Les déboires et difficultés que connaît notre pays aujourd’hui ne doivent surtout pas nous faire oublier qui nous sommes et les sacrifices consentis par nos pères pour que nous, leurs arrières petits-enfants, puissions naître libres, en dehors des chaines physiques de l’esclavage et de la déshumanisation. Il nous faut donc, au contraire, sacraliser ces dates mémorielles pour, à chaque fois, comme dans un rituel, réfléchir non sur les mythes d’origine, mais sur les faits et l’histoire réels qui ont permis aux esclaves, insoumis d’alors au joug colonial, de se libérer pour reconquérir leur humanité.
« Liberté ou la mort, en avant! » Cette phrase célèbre de François Capois dit Capois la mort résume, à elle seule, l’engagement et la détermination de ces valeureux soldats à tout miser dans cette ultime bataille épique. Avec raison, car la défaite n’était pas une option et le retour au statu quo ante inimaginable, impensable! On comprend donc le courage et la bravoure avec lesquels l’armée révolutionnaire des esclaves révoltés s’est battue à Vertières le 18 novembre 1803. Une bataille décisive pour elle, celle qu’il fallait à tout prix gagner. En Capois, le Général Dessalines avait trouvé le lieutenant idéal qui symbolisait à la fois leadership, courage et bravoure pour galvaniser l’ ardeur des soldats et les conduire à la victoire qui devrait, dans un premier temps, déboucher sur la liberté et sur l’indépendance et dans un second temps, favoriser, comme une suite normale et logique, la dignité et l’émancipation de l’être haïtien. Aguerri certes, mais heureux et soulagé de recouvrer enfin son humanité et sa fierté confisquées pendant trop longtemps.
Ils ont donc, ces esclaves et fils d’esclaves, ouvert la voie aux générations futures et Vertières dans le temps et dans l’espace a été un moment clé qui doit représenter pour nous à la fois un espace, un temps et un symbole de ressourcement et de mémoire.
De l’indépendance qui a suivi cette journée glorieuse, où en sommes- nous dans la quête collective de dignité, d’émancipation dans une société plus juste, libérée des contraintes physiques de l’esclavage, initiée par les ancêtres? Comment nous inspirer des valeurs que Vertières nous a léguées pour, aujourd’hui, organiser et créer la vie pour tous, concrétisant ainsi le rêve Dessalinien de liberté et de justice sociale pour que tous ceux qui avaient versé leur sang aient droit à l’héritage?
L’héritage, les valeurs, l’histoire sont des biens immatériels et des repères pour nous rappeler que notre salut à tous dépend de notre capacité à nous unir, à nous battre pour poursuivre et continuer la lutte: la lutte pour la conquête de notre dignité pour notre émancipation à tous. Comme peuple et comme êtres humains à part entière!
Il nous faut donc nous entendre et nous organiser, cette fois-ci pour de bon, pour assumer, de manière responsable, notre héritage et nos valeurs, les faire réellement nôtres pour que nous puissions « marcher la tête altière et hauts les fronts »
C’est notre défi à nous tous comme êtres humains d’ abord, Haïtiens ensuite et comme société enfin.
Sommes- nous à la hauteur, prêts à consentir les sacrifices nécessaires pour mériter à la fois de l’estime des générations futures et de celles qui nous ont précédées en relevant le défi d’offrir aux Haïtiens et aux Haïtiennes une meilleure qualité de vie?
Serions-nous enfin capables de transcender nos contentieux historiques et récents pour, avec les hommes et les femmes de bonne volonté, nous réconcilier et recréer les liens? Liens qui nous permettront, ensemble, de regarder l’avenir avec plus de sérénité pour nous engager fermement avec la détermination d’un Capois la mort pour le combat de la renaissance et la reconstruction de notre pays? En un mot, comment arriver à concrétiser les aspirations légitimes des Haïtiens et des Haïtiennes à vivre en paix et dans la paix en toute sécurité et dans la dignité retrouvée, bref passer du rêve à la réalité?
Novembre 2023,
Samuel E.Prophète
