Engagement

Déjà deux siècles et vingt (20) années que les Haïtiens avaient proclamé à la face du monde et de l'Univers leur rejet de l'esclavage et de la servitude en choisissant LA LIBERTÉ. Une lutte pour la liberté qui a abouti à l’indépendance et à la possession effective de cette terre d'accueil qu’est Ayiti, cette mère nourricière et généreuse! 

220 ans après, où en sommes- nous dans la préservation et la transformation de l'héritage légué au prix de sacrifices par nos ancêtres? Qu'avons- nous fait de cet esprit de sacrifice ultime, du don de soi pour que nos enfants et petits enfants puissent vivre libres et dignes dans un pays souverain?  

Il semble que nous avons perdu sinon oublié les repères qui avaient permis aux Pères Fondateurs de se mettre ensemble pour s'engager dans la bataille pour la libération de l'esclave visant à lui redonner son humanité et sa dignité confisquées et bafouées. En ce sens, plus que tout autre peuple à travers la planète, nos ancêtres ont été des pionniers dans la lutte pour les droits humains et Dessalines, bien avant Lénine, disons- le, haut et fort, a été le premier des socialistes. 

On doit aujourd’hui se poser des questions si on veut remonter la pente: comment ce pays, avec son armée de va- nu -pieds, avait-il pu réaliser cet exploit d’avoir été, à travers la geste de 1803 suivie de la proclamation de l’indépendance, une lumière parmi les nations ?  

Comment arriver à comprendre aujourd’hui que les petits - fils et arrière petits - fils de ceux qui avaient favorisé la traite et l' esclavage soient ceux-là qui nous fassent la leçon sur les droits humains comme pour sous - entendre que la révolte des esclaves serait quelque chose d'émotionnel, qu' il lui aurait manqué une certaine substance constructive, organisationnelle même? La question reste ouverte dans la mesure où le parricide de 1806, deux ans après l'indépendance nous a laissés avec une  impression de symphonie inachevée, pourtant très bien orchestrée et bien exécutée.  Serait- ce là, la source de nos malheurs? Notre faute originelle qui expliquerait notre incapacité depuis à nous entendre sur l’essentiel dans l’intérêt de la patrie commune?  

L' échec des récentes négociations sous l' auspice de la CARICOM entre ceux qui se perçoivent, à tort ou à raison, comme faisant partie de l' élite politique donne à réfléchir à la veille de la commémoration de l'indépendance d' un pays qui, entre temps, a perdu de fait sa souveraineté et sa capacité à décider de ce qui est bien pour lui-même et pour ses habitants. C'est à se demander si nos ancêtres ne sont pas en train de se retourner dans leurs tombes. Tous les sacrifices qu’ils ont consentis auraient-ils donc été inutiles? Quel gâchis ce serait!  

Deux ans et demi depuis l'assassinat du Président que le pays s'enlise dans la crise et qu'on semble avancer à reculons vers une issue en espérant que le temps et l'usure finiront par nous imposer une solution. Comme si nous étions des spectateurs indifférents et impuissants à notre propre malheur et notre propre déchéance. Les crises sont faites pour être résolues à travers la réflexion, l'imagination, le dépassement de soi et l'action concertée, collective. En serions- nous tous dépourvus? Si la réponse est non, il est grand temps que chacun, chaque groupe en ce qui le concerne s’approprie à nouveau la chose publique pour dynamiser la réflexion et favoriser l'éveil de la conscience collective pour demander des comptes à notre élite politique sur l'état de la nation, leur responsabilité dans la débâcle actuelle. L’occasion idéale pour tous les acteurs concernés, passés et présents, sans faux fuyant, de donner une réponse articulée et une parole authentique qui pourraient nous aider enfin à comprendre pour mieux les analyser les véritables causes de notre descente aux enfers.  

Si à l'époque du système esclavagiste, le fusil et le canon étaient les armes de choix pour lutter contre la violence et l'injustice, aujourd’hui, à la veille de nos deux cent vingt ans d’indépendance, il nous revient de faire de la pensée et du dialogue constructif nos armes de prédilection pour recouvrer notre dignité et notre souveraineté perdues et piétinées.  

Sommes- nous prêts à parler pays, nation, héritage sans arrogance et en toute humilité pour écouter ce que l'autre a à nous dire, ce que nous pouvons apprendre de lui pour avancer et construire ensemble, ne serait- ce que pour éviter les erreurs de 2004?  

Et si nous prenions la résolution collective de faire de 2024 l'année de notre régénération et de notre renaissance durant laquelle nous nous engagerions à transcender nos différends et nos contentieux historiques pour qu'