Football /Tragédie

Jeff Barios, emporté en plein match : le football haïtien endeuillé une fois de plus

Le silence s’est abattu sur Lakou Simon, aux Cayes, là où devait régner la joie simple du football d’été.

Samedi, lors du match inaugural du championnat de vacances, la passion du ballon rond s’est subitement muée en drame. L’ancien attaquant de l’AS La Gonâve, Jeff Barios, s’est écroulé sur le terrain, sans contact préalable avec un adversaire, alors qu’il se démarquait pour recevoir une passe.

Quelques instants plus tard, c’était l’inconcevable : le jeune homme entamait son dernier voyage, celui vers l’éternité.

Transporté en urgence à l’hôpital le plus proche, Jeff n’a pas survécu.

Une perte brutale, incompréhensible, qui vient douloureusement rappeler l’insoutenable précarité dans laquelle se déroulent trop souvent ces tournois populaires, pourtant si ancrés dans la vie communautaire haïtienne.

Car ce drame n’est pas une fatalité isolée. Depuis deux ans, les cas de malaises, d’effondrements, voire de décès sur les terrains de quartier se multiplient, dans l’indifférence presque générale des autorités locales.

Ni présence médicale, ni dispositif de premiers secours, ni encadrement sécuritaire.

Les championnats de vacances se déroulent dans un vide organisationnel effarant, laissant les joueurs – parfois très jeunes – à la merci du sort, sans le moindre filet de sécurité.

Faut-il rappeler que le football, même amateur, engage le corps de manière intense et exige un minimum de suivi médical ? Où sont les mairies, les CASEC, les Délégués, censés assurer un minimum de supervision ? Où est l’État, garant des conditions de vie et de jeu des jeunes citoyens ? Où sont les fédérations, les clubs, les sponsors – tous ceux qui, un jour ou l’autre, ont brandi le sport comme levier social, outil d’inclusion, tremplin vers l’espoir ?

La mort de Jeff Barios en plus d’être un accident tragique est le symptôme d’un pays qui abandonne sa jeunesse jusque sur les terrains de football.

Elle nous interpelle, collectivement, sur notre désengagement face aux questions élémentaires de prévention, de santé, de dignité.

Il est plus que temps que les comités d’organisation exigent des bilans de santé préalables pour chaque joueur, qu’un protocole d’urgence soit imposé pour chaque événement, que la Police Nationale d’Haïti et les premiers secours soient mobilisés – ne serait-ce que symboliquement. Car chaque vie sauvée en vaudra la peine.

À Jeff Barios, paix et lumière. Et que son départ nous réveille, enfin.

 

Gérald Bordes

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