Mickelson THOMAS, ancien Directeur technique national (DTN) réagit autour des élections « tronquées » de la FHVB et prodigue ses conseils à la nouvelle équipe

Comment ne pas solliciter l'expertise de Mickelson THOMAS, ancien entraineur à succès, et Directeur technique national (DTN) auprès de la Fédération haïtienne de volleyball (FHVB) en 2007, particulièrement à un moment où ladite Fédération a organisé des élections, le 28 octobre 2023, laissant hélas, plus de la moitié de ses postes vacants. Le distingué DTN, auteur prolifique de réflexions sur le SPORT dans les médias, a daigné nous accorder une entrevue, empreinte du franc-parler qui est sa marque de fabrique. Plus d'un qualifierait sa verve de « sans détour ». Monsieur THOMAS, tout en mettant en exergue l'impérieuse nécessité de restaurer un climat sécuritaire, plaide pour que la nouvelle équipe cerne ses limitations financières récurrentes, tout en préconisant une alliance fructueuse avec l'État et le Secteur privé autour d’une orientation stratégique cohérente et réaliste.

Le NATIONAL : Une page se tourne avec le départ de Margareth GRAHAM à la tête de la FHVB après douze ans de règne. Dans une entrevue accordée au NATIONAL, elle dit laisser la fédération avec un sentiment mitigé. Quelle est votre lecture du passage de Mme GRAHAM au timon des affaires fédérales ?

Mickelson THOMAS : Par crainte de provoquer des réactions épidermiques injustifiées, j’éviterai d’opiner sur son passage, mais plutôt sur le fond et la forme de son entrevue qui m'a laissé oscillant entre me fendre d’un rire ou sortir le mouchoir. Dans ses propos, la désormais ex-présidente a su mettre en lumière les accomplissements de son équipe tout en pointant du doigt, avec une habileté que des talents d’illusionniste autorisent, l'absence d'une politique publique sportive, de cadre légal l'accompagnant ainsi que l’inaction de l'État, comme principales barrières à ses efforts.

Aussi, suggèrerais-je d’emblée, au nouveau Président, envers qui j’ai une dette de gratitude éternelle pour son rôle de mentor durant ma trajectoire d’entraîneur, de saisir plutôt l’opportunité des entrevues et des opérations de communications pour présenter des solutions concrètes aux défis, plutôt que de se contenter de jérémiades ou d’énumérations plaintives.

 

Le National :  les élections se sont tenues samedi dernier et la FHVB est encore amputée d’un Trésorier, d’un Secrétaire général et de plusieurs conseillers. Des rumeurs vont bon train sur ce vide institutionnel. Comment comprenez-vous de tels désistements alors que la Présidente Mme Graham avait annoncé à l’avance qu’elle ne briguerait pas un quatrième mandat  ?

Mickelson THOMAS : Il est regrettable que des postes aussi essentiels n’aient pas pu être comblés. Toutefois, des mécanismes techniques existent pour procéder à une nouvelle assemblée élective. Les rumeurs, souvent alimentées par les médias, quoiqu’ils font leur travail, ne contribuent pas toujours positivement à l'évolution du sport. En tant qu’amant du volleyball, notre principal souhait est que ces postes soient rapidement occupés par des individus qualifiés, intègres et indépendants, non des pions ou des doublures, car le chantier qui attend la nouvelle équipe est colossal.

Toutefois, personnellement, je me réjouis qu’il ne s’agisse pas d'une reconduction, car, pendant douze (12) longues années, les astres ne se sont jamais alignés, pour, miraculeusement, transformer les anciens titulaires qui semblaient avoir un talent inégalé pour écarter tous ceux et celles qui, tout en étant simples rivaux sportifs, étaient perçus comme des menaces à cause de leurs divergences d'opinions.

 

Le National : Selon vous, en quoi le fait que l'équipe fédérale actuelle ait été contrôlée majoritairement par un Club spécifique a impacté les décisions stratégiques et le développement du volleyball au niveau national ?

Mickelson THOMAS :  Si d’aucuns estiment que la prédominance d'un club spécifique au sein de l'équipe fédérale a pu fausser certaines décisions, privilégiant des intérêts particuliers plutôt que le développement impartial du volleyball à l'échelle nationale, je crois que le vrai problème réside plutôt dans le non-respect des règles fondamentales de la loi-mère de la fédération. En effet, les statuts stipulent clairement qu'un dirigeant élu doit démissionner de tout poste qu'il occupait au sein de son club. Cette entorse aux règles a, sans aucun doute, eu un impact négatif majeur, créant des déséquilibres dans les décisions stratégiques, favorisant les performances, résultats ou le positionnement de ce club en particulier dans le paysage du volleyball national.

 

Le National : Comment expliquez-vous que le sud, malgré sa contribution significative à la production de talents dans le volleyball national, a semblé être négligé par l'ancienne équipe fédérale ? Quelles seraient les mesures à prendre pour garantir une prise en compte équitable de toutes les régions dans les décisions fédérales?

