Mickelson Thomas plaide pour une valorisation de nos talents sportifs afin qu'ils puissent s’imposer sur la scène professionnelle

Le National l’a rencontré après la publication d’un article, À la frontière du rêve et de la réalité, dans lequel il soutient qu’aucun footballeur haïtien n’a jamais pu s’imposer dans les cinq (5) grands championnats européens ; se demandant, même, s’il fallait perdre espoir. Nous avons aussi profité pour lui poser quelques questions sur la participation de la sélection des moins de vingt-et-un ans (U21) de volleyball qui vient de décrocher une septième place au tournoi régional de la NORECA.

Le National : Votre article publié la semaine dernière est en train de faire débat dans les milieux sportifs. Était-ce l’objectif ?

Mickelson Thomas : Oui en partie. J’interpelle une forme d’utopie pour exposer un triste et patent constat relativement à l’absence de nos joueurs de football dans les cinq (5) grands championnats européens. L’objectif nourri par l’écriture de ce texte est, d’une part, de susciter des débats d’idées constructifs autour de la problématique de l’organisation du sport dans le pays; et de l’autre, de suggérer qu’au même titre que la promotion de la paix, du tourisme et de la culture, celle de la jeunesse et des sports soit dorénavant l’une des priorités gouvernementales; convaincu suis-je, que c’est par la prise en compte, de manière systématique, de ces deux (2) secteurs fédérateurs, qu’un changement positif se matérialisera en Haïti. Référence article publié le 6 octobre 2022 : https://opengouv.ht/vie-publique/du-talent-au-professionnalisme-foot-il-perdre-espoir/

 

Le National : Selon vous, nos anciennes gloires ainsi que les joueurs actuels n’auraient pu -ne peuvent -  nullement briller dans l’un des cinq (5) grands championnats européens?

Mickelson Thomas : Je reconnais avoir été plus nuancé. Aussi vais-je essayer de résumer le fond ma pensée en ces termes : nos vedettes d’hier autant que nos talents actuels, s’ils avaient pu évoluer dans un environnement socio-économique où la pratique sportive était organisée de manière rationnelle, tant au niveau étatique que fédéral, auraient pu avoir une brillante carrière dans des clubs huppés de première division européenne. Quand les conditions de formations sont minimales et parfois inexistantes, le résultat en pâtit.

Antoine, vous conviendrez avec moi, quelle que soit la discipline sportive, le talent ne suffit pas à garantir l’éclosion au plus haut niveau. Pareille anomalie pour un pays où le football est considéré comme le « Sport-roi » peut s’expliquer à la lumière de plusieurs raisons dont je ne vais vous en énumérer que (5) cinq :

  1. L'environnement socio-économique et politique délétère dans lequel évoluent les footballeurs au quotidien;
  2. La mauvaise organisation globale de la pratique sportive à tous les niveaux (État /mouvement sportif);
  3. L’absence des financements privés qui ne compensent pas le faible taux des dépenses et investissements publics consacrés au développement du football;
  4. L’inexistence d’infrastructures intégrées pouvant héberger des activités de jeunesse et des compétitions sportives nationales à tous les niveaux; et enfin
  5. L’absence d’une conscience nationale, encore moins d’une volonté politique sur le fait que la « Jeunesse et le Sport » doivent constituer des pôles de développement socio-économique et un puissant vecteur de promotion de la paix;

Un autre article suivra avec de plus amples explications et quelques propositions, sujettes à des débats de contradictions, pour qu’ensemble nous essayions de trouver les compromis fondateurs pouvant inverser l’ordre des choses.

 

Le National : La sélection de volleyball des moins de vingt-et-un (U21) ans vient de décrocher une septième (7e) place au championnat régional de la NORCECA à Cuba la semaine dernière. Nous connaissons votre amour pour ce sport et votre implication dans cette discipline. Que vous suggère cette performance ?

Mickelson Thomas : Des sentiments mitigés, je dois vous l’avouer. En effet, comment ne pas s’incliner devant les énormes sacrifices consentis par les parents, joueurs et entraineurs ayant surmonté le stress, les difficultés quotidiennes ainsi que certaines frustrations afin de défendre âprement et fièrement les couleurs nationales à cette compétition régionale; où les meilleures équipes de la zone Nord-Centre Amérique et caraïbéenne étaient engagées.

Toutefois, formé et pétri dans le moule d’un certain perfectionnisme, il m’est difficile de me satisfaire - ou pire - de m’enorgueillir de cette avant-dernière place obtenue.

Force est de constater, néanmoins, qu’en l’état actuel de la situation d’insécurité qui prévaut dans le pays, des impondérables et des difficultés logistiques; sans oublier le niveau des autres sélections en présence, le résultat final n’aurait pu être autre.

De plus, l’absence de compétitions de jeunes au niveau national a fortement altéré la performance de ces talentueux espoirs qui ont dû, certainement, être déçus. N’étaient-ce les initiatives privées d’un groupe d’amis (AMIKAL GWOUP / TREZÒ LEKÒL) que j’ai d’ailleurs toujours soutenu tant logistiquement que financièrement, ces jeunes volleyeurs n’auraient même pas eu de matchs de préparation dans les jambes avant de prendre part aux joutes régionales antérieures. Si cette organisation a pu le faire, a fortiori l’instance fédérale, en sortant de son immobilisme chronique, devait envisager des stratégies novatrices permettant à cette sélection d’être davantage préparée pour viser mieux qu’une avant-dernière place.   

Vous savez, Antoine, au niveau caraïbéen (CAZOVA), nous avons des équipes aux prises avec quasiment les mêmes problèmes que nous; et là, avec un minimum de préparation et du talent, nous pouvons aisément rivaliser et même les vaincre. Ce que cette sélection a d’ailleurs réussi en obtenant, haut la main, en juillet dernier à Trinidad et Tobago, son billet pour cette ronde finale. Bravo !

Mais au niveau de la NORCECA, où l’organisation du sport se complexifie, avec des paramètres plus pointus pris en compte et globalement maitrisés par les autres fédérations, les résultats parlent d’eux-mêmes. Il eût peut-être fallu que l’instance fédérale soit moins empêtrée dans sa léthargie, et que sa Direction technique cessât de croire aux miracles en empruntant des raccourcis, pour espérer un bien meilleur résultat à une compétition de ce niveau.

 

Le National : Vous pensez donc que cette équipe aurait pu mieux faire avec une meilleure planification/préparation ?

Mickelson Thomas : Ne voulant nullement provoquer des réactions épidermiques chez certains dirigeants de la FHVB j’aurais préféré que les entraîneurs, avec un peu de recul, répondent à cette question, qui interpelle une prise de conscience ponctuée de franchise et de pragmatisme.           

 

Le National : Votre dernier mot pour le volleyball et le sport M. Mickelson THOMAS ?

Mickelson Thomas : Il sera pour le SPORT. Que sa promotion effective soit assurée par des gens honnêtes et compétents, convaincus qu’il puisse casser cette dynamique d’impuissance collective qui nous envahit et nous paralyse, afin que les jeunes talents soient valorisés pour devenir les signaux des promesses de jours meilleurs pour HAÏTI. Je vous remercie, Antoine.

 

 

Propos recueillis par :

 Marcel Antoine

 

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