L'Espoir d'un canal

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Depuis plus d'un mois, la percée d'un canal sur la rivière Massacre à Ouanaminthe défraie la chronique, tant sur le plan  national qu'à l'échelle internationale. En effet,  les Paysans de cette zone frontalière, coincés dans leurs activités agricoles et poussés par la précarité des conditions économiques, avaient décidé d'utiliser l'eau de cette rivière pour arroser leurs terres et pour tenter d'assurer la survie d'une agriculture moribonde, abandonnée à la merci des vents et des flots. Cette initiative si louable et si courageuse dans son objectif mécontenta certains Dominicains si bien que le Président Abinader, emporté par sa colère, se laissa aller à des propos peu souples à l'égard du Peuple haïtien. Et depuis ce moment fatidique, c'est le délire, c'est l'incontinence verbale, assortie de certaines considérations impulsives dans l'informel. Du côté des institutions formelles ,on observe un mélange du silence et de la réserve: la Presse s'agite dans le tohu-bohu des opinions mitigées, les partis politiques s'enferment dans un silence prudent, les leaders politiques sont en recul, le monde religieux se tait, l'Université disparait de la circulation, les chambres de commerce se font attendre, la Fédération des Barreaux hésite à se prononcer, la Police et l'Armée paradent aux yeux d'une population aguerrie contre la privation d'un Droit légitime.

En fait, l'évènement du canal montre clairement le je-m'en-foutisme des élites haïtiennes plus préoccupées des plaisirs du ventre et du bas ventre, plus sensibles à l'indolence qu'au travail, oubliant sans doute les conseils de ce vieux proverbe biblique " le Paresseux ne rôtit pas le gibier". Nos élites se révèlent incapables de saisir cette opportunité pour endiguer les dérives sociales et la débâcle économique qui s'affirme comme une véritable menace au fondement et à l'existence de la société haïtienne

. En l'espace d'un cillement, ce peuple laborieux, courageux et hospitalier a basculé vers le néant offrant l'image d'un ramassis d'individus heureux de trainer les pattes en guenilles dans les avenues d'une civilisation avides d'argent, mais en pannes de ressources humaines. Pourtant, il aurait fallu d'une once de patriotisme pour comprendre que l'affaire du canal sonne le glas à notre insouciance et interpelle notre conscience pour qu'enfin nous nous donnions la main au bénéfice du rapatriement de la fierté nationale par le travail, la Justice et l' éducation .

C'est donc le moment d'engager l' Université dans des activités de recherche pour dénicher les failles de notre système, les identifier, les corriger au profit d'une nouvelle organisation sociale qui ne serait pas étatique.

C'est aussi le moment pour le Collectif des barreaux des avocats, intrigué par l'échec d'une législation imposée depuis la mort de l'Empereur de monter la garde autour d'un audacieux projet de refonte des codes pour donner aux Cours et aux Tribunaux la taille d'un instrument de paix et de réconciliation entre les différentes catégories sociales divisées par des intérêts claniques. De ce fait , les colloques, les conférences et les échanges d'expériences juridiques auraient donné au Droit haïtien l'allure d'un instrument de protection à la production agricole et auraient ouvert la voie à un large champ de compétences jusque là ignoré des avocats.

C'est également, l'heure pour les Éducateurs en étroite collaboration avec les organisations religieuses de s'inspirer des principes bibliques pour harmoniser les vertus de la foi  avec les profondes aspirations du peuple haïtien.

C'est en outre l'occasion pour les chambres de commerce d'Haïti de parvenir à cette conclusion que le commerce est fils légitime de la production. Ce sont deux activités complémentaires, auxquelles s'appliquent les efforts d'un peuple pour la garantie et la jouissance de ses droits les plus élémentaires.

De ce fait, la percée de ce canal à Ouanaminthe est un signal clair de la volonté du peuple haïtien à reprendre le chemin du travail. C'est donc l'heure ultime pour la société civile ,les organismes de défense des droits humains d'accueillir ce flambeau pour qu'à travers l'élaboration d'une  nouvelle Constitution débarrassée de ses scories discriminatoires et exclusivistes, le pays puisse retrouver la voie de sa libération.

Tout cela ne sera possible que grâce à la volonté des couches laborieuses garrottées par le sentiment de se retirer du bourbier.

Ce rêve associé à d'autres projets similaires risque de s'engloutir dans les confins d'une organisation étatique, mais deviendra une réalité dans l'encadrement d'un projet soutenu par des bras vigoureux, déterminés à orienter le pays vers sa vraie destination à la lumière d'une alternative nationale.

 

Me François Louis, Avocat

Cap haïtien 3 Octobre 2023

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