L’ ascension triomphante du football

Dépourvue, entre autres, d'infrastructures, de grandes opportunités et d'un environnement plus propice aux activités sportives, notre sélection féminine a dû battre, dans le cadre des barrages organisés à cet effet, pour se qualifier, le Sénégal 4-0 en demi-finale avant de disposer du Chili de Christiane Endler 2-1, l’une des toutes meilleures gardiennes de but au Monde, en finale pour valider leur billet pour Australie & Nouvelle-Zélande 2023. Une grande première ! Quelle prouesse ! La sélection féminine haïtienne est entrée dans l’histoire, pour leur toute première participation à la Coupe du Monde de la FIFA.

 

Par cette participation de la sélection nationale féminine, au-delà de toutes considérations, il y a lieu de comprendre que le football joue un rôle significatif dans l'émancipation des femmes en abordant les plafonds de verre et en favorisant l'égalité des sexes, en particulier lorsqu'il s'agit de compétitions internationales telles que la Coupe du Monde. Voici quelques points à considérer: 

 

Primo, visibilité et modèles féminins : 

 

Sans vouloir, ici , retracer historiographiquement la genèse du football féminin haïtien, mais ce fut le 19 décembre 1971, au Parc Sainte-Thérèse, à Pétion-Ville, qu’a eu lieu le premier match. Ce fut aussi la même année (soit le 25 décembre 1971) de la première fondation du premier club de football féminin en Haïti dénommé « des Amazones », qui est considérée comme le doyen des clubs. Cependant, ce fut après la fondation de plusieurs clubs de foot féminin, dont L’AS Tigresse, le 1er février 1972, et l’organisation de plusieurs tournois féminins à travers Port-au-Prince et certaines villes de province, notamment au Cap, à Saint-Marc et aux Gonaïves, que la Fédération haïtienne de Football accepta la reconnaissance du foot féminin en octobre 1973. Ainsi, la première sélection nationale date de 1974, qui nous opposa, au Stade Sylvio Cator, à l'équipe du Stade de Reims de France, dans des circonstances particulières (consulter HAITI TEMPO pour plus de détails).

 

Autrement dit, juste avant la Conférence de Pékin de 1995 qui a placé la notion « d’autonomisation » ou « émancipation » des femmes, comme l’un des enjeux clés des rapports de coopération internationale, Haïti avait compris la nécessité.

 

En effet, depuis près d'une décennie, l'équipe féminine a gagné une place spéciale dans nos cœurs pour ses performances à chaque compétition. Melchie Daelle Dumornay, la capitaine Nérilia Mondésir, Batcheba Louis et Roselord Borgella sont, entre autres, des figures emblématiques de notre équipe nationale qui évoluent au plus haut niveau, en Europe.

 

Au prime abord, les compétitions, dont la Coupe du Monde de football féminin, offrent une plate-forme mondiale aux femmes athlètes pour mettre en valeur leurs compétences et leurs talents. Cela contribue à accroître leur visibilité et à fournir des modèles féminins aux jeunes filles et aux femmes du monde entier, les incitant à poursuivre leurs rêves et à briser les stéréotypes de genre. 

 

Toute notre reconnaissance à celles et ceux qui posèrent les premiers jalons significatifs du football féminin en Haïti.

 

 

Segundo, déconstruction des stéréotypes de genre : 

Alors que, traditionnellement, les femmes et les hommes occupèrent des rôles différents au sein de la société. Les femmes se virent généralement confier les tâches dites « reproductives », c'est-à-dire les tâches domestiques, les soins et l'éducation des enfants. Les hommes, quant à eux, furent davantage chargés de tâches dites « productives », telles que subvenir aux besoins financiers du ménage et gérer les affaires publiques.

 

Aujourd’hui, plus que jamais, notamment en Haïti, le football féminin remet en question les stéréotypes de genre et les idées préconçues selon lesquelles le sport est réservé aux hommes. En mettant sous les projecteurs les compétences et la passion des femmes dans le football, cela aide à déconstruire les attentes traditionnelles du rôle déjà défini et du destin tracé de la femme dans la société. Les réactions à travers le pays, notamment sur les réseaux sociaux, témoignent de notre appréciation pour nos athlètes féminines, au point que certaines sont considérées comme des chouchous !

 

Tertio, promotion de l'égalité des opportunités : 

Les compétitions telles que la Coupe du Monde de football féminin favorisent l'égalité des opportunités en offrant aux femmes des chances égales de participer et de briller dans le sport. Cela peut encourager les investissements dans les programmes de football féminin, les infrastructures sportives et les opportunités de formation, créant ainsi un environnement plus propice à la participation des femmes dans le football.

 

Selon les estimations, plus de deux milliards de personnes devraient suivre cette Coupe du Monde féminine, la plus grande audience de l’histoire pour un sport féminin. C’est, en effet, l'occasion, pour les Nations unies, de célébrer les réalisations des femmes dans le sport et de faire avancer les choses, à la fois pour le football féminin et pour l'égalité des genres.

 

Rappelons, entre autres, que la FIFA a augmenté le prix de la Coupe du monde féminine 2023 à 150 millions de dollars, soit le triple du montant de 2019.

 

Quarto, changement des perceptions culturelles : 

Dans de nombreuses cultures, le football est souvent considéré comme un sport masculin. Cependant, la visibilité exponentielle du football féminin et les succès des équipes nationales féminines peuvent contribuer à changer ces perceptions culturelles.  Cela peut entraîner un changement d'attitude plus large envers les femmes dans la société et aider à briser les barrières traditionnelles auxquelles elles sont confrontées.

 

« Les femmes qui participent à cette Coupe du monde sont des modèles pour toutes les filles de cette planète. Leur force et leurs compétences sont une source d’inspiration », a déclaré la Directrice exécutive d'ONU Femmes, Sima Bahous.

 

Quinto, autonomisation des femmes :

La participation au football permet aux femmes de développer leur estime de soi, leurs compétences en leadership, leur esprit d'équipe et leur résilience. Ces qualités peuvent s'étendre au-delà du terrain de football et avoir un impact positif sur leur vie professionnelle et personnelle, les aidant à surmonter les plafonds de verre et à poursuivre leurs aspirations.

 

« La Coupe du monde féminine nous montre à quel point non seulement elles, mais le monde entier perd lorsque nous ne parvenons pas à offrir aux femmes et aux filles les mêmes opportunités qu'aux hommes et aux garçons », a affirmé Mme Bahous

 

S’il est important de noter que bien que le football puisse contribuer à l'émancipation des femmes, il ne peut cependant pas résoudre tous les problèmes liés à l'inégalité des sexes. Des efforts supplémentaires sont nécessaires dans d'autres domaines tels que l'éducation, l'économie et la politique pour créer un changement durable et éliminer les plafonds de verre dressés sur l'ascension des femmes depuis trop longtemps.

 

 

Witzer MESADIEU

Politologue et Juriste

Consultant politique.

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