Difficile de penser à l’avenir du pays, sans prioriser l’éducation. Et, il est autant impossible de planifier des réformes dans l’éducation sans penser aux multiples dimensions de chaque ville, notamment à la configuration et la structuration géographique des communes et régions du pays. De la problématique spécifique aux villes en passant par les limites apparentes ou réelles des collectivités en Haïti, existe-t-il un agenda éducatif au sein des mairies en Haïti ?
Depuis des décennies, les nombreuses réformes et l'adaptation des politiques publiques Haïti, tant dans le champ de la gouvernance de l'éducation et dans la dynamisation des collectivités territoriales ne permettent pas pour autant une véritable implication des acteurs comme les mairies, dans le renforcement de la qualité de l'éducation en Haïti, même avec l'élection ou la nomination des éducateurs et éducatrices à la tête de certaines administrations communale. A qui la faute ?
Des manques de ressources financières à elles seules ne sont pas les principales raisons, si la vision, le cadre de régulation et une conscience des enjeux de l'éducation dans la ville ne sont pas au rendez-vous. Quelles sont les mairies en Haïti qui accompagnent le plus les opérateurs dans l'éducation ? Qui sont les maires qui encouragent et encadrent l'excellence académique dans les milieux éducatifs et professionnels dans leur commune ? Quelle place occupe l'éducation au sein des mairies en Haïti ?
Comment les villes en Haïti investissent dans l'éducation ?
De façon récurrente, l’éducation a souvent été perçue comme une responsabilité exclusive de l’État central, via le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), même si le système éducatif repose sur le dos d'une majorité des acteurs privés. Pourtant, dans un contexte marqué par la décentralisation, les crises multiples et les inégalités territoriales, les villes, et plus précisément les mairies ont un rôle crucial à jouer dans la refondation du système éducatif.
D'où l'importance de cette réflexion, tout en reconnaissant la faiblesse des collectivités dans le pays, qui vise surtout à encourager les mairies à assister et à compléter le travail du MENFP, des notables et des familles dans leur juridiction respective. Le premier des citoyens et citoyennes de chaque ville doit inspirer et influencer positivement l'ensemble des acteurs du système éducatif !
Dans la nouvelle dynamique contemporaine où les communes cherchent à renforcer leur autonomie et leur impact local, en dehors de l’effondrement des trois grands départements en Haïti (Ouest, Artibonite et Centre) en cours, à la fin du mois d'octobre 2025, il devient urgent de définir ou de rendre effectif l'agenda éducatif dans le plus grand nombre des villes du pays. Le MENFP, tout en disposant le monopole des interventions en tant qu'autorité nationale de régulation, devrait pouvoir accompagner et appuyer les mairies dans la déclinaison de ce plan communal, complémentaire, à partir du programme national annuel.
Pourquoi les mairies doivent-elles s’engager un peu plus dans l’éducation ?
De la proximité des mairies dans chaque ville à la connaissance du terrain par les agents communaux, les mairies sont reconnues comme les institutions politiques les plus proches des citoyens en dehors des autres acteurs culturels, économiques ou religieux. Les administrations communales dans la plupart des villes connaissent les réalités locales dans des angles pas toujours connus ou visibles pour le commun des mortels, entre la gestion des marchés, des cimetières, des places publiques, en dehors des écoles délabrées, des enfants non scolarisés, des familles en difficulté entre autres. Cette proximité leur confère une capacité unique d’intervention ciblée qui devrait servir de facon plus efficace en support à l’administration centrale de l'éducation.
Dans quel sens les mairies pourraient-elles s’impliquer plus activement dans la réduction des inégalités territoriales ? Plus qu’une évidence, le système éducatif haïtien est marqué par de fortes disparités entre les zones urbaines et rurales, entre les communes du littoral et celles de l’intérieur. Pourquoi est-il important pour nos mairies de s'informer et de former leurs ressources sur les enjeux et les impacts réels de l'éducation sur la ville, en tenant comme des principes des ODD (17 Objectifs de Développement Durable) ?
Dans l’objectif justement, de contribuer à la mobilisation des mairies pour soutenir et accompagner les opérateurs éducatifs (privés ou publics), ces administrations communales pourraient grandement fédérer les principales forces vives de leur territoire autour de cette noble cause que représente l'éducation, le moule destiné à fabriquer les citoyens et citoyennes de demain. Pourquoi les mairies en Haïti, ou regroupées dans certaines régions, même en disposant peu de moyens devraient-elles investir dans la formation professionnelle des jeunes dans la ville, ou dans l'établissement d'un centre de formation technique ?
