Après douze années à la tête de la présidence de la Fédération haïtienne de volleyball (FHVB), l'emblématique présidente Margarette C. Graham a annoncé qu'elle ne briguerait pas un quatrième mandat. Le National l'a rencontrée et elle a accepté de répondre aux questions concernant sa gestion durant son passage à la présidence de la FHVB tout en écartant la question relative à sa candidature éventuelle à la présidence de la Fédération haïtienne de football (FHF) et celle du Comité olympique haïtien (COH).
Le National : Nous avons appris que la Fédération organisera les élections le 28 octobre prochain afin d'avoir un nouveau comité exécutif. La présidente sortante Margarette C. Graham se présenterait-elle aux élections ?
Margarette C. Graham : Oui, je confirme que la FHVB tiendra une assemblée générale élective le 28 octobre prochain. Non, je ne me représenterai pas aux élections.
L.N : Avec quel sentiment allez-vous quitter la présidence du comité exécutif de la FHVB après trois mandats ?
M. C. G : Avec un sentiment mitigé. Nous sommes fiers de nos réalisations durant nos trois mandats. Nous en citerons quelques-unes :
1. Introduction et maintien de compétitions scolaires à l'échelle nationale.
2. Reformatage des compétitions de clubs à l'échelle nationale pour de bien meilleurs résultats.
3. Formation de plus de 300 techniciens (entraîneurs, arbitres).
4. Bien meilleure présence des équipes nationales haïtiennes dans les compétitions régionales. En exemple, de juillet 2022 à date, nous avons participé à trois compétitions régionales d'indoor volleyball et à trois de beach-volley.
5. Introduction du beach-volley dans différentes zones du pays.
6. Reprise fin 2021, et de manière novatrice, des compétitions de volley -momentanément suspendues suite aux sérieux incidents de
« peyi lòk » de 2019, de la Covid-19 de 2020 et début 2021 - grâce à l'introduction de compétitions de jeunes (4 au total), réunissant entre 300 et 500 jeunes.
7. Présence d'Haïti dans les instances de direction et des sphères de décision de la Cazova, de la Norceca et de la FIVB.
Le regret est que nous aurions pu accomplir beaucoup plus. Nous aurions pu avoir beaucoup plus de jeunes à pratiquer le volley dans le plus de communes possible à travers la République. Il est tout simplement difficile d'avancer et de construire, de manière responsable et durable, sans :
1. L'encadrement et l'accompagnement des instances étatiques préposées à financer et veiller au développement des activités sportives nationales.
2. Infrastructures sportives adéquates.
3.Un secteur privé responsable, imbu de la mission qui lui incombe d'encourager et de pourvoir au développement d'activités sportives, saines et récréatives, au sein de la communauté dans laquelle il évolue.
4. Politique publique sportive et cadre légal approprié (ces documents ont été élaborés à plusieurs reprises, mais sont restés dans les tiroirs de l'exécutif), si nécessaires à l'établissement d'une vision, d'une mission et à l'avancement et au balisage de toute activité sportive.
Les remous sociopolitiques de ces dernières années, la fuite de nos cerveaux et talents sportifs n'ont certainement pas aidé et n'aident pas. Aujourd'hui, il nous faut compter sur une nouvelle classe de dirigeants, de techniciens et continuer à former de nouveaux groupes d'athlètes et à détecter de nouveaux talents. Cependant, je n'hésiterai pas à dire qu'en dépit de tous ces soubresauts, le volley a été l'une des rares disciplines sportives à maintenir sa barque à flot, ceci, grâce aux multiples sacrifices et à l'amour que dirigeants, techniciens, athlètes et encadreurs ont pour ce sport.
L.N : Lors de votre premier mandat, vous avez souhaité doter le pays d'un complexe sportif pour le volleyball. Nous aimerions savoir pourquoi ce projet n'a pas été réalisé.
M. C. G. : Dans un pays où les jeunes de moins de 35 ans comptent pour plus de 65% de la population, l'État a cette responsabilité de doter le pays d'infrastructures sportives adéquates. Dans un élan d'amélioration de la pratique du volleyball qui souffre d'une carence criante d'infrastructures sportives (quantité et qualité), nous avions cru pouvoir faire nous-mêmes. Je dois avouer que nous avions sous-estimé les nombreux écueils qui se sont dressés sur notre chemin et, vous ne le croirez pas, ces écueils sont venus en tout premier lieu de l'État....
Mais ceci nous ramène aux méfaits de l'absence d'une politique publique en matière sportive et au cadre légal qui devrait l'accompagner. Ces deux piliers de cadrage et de développement absents, nous continuons à espérer que l'État joue son rôle et embrasse ces responsabilités.
L.N : Même si Margarette C. Graham ne fera plus partie du comité exécutif de la FHVB, sera-t-elle toujours au service du volley haïtien ?
M. C. G : Je n'ai pas le choix. Je continuerai à encadrer, dans la mesure de mes possibilités et disponibilités, le volley haïtien. Je ne marchanderai jamais mon appui à la cause et à l'avancement du volley haïtien. Je le dois au volley, à nos athlètes et à tous ceux qui aspirent à prendre en main les destinées de mon sport favori. Fan de l'alternance démocratique, je me réjouis de passer le bâton à d'autres et aider au renforcement institutionnel de la FHVB.
L.N.: Seriez-vous toujours membre du comité exécutif de Cazova ?
M. C. G. : Oui, je le serai jusqu'à la fin de mon mandat qui prend fin ce mois de décembre.
L.N. : Allons-nous rencontrer Margarette C. Graham candidate à la présidence de la Fédération haïtienne de football (FHF) et également à la présidence du Comité olympique haïtien ?
M.C.G : Je ne peux que souhaiter bonne besogne à ces deux institutions. La communauté sportive haïtienne, dans son ensemble, fait face à des faiblesses organisationnelles et institutionnelles de taille qui plombent ses moindres efforts et ce n'est que grâce à une vision novatrice, à la bonne volonté, à la sincérité, à l'engagement de ses dirigeants qu'elle arrivera à les surmonter et à s'engager dans la voie d'un développement réel et durable de nos disciplines sportives.
Le National : Un dernier mot pour la famille du volley haïtien.
Margarette C. Graham : Un merci du fond du coeur à toute la communauté du volley haïtien qui, durant les 12 dernières années, ne nous a pas marchandé son support. Un grand merci à la presse sportive qui nous a accompagnés et nous a toujours tenu bon compte. Un merci spécial aux institutions, publiques et privées, et aux particuliers qui nous ont accompagnés financièrement dans l'organisation de nos compétitions, dans la préparation et la participation de nos équipes nationales dans des compétitions régionales.
Un merci tout à fait spécial à chacun de mes collègues du comité exécutif. Contre vents et marées, nous avons fait bonne route ensemble, avançant résolument vers les objectifs que nous nous étions fixés.
Mon dernier mot, je l'adresse aux dirigeants de notre pays, présents et futurs. Je ne doute pas qu'ils comprennent l'importance d'une pratique sportive dans la vie de nos jeunes. Je ne doute pas qu'ils comprennent qu'ils ont un rôle à jouer, une grande responsabilité à embrasser. Je leur demande de jouer pleinement ce rôle et d'embrasser leurs responsabilités. Que nos dirigeants commencent par inscrire à nouveau dans le budget de la République une allocation aux fédérations et associations sportives nationales !!
Propos recueillis par Gérald Bordes