Corriger l’incorrigible

Ce texte retrace l’histoire triste d’un incorrigible jeune homme qui mène une existence particulièrement très mouvementée dans une petite ville de province très retirée de Port-au-Prince .  Il se croyait invulnérable même dans « le mal qu’il faisait très mal. » De par son train de vie de patachon au quotidien, et vu aussi de son pouvoir politique émanant d’un ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement de transition permanent, le rusé personnage pense qu’il peut tout. 


Il était un fieffé menteur qui refusait de s’acquitter de ses dettes aussi bien que d’autres obligations. De par ses influences en tant que représentant du gouvernement de Port-au-Prince, aussi, il était impliqué dans presque toutes les combines politiques et économiques de la ville.  


Comme il n’était pas un homme de parole, exemple classique de presque tous les politiciens dans l’opposition pour des positions, il disait une chose aujourd’hui et en faire une autre tout à faire contraire le lendemain. Et selon un paysan respectueux de la zone, il était plus menteur que le dernier candidat qui était en campagne pour la mairie de la commune lors des dernières élections d’un CEP de coquins.

 

Ajouté à tout cela, il était aussi sans respect pour les femmes et filles des notables de la zone. Et c’était là son grave problème. Il se croyait capable de courir après toutes les jupes, courtes, longues, même celle de la maitresse d’un ancien prêtre défroqué de la paroisse locale.


Et selon un journaliste très connu d’une station de radio à grande écoute dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, il avait ce même problème et même plus grave lorsqu’il était au ministère de l’Intérieur.  Il était sur tous les fronts.  

 

Il était l’homme de tous les scandales et de corruption. Sortant d’une affaire de faux passeports avec un ancien diplomate haïtien et de cargaisons d’armes et de munitions avec des bandits, il était toujours au-devant de la scène. Là n’était pas un problème, puisque c’est un État en mauvais état dirigé par des dirigeants corrompus. Donc il était plus que normale de se mêler dans toutes sortes de combines et de malvervastions.  C’est ça, la marque fabrique de presque tous les politiciens haïtiens.  

 

Mais il y avait plus que ça.  Dans ce pays on ne fait pas des yeux doux à la femme ou aux maitresses des autorités politiques. Et comme ce jeune homme ne respectait absolument rien, ainsi il avait traversé une ligne rouge qu’il ne devait pas traverser sous aucune forme. Ce qui avait expliqué son transfert loin de Port-au-Prince, la capitale.

 

Il était dû au fait qu’il draguait sans relâche la femme d’un puissant directeur général du ministère des Affaires étrangères aussi bien de la jeune et jolie maitresse préférée d’un ancien inspecteur général de la Police nationale. Et lorsque ce dernier avait appris que sa jolie minou sortait avec un subalterne du ministère de l’Intérieur, ce vieux avait failli fait une crise cardiaque. 

 

Heureusement pour lui, vu des privilèges répondant à sa disposition et de l’argent des contribuables dans les caisses de l’État, il était allé immédiatement en République dominicaine pour prendre des soins que nécessitait  son cas.  C’est ce qu’on appelle: pouvoir politique, amour, sentiment, jalousie dans les institutions étatiques. 

 

Bref. C’était ce tombeur de femmes de toutes les couleurs, âges et classes sociales qui, un beau matin au mois de juillet, allait faire une rencontre pour qu’il soit, de son état incorrigible, devient définitivement corrigible.  

 

C’était spécialement à l’occasion de la fête patronale de la commune. Ce jour-là, le beau parleur croisait dans un restaurant de la place une fille qui, de par sa beauté naturellement rayonnante, apparemment, ressemblait à Choucoune la belle marabou dont parlait Oswald Durant dans son texte. Au point que plus d’un pensait qu’elle était la petite fille de Choucoune.

 

En réalité, en termes de lien de parenté, cette demoiselle n’avait vraiment rien à voir à Choucoune, la marabou de Durand. N’empêche, elle était si belle, de jeunes gens de la zone aimaient l’appeler marabou. Pendant que ceux de son école, pour nuancer un peu plus dans leur admiration, elle la faisait croire qu’elle était bien plus belle que Choucoune.

