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Chers compatriotes et amis de partout
Je suis très fier de commémorer en votre compagnie le deux cent vingt et unième anniversaire du décès de Toussaint Louverture à la fin d'une douloureuse période de captivité dans un horrible cachot au Fort de Joux en France. C'est dans la solitude la plus totale et les plus cruelles humiliations que l'un des plus dignes héros de toute l'histoire de l'humanité passa les derniers moments de sa vie. Nous pouvons imaginer les tortures physiques et psychologiques que cet homme a dû subir alors qu'il se trouvait entièrement à la merci de ces bourreaux français qui n'avaient aucune raison de l'aimer. Pour ce qui concerne les derniers moments de la vie de Toussaint Louverture, il n'y a que les témoignages de ses bourreaux. Son crime impardonnable était de s'opposer farouchement aux horreurs de l'esclavage, et de vouloir, à tout prix, améliorer les conditions de vie de ses congénères. Un héros ne choisit ni le moment de sa mort ni les conditions dans lesquelles il doit périr. L'homme que nous sommes fiers d'honorer aujourd'hui est parmi les premiers martyrs de la cause des droits humains.
Cependant, la commémoration de la mort de Toussaint Louverture nous donne l'occasion de parler de la vie de ce grand homme. Cette vie est un hommage à la résilience et la ténacité qui caractérisent les héros. C'est une vie au cours de laquelle notre héros a conquis l'invraisemblable, et offert bien des leçons de finesse et de diplomatie à ceux-là mêmes qui se disaient civilisés. Grâce à ses talents de négociateur, il sut profiter des rivalités qui existaient entre les puissances coloniales du moment, et améliorer les conditions d'existence de ses congénères.
Il y a un aspect important de la vie de Toussaint Louverture sur lequel les historiens ne semblent pas s'attarder, mais qui lui donne encore plus de mérite. C'est qu'il eut une enfance et une adolescence d'esclave de maison. Il y a une vaste différence entre le traitement que recevait un esclave domestique, et les conditions inhumaines dans lesquelles croupissaient les esclaves des champs. Malgré ce statut, Toussaint Louverture demeura fidèle à la cause de sa race. Il forma les soldats et les généraux qui changèrent le cours de l'histoire de l'humanité en créant le premier État noir souverain du Nouveau Monde.
L'homme qui dédia sa vie entière à la cause de l'épanouissement humain, ne vit pas la naissance de la nation haïtienne dont il est le principal fondateur. Pour être demeuré fidèle à la cause de sa race, Toussaint Louverture connut une fin horrible et humiliante au Fort de Joux. Il a dû endurer tortures et railleries dont nous n'entendrons pas parler. Même si son héritage appartient au monde entier, il est d'abord nôtre. Nous les Haïtiens sommes les racines profondes et nombreuses auxquelles il fit allusion au sombre moment de son enlèvement.
Si rien ne peut nous empêcher d'être fiers de Toussaint et de notre unique identité dont il est à l'origine, nous devons aussi honorer sa précieuse mémoire en pratiquant, comme lui, l'amour-propre, la solidarité et un attachement inconditionnel à notre dignité commune.
En ce moment où notre pays fait face à des défis de taille, nous devons, à l'instar de Toussaint Louverture, nous laisser guider par la sagesse, la patience et la détermination. La vie de notre héros ne fut pas un parcours sans erreurs. Les circonstances qui conduisirent à l'ultime défaite de Toussaint Louverture, nous parlent de la faillibilité de l'homme, et il y a d'importantes leçons à en tirer puisque la campagne qu'il avait initiée n'est toujours pas terminée, et que nous avons aujourd'hui une patrie à sauver.
Aujourd'hui, les véritables colons ont changé de continent. Ils ont aussi changé de langage, mais ils demeurent aussi haineux, aussi enclins à nous priver de ce qui nous revient de droit. Aujourd'hui plus que jamais, l'exemple de Toussaint Louverture peut nous guider vers les jours meilleurs qui nous appartiennent.
Lesly Condé