Mickelson THOMAS : Il est incontestable que les difficultés auxquelles fait face la Ligue du Sud, et les déboires de la Ligue de Petit-Goâve, sont la résultante de la vision étriquée de dirigeants qui n’ont pas su se hisser à la hauteur de leur fonction fédératrice.

Aussi, est-il impératif que les nouveaux dirigeants abandonnent leurs responsabilités au sein de leurs clubs pour assumer pleinement leurs rôles au sein de la FHVB; ce qu’aucun membre de l’ancienne équipe fédérale n’a eu la grandeur de faire ; se mettant en porte-à-faux avec les dispositions statutaires.

Ne devraient-ils pas être les premiers à veiller au respect de ces mêmes statuts?

Il en faudra davantage, certes, pour assurer, comme vous le mentionnez, une représentation équilibrée de toutes les régions dans les résolutions fédérales. Toutefois, ce sera un signal positif que la nouvelle équipe entend respecter les statuts qu’elle est tenue d’appliquer.

 

Le National : Quelle est votre analyse sur le contraste entre les succès sporadiques de l'équipe au niveau infantile et juvénile, et le manque apparent de réussite durable au niveau senior? Quels changements suggéreriez-vous pour améliorer cette situation?

Mickelson THOMAS :  Il est clair qu'une vision à court terme prédomine. Celle-ci, privilégiant, malheureusement, des victoires épisodiques aux échelons infantile et juvénile.

Il est évident que les pays de la NORCECA, qui nous font mordre la poussière régulièrement, réussissent à établir un lien logique entre les succès de leurs équipes infantiles et juvéniles, et la réussite durable au niveau senior, en investissant les ressources nécessaires en termes de moyens et de personnel.

Pour améliorer cette situation, il est impératif de développer une vision à long terme qui intègre tous les niveaux de jeu, en mettant en place les ressources humaines et financières adéquates pour assurer une transition réussie et une progression constante des jeunes talents vers le niveau senior.

 

Le National : Quels conseils donneriez-vous à la nouvelle équipe ?

Mickelson THOMAS : En m'adressant à Papouche d’abord, une figure emblématique, mon premier conseil serait de démissionner, s'il occupe actuellement un rôle au sein du club d’Atlanta. Papouche, tu te trouves à un carrefour important de ta carrière, et c'est un moment crucial pour démontrer un leadership authentique et tenter de rassembler la famille du volleyball.

En outre, je proposerais à la nouvelle équipe fédérale de mettre en place une commission de partenariats, afin d’enfin initier une franche collaboration avec l'État, en l’occurrence le MJSAC, avec en ligne de mire la mise en place d'une nouvelle Direction technique nationale (DTN); et par ailleurs, d'engager des discussions avec des acteurs du secteur privé pour nouer des partenariats financiers durables.

En tant qu'ancien et dernier DTN de la FHVB, j'ai laissé ( en 2010, je crois) un plan de développement fédéral dont le premier axe s’articulait autour de la réconciliation de la famille du volleyball – un volet qui semble avoir été, hélas, totalement occulté pendant les douze (12) dernières années – ce qui a abouti à l’inactivité de nombreux clubs de la capitale, l’évincement des compétitions régionales régulières de ligues telles celle de Petit-Goâve, du Sud et j’en passe.

La dégradation du niveau global de jeu est évidente dans toutes les catégories.

En parcourant les dernières entrevues des dirigeants, tous se sont trompés, en pensant que la FHVB peut promouvoir tous les aspects du volleyball avec les ressources dont elle dispose. IMPOSSIBLE ! Il est crucial qu’ils reconnaissent leurs limitations afin de définir une stratégie claire et réaliste pour l'avenir.

Oui, le moment est venu de déterminer l’orientation stratégique à donner à la trajectoire future du volleyball en Haïti, que ce soit en mettant l'accent sur le volleyball « traditionnel » ou le volleyball de plage, en standardisant les méthodes de pratique, en définissant le profil souhaité des joueurs et des joueuses pour les vingt prochaines années (âge, taille, la formation technique, etc.), en identifiant les catégories (jeunes talents, genre, etc.) à privilégier, en choisissant comment le pays souhaite être représenté sur la scène internationale, en définissant des approches de partenariats et de parrainages pérennes, parmi d'autres considérations.

Chacune de ces décisions aura des implications sur les ressources, le coaching et la formation. Et la direction future du volleyball national devrait être basée sur une combinaison d'analyses, de consultations avec toutes les parties prenantes, même celles ayant des positions différentes.

Mes propos, qui provoqueront peut-être quelques grincements de dents, ont le mérite d’ouvrir, d’ores et déjà, le débat sur l’orientation stratégique que devrait prendre le volleyball haïtien en prenant en compte le contexte local (insécurité, ressources limitées, etc.) ainsi que la configuration sportive régionale et mondiale.  

 

Le National : Votre dernier mot, M. Thomas ?

Mickelson THOMAS : Comment finalement ne pas souhaiter que la sécurité soit restaurée afin que le volleyball puisse se pratiquer sereinement et que les jeunes qui résident encore dans le pays aient la chance de s'adonner pleinement à cette discipline sportive !

 

Propos recueillis par Gérald BORDES

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