 

C’était cette jeune fille à la beauté d’un marabou dans la corpulence de Choucoune qu’avait rencontré le jeune homme incorrigible. Comme dans le corbeau et le renard de Jean Lafontaine, le flatteur incorrigible, dans son éloquence avait, par enchantement, trouvé des mots justes pour berser la jeune fille. 

 

C’est ainsi après le simple bonjour, pour montrer sa riche connaissance de la littérature haïtienne, il disait à la fille, il pensait que Choucoune, la marabou dont parlait Oswald était sa mère. Et si c’est le cas, en terme de beauté et d’élégance, elle a complètement dépassé sa mère.

 

Flatté par les mots gentils du jeune homme, timidement, la jeune fille esquissait, sournoisement un sourire. De la, quelques minutes après, ils étaient assis sur une table près d’une fenêtre donnant sur la cour d’un petit jardin du restaurant. Entre-temps, pendant qu’ils dégustaient les meilleurs plats de ce bistrot, tout en respirant le doux parfum des fleurs du jardinet, ils échangeaient des mots. 


Avant de se séparer, dans un faire-semblant de se laisser emporter par le charme du beau parleur, la jeune fille déposait un baiser passionné sur les joues de l’incorrigible jeune homme. Ce qui laissait l’impression au coureur de jupe qu’il avait déjà conquis le coeur de la jeune fille.

 

Mais au fond, comme dans le film « 1/2 player » de Reginald Cangé, chanteur vedette de Zafèm, c’était un coup monté. Trop bien monté même contre le coquin, l’incorrigible jeune homme. À malin, malin et demi.

 

Après quelques jours, voir des semaines de romance sous les manguiers près d’un ruisseau ou chantaient les rossignols, « marabou-choucoune », demie sœur de la femme du coureur de jupe, et fille d’un réputé houngan de la zone, faisait semblant d’être enceinte. 

 

Là, comme le Renard pris au piège dans le tableau réalisé par le peintre français Gustave Courbet en 1860, l’incorrigible n’avait d’autre choix que de rencontrer le père de la fille dans leur perestil pour parler et discuter de cette grossesse.

 

Après plusieurs heures de conversation, le père de la fille exige que l’incorrigible se marie avec sa fille.  Ce qui n’était pas possible. Puisque ce dernier était un homme marié et père de plusieurs enfants.  Donc on le mettait face à ce dilemme pour forcer ce tout puissant représentant de l’État à quitter amiablement la ville. 

 

Indécis, pensif, soudain le jeune homme qui était souvent si bavard, devient subitement très silencieux. Il ne sait quoi répondre au père de la fille. Comme le temps passe, pour clôturer la rencontre, avant de se retirer, le père dit au jeune homme: ou a deside koman ou vle rantre legliz. Kouche ou byen kanpe.

 

Après cette rencontre avec le père de la jeune fille, pris de panique, l’incorrigle était allé visiter un houngan dans la commune la plus proche. Ce dernier (oncle du prêtre défroqué), conseillait au jeune homme de tous les vices, de quitter la zone le plus rapidement que possible.

 

Comme il ne savait pas que sa femme était déjà au courant de ses relations amoureuses avec « marabou » et ce qui définitivement l’attendait à Port-au-Prince, sans se poser de questions, il suivait les conseils de sagesse du houngan.   

 

Ainsi, sans faire de bruit, pour ne pas attirer trop d’attention, au beau milieu de la nuit, l’incorrigible avait quitté la ville. Et il était aux environs de 4 heures du matin quand il était arrivé chez lui à Port-au-Prince.  

 

À sa grande surprise, pendant que les enfants dormaient, sa femme était dans la chambre à coucher avec le voisin. Ce dernier était un ancien honorable qui, de par leur implication dans toutes sortes de magouilles, était très déshonorable au Bicentenaire.    

 

Et c’était pour venger de l’infidélité de son mari avec sa demi-soeur que sa femme avait accepté de devenir la maitresse de ce parlementaire corrompu qui lui était un opposant de l’incorrigible, durant, pendant et après la mouvance politique de 1986.        

 

Enfin, pour cet incorrigible qui se prend toujours pour un habile coureur de jupes, rusé dans ses démarches et ingénieux dans le mal, tel est pris qui croyait prendre. Le mari incorrigible est censé corriger par une femme avec de graves vices.

 

Esau Jean-Baptiste

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