Des entreprises et des ONG, autant que des associations, des leaders communautaires et désormais des influenceurs qui communiquent autour des villes, doivent autant s'impliquer dans la politique communale autour de l’éducation dans la ville. Ensemble, ils pourront ainsi créer un écosystème éducatif dynamique et solidaire en appui au MENFP, via les directions départementales de l'éducation.
Dans quel sens investir dans l’innovation et les expérimentations des politiques communales éducatives pour montrer la voie aux administrations communales en Haïti, qui tardent à faire de l'éducation un levier majeur pour leur relèvement ? À l’échelle locale, avec l’appui des entreprises et des notables pragmatiques, les mairies pourraient initier des projets pilotes. La mairie de Delmas et la mairie de Tabarre pourraient partager certains exemples d'investissement en appui à l'éducation dans la commune. Pourquoi et comment investir dans des écoles communautaires, des classes mobiles, des bibliothèques de quartier, des programmes d’alphabétisation entre autres ?
Pourquoi et comment développer un agenda éducatif municipal pour chaque ville ?
Dans un proche avenir, et sans attendre l'organisation des prochaines élections pour le renouvellement du personnel politique dans le pays, il y a lieu d’inscrire dans les débats publics autour de la promotion d'un agenda éducatif au sein des collectivités territoriales. Les potentiels électeurs et les membres de la société civile, établis dans chaque commune, doivent de façon objective exiger plus que des promesses électorales, mais des engagements confirmés des candidats et leurs partis politiques dans l'éducation bien avant les élections. Les questions et les réponses éducatives doivent être formulées sur la base de la typologie géographique et économique, des spécificités et des potentialités de chaque ville.
Définitivement, il est impossible d’aborder l’avenir d’Haïti, sans promouvoir des villes mobilisées autour de l'éducation et la formation de la majorité des membres de sa population, dans les différents domaines basiques, prioritaires et stratégiques destinés à favoriser son développement et sa croissance. Quelles sont les villes en Haïti qui disposent le plus d'infrastructures éducatives efficaces et utiles, qui participent réellement dans son développement et sa croissance ?
De la nécessité d’inviter les notables et les plus hautes autorités politiques, économiques, éducatives et culturelles établies dans chacune des villes en Haïti, à participer activement et à supporter l’élaboration d’un véritable plan communal de l'éducation. Ce document à actualiser sur une période définie, devrait voir le jour à partir d'une évaluation de terrain, des priorités, des objectifs et des moyens à mobiliser.
Dans chaque ville du pays, la constitution et la mobilisation active du conseil communal de l’éducation qui portera ce dossier, en tenant compte des prescriptions légales disponibles, devrait regrouper des acteurs actifs et représentatifs, tels que les élus, enseignants, parents, jeunes et partenaires, afin d’assurer la concertation et le suivi des actions.
Comment les administrations communales doivent-elles compenser les limites du MENFP ?
Devant les faiblesses et les limites du MENFP sur le terrain, les mairies pourraient grandement contribuer à investir dans les infrastructures scolaires, notamment dans la réhabilitation des écoles, la construction de nouvelles salles de classe, l’accès à l’eau potable et à l’électricité.
De la nécessité pour les mairies du pays, d’informer, et de publier leurs statistiques et d’autres informations publiques sur l’accompagnement de la population dans le domaine éducatif, ou dans d'autres actions visant à soutenir les familles et les élèves, à travers des bourses scolaires, des cantines municipales, du transport scolaire, et surtout de l’appui psychosocial, de l’animation culturelle saine, de la protection des biens culturels de la ville et du patrimoine communal ou national.
Développer des partenariats éducatifs à l’échelle communale, avec les ONG, et pourquoi pas avec les universités, les entreprises locales en vue d’enrichir l’offre éducative dans la ville, doit être une priorité pour chaque administration communale. A quand un état des lieux sur les ressources et expertises en éducation que les mairies disposent ? Qui sont les maires qui investissent le plus dans les infrastructures et l'accompagnement de l'éducation dans leur juridiction respective ? Quelles sont les villes en Haïti qui disposent le plus d'acteurs, des initiatives et mobilisations autour de l'éducation ? Pourquoi l'avenir des villes en Haïti passe par une valorisation de l'agenda éducatif communal et la formation des ressources qui la composent ?
Dominique Domerçant
