !

Entretemps, mon ami béninois était venu me visiter. Nous avons bavardé de tout et de rien et surtout du Bénin. L'actuel président du Bénin, Patrice Talon, élu en 2016, exerçait son second mandat. D'après mon ami, le président Talon est en train de mettre le pays sur le chemin du développement - lutte acharnée contre la corruption, la fuite des capitaux, la dilapidation des devises et de la prodigalité au sommet de l’État. Le président a aussi redynamisé l’administration publique et le secteur privé. Toutes ces mesures ont commencé à porter leurs fruits. « Méfie-toi », dit-il, « en Afrique, la corruption a le dos dur. Par exemple, bien que l’administration publique soit fortement numérisée, un fonctionnaire peut volontairement faire traîner le temps des livraisons des services commandés par l’usager qui lui-même sera obligé de soudoyer le fonctionnaire  pour accélérer le processus de livraison ».

Dans son plan de développement, le président de la République du Bénin, entre autres, a décrété ''l'Ecole Pour Tous'', obligatoire, laïque et gratuite. Il a aussi décrété 10 ans de scolarité gratuite pour les filles, des cours primaires jusqu'en classe de troisième. A cet effet, le taux d'achèvement de l'enseignement primaire est passé de 54,11% en 2020 à 65,41% en 2021. Pour améliorer ces statistiques, il a instauré dans toutes les écoles de campagne des cantines afin que les enfants mangent chaque jour un repas balancé, copieux et chaud.

Le Bénin et le Ghana ont subi la colonisation. Le Bénin était colonisé par la France, dès lors le français est resté la langue officielle alors qu’au Ghana, colonisé par l’Angleterre, l’anglais est la langue officielle. Les deux pays, situés sur la côte de l’Atlantique ont presque la même culture. Mais le Ghana pratique la matrilinéarité, c’est le fils aîné de la sœur du Roi qui lui succède ; alors qu’au Bénin, le régime social est patriarcal, la succession au trône se fait de père en fils.

2h00 AM précises : Départ pour la frontière du Togo ! 4h00 AM : Arrivés à la frontière du Togo. Comme bons Africains, les Togolais ont commencé à faire traîner le temps. Pas d’encre pour sceller les passeports, pas de sceaux, pas de… ! Finalement, les leaders de notre groupe ont finalement compris le jeu.

Dans l’attente, j’ai demandé à un médecin de la délégation, natif d’Aquin, à quelle rue d’Aquin ressemblait cette rue non pavée perpendiculaire à l’autoroute principale. - « Cette rue est la copie fidèle de la rue Port Saint Louis à Aquin ! », me répondit-il. Pour avoir le cœur net, j’ai envoyé une photo de la rue à mes amis à Aquin pour authentification. – « Rue du Poste Gaille » - Rue Derrière Fort » - « Rue… ».

Les passeports ont enfin été scellés par les agents de l’immigration et les formalités douanières remplies, la traversée du Togo nous a pris environ une heure. À la frontière Togo-Ghana, les agents de l’immigration togolais, avec leurs sceaux mouillés d’encre jusqu’à la lie, avaient tamponné près de 300 passeports dans un temps record : à peu près 25 minutes. Les cultures sont têtues.

A la salle d’immigration du Ghana, des militaires ghanéens attendaient notre délégation pour coordonner le processus avec les agents de l’immigration. Chapeau ! Toutes les formalités se sont déroulées dans un temps record et comme une lettre à la poste. Avant de partir vers Accra, un officiel du gouvernement ghanéen a présenté les excuses du gouvernement ghanéen à la délégation pour les erreurs et les malentendus antérieurs. Rien à signaler pour la suite du voyage si ce n'est de nombreux arrêts pour soulager nos appels de la nature en pleine nature ghanéenne ! Une Ghanéenne de l’hôtel m’a livré son secret pour gérer ces longs voyages en bus au Ghana : « Évitez de manger et de boire 24 heures avant le périple ». Notre bus est arrivé à l’Hôtel à Accra le mercredi 26 juillet vers 10h00 PM. Environ 27 heures de voyage en bus pour parcourir les 352 kilomètres (218 miles) qui relient Cotonou, au Bénin à Accra, au Ghana !

Le 28 juillet nous conduisit à Elmina Castle, une forteresse édifiée par les Portugais en 1482 au Ghana ! Ce fort a été l’un des centres principaux de la traite négrière sur la côte de Guinée de toute l’Afrique de l’Ouest. J'ai revécu le passé sordide de la traite des esclaves et les atrocités subies par nos ancêtres capturés, entassés comme des sardines dans des navires en partance pour les colonies. Cette pratique a été abolie en 1814.

J'ai imaginé ces cachots chauds, sombres, longs et étroits, entassés d’hommes et de femmes captifs, déshydratés et marqués comme des bovins au fer chauffé au feu. Ils ne pouvaient voir qu'un pâle rayon de soleil provenant d'une fenêtre miniature ciselée dans le mur. J'imaginais les captifs dormant à même le sol de pierre boueuse, insalubre. Je pouvais à peine traverser le petit tunnel qui conduit à la salle qui donne accès à la « Porte de Non-Retour ». Je ne pouvais pas croire que des êtres humains puissent infliger tant de douleurs à d’autres êtres humains. Je me souviendrai toujours de cette plaque sur le mur d'Elmina : « En mémoire éternelle de l'angoisse de nos ancêtres. Que ceux qui sont morts reposent en paix. Que ceux qui reviennent retrouvent leurs racines. Que l'humanité ne commette plus jamais une telle injustice contre l'humanité. Nous, les vivants, jurons de respecter cela ».

Pourtant, dans l'état de Floride où je réside, aujourd’hui, notre gouverneur et certains politiciens d'autres états des États-Unis ont fait adopter des lois et des politiques publiques pour « blanchir » l’enseignement sur la race et la discrimination dans les écoles publiques.

Le 30 juillet, mon pèlerinage s’est achevé. Ces souvenirs gravés vont raffermir mes liens avec mes racines et me rappelleront l'importance de préserver notre héritage culturel. Les réminiscences de cette  aventure spirituelle et éducative au Bénin et au Ghana enrichiront ma perspective en tant que membre de la diaspora haïtienne. On dit toujours que tradition et modernité sont comme deux chemins complémentaires qui se rejoignent en un seul ; oui, je l'ai constaté lors de ce voyage et Haïti peut et doit prendre ce chemin. C'est juste une question de volonté, mais surtout d'intérêt pour le peuple haïtien rescapé de cet enfer de l'esclavage. J'attendais sur le trottoir de l’Aéroport international de Miami l'arrivée de mon taxi Uber pour me ramener chez moi. Aldy, Aldy, m'a appelé quelqu’un de l’autre côté de la rue. C'était un vieil ami. - D'où viens-tu ? – Du Bénin ! - Ouais, tu n'avais pas peur, car leur vodou est plus fort que le nôtre. - Non, je suis allé aux sources pour obtenir un degré supérieur. - Ouais, tu te rappelles mes déboires avec Ti Joseph et du sortilège qu’il m’avait jeté… Heureusement, mon taxi Uber est arrivé juste à temps ; j’ai sauté dedans. Et le reste est de l'histoire.

 

Aldy Castor MD

(954) 873-0064,  aldyc@att.net

Weston, Floride, USA, 28 août 2023

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