Crise haïtiano-dominicaine: comprendre le discours du Président Abinader en date du 17 septembre 2023

Le Président Abinader a, dans une allocution télévisée le dimanche 17 septembre 2023, d’une durée de huit minutes et 46 secondes, abordé de manière détaillée plusieurs aspects cruciaux liés à la crise entre la République dominicaine et Haïti, englobant des enjeux économiques, politiques et diplomatiques d'une grande importance.

Dans son allocution, le Président dominicain, Luis Abinader, a emmanché son discours en exposant la géographie de la rivière Massacre, soulignant sa signification cruciale pour la République dominicaine en tant que source vitale d'eau pour l'agriculture, tout en précisant, ingénieusement, qu'elle ne devrait pas être utilisée par les deux nations, bien qu'il s'agisse d'un cours d'eau international. Cette première partie du discours a permis d'établir le contexte géographique et économique de son intervention.

Dans une perspective de capter l'attention aussi bien de la population dominicaine que de la communauté internationale, le Président Abinader a présenté une analyse de l'évolution de la crise depuis 2018, en mettant en lumière la construction, qu'il considère illégale, d'un canal par des citoyens haïtiens à des fins d'irrigation. Il a insisté sur l'escalade de la situation en 2021 et sur l'échec des efforts diplomatiques pour résoudre cette problématique. Il est à noter qu'en 2021, une déclaration conjointe avait été signée entre le Secrétaire technique a.i de la Commission mixte bilatérale en Haïti, Madame Marie Andrée Amy, et le Secrétaire technique de la Commission Mixte Dominicano-Haïtienne, M. Julio Ortega Tous, autorisant la poursuite des travaux de construction de la prise sur la rivière MASSACRE. Cette seconde partie du discours s'est consacrée à une chronologie des événements, bien que l'intention semble être de brouiller les perceptions au niveau national et international.

Le discours s'est également attaché à expliquer que la fermeture de la frontière visait à préserver les ressources en eau, les terres agricoles et l'écosystème. Le Président Abinader a affirmé sa volonté de défendre les intérêts de la République dominicaine, tout en négligeant le droit des Haïtiens à utiliser cette ressource naturelle partagée. De plus, il a mis en évidence les problèmes d'instabilité en Haïti, résultant des activités de groupes insurgés. En d'autres termes, la troisième partie du discours exposait les motivations derrière la décision de fermer les frontières avec Haïti, en dépit des appels répétés émanant de commerçants, de personnalités politiques et de la société civile dominicains.

Le président Abinader a invoqué les traités internationaux, notamment le Traité de paix, d'amitié et d'arbitrage de 1929, pour justifier l'action de la République dominicaine. Cependant, on peut légitimement remettre en question cette référence aux instruments internationaux, étant donné qu'en pleine séance de négociation entre les deux parties, sur leur territoire, Monsieur Abinader a annoncé la décision de fermer ses frontières avec la République d’Haïti à partir du vendredi 15 septembre 2023, à 6 heures, sans notifier les autorités haïtiennes par l'entremise des moyens diplomatiques.

Ce comportement ne peut être interprété autrement que comme une volonté délibérée de transgresser les instruments juridiques internationaux, parmi lesquels figure l'Accord d’Amitié, de Paix perpétuelle et d’Arbitrage du 27 février 1935, signé entre Haïti et la République dominicaine, et également le Protocole d'Accord de 1936. La quatrième partie du discours s'est consacrée à une tentative d'approche juridique fondée sur le Droit international.

En ce qui concerne les mesures prises, le discours a détaillé les actions entreprises par la République dominicaine, telles que la suspension des visas, la fermeture des frontières, la construction de barrages et le renforcement militaire, jusqu'à la résolution du problème. La cinquième partie du discours s’est accentuée sur les mesures déjà adoptées.

Le gouvernement haïtien, dans un communiqué en date du 15 septembre, avait réitéré sa volonté de dialoguer avec la République dominicaine, tant qu'elle manifeste une réelle volonté conforme aux instruments adoptés. Cependant, avec de telles mesures provocatrices, qui sont maintenues, le Président Abinader semble avoir choisi la voie de la confrontation plutôt que celle de la résolution de la crise, malgré ses affirmations.

Le discours a également fait appel à la communauté internationale en soulignant que la solution définitive réside dans l'aide qu'elle peut apporter à Haïti, tout en rappelant que le problème haïtien ne peut pas être résolu par la République dominicaine seule. Cependant, à ma connaissance, Haïti n'a jamais sollicité une quelconque aide des autorités dominicaines. Au contraire, selon l'avis de nombreux observateurs, M. Abinader semble avoir utilisé la situation à des fins de stratégie internationale et électorale en vue d'une éventuelle réélection. La sixième partie du discours a été un appel à la communauté internationale.

Pour la septième et dernière partie de son discours, logique et compréhensible, M. Abinader a insisté sur la nécessité de défendre les intérêts du peuple dominicain. Mais, dans ce dossier en particulier, certains observateurs dominicains et étrangers peuvent s'interroger sur la manière et les méthodes utilisées.

En somme, le discours du Président Abinader a mis en avant une approche diplomatique fondée sur le respect du droit international. Cependant, cette approche semble en contradiction avec les pratiques sur le terrain, ce qui risque d'alimenter davantage le conflit pour une prise d'eau légale sur la rivière par Haïti. Le discours a mis également l’importance sur  la protection des ressources naturelles et la nécessité d'une intervention de la communauté internationale pour résoudre la crise entre les deux pays voisins. Il a également réaffirmé l'engagement envers la paix et la sécurité du peuple dominicain.

 

 

Witzer MESADIEU,

Pour le bien de la communauté.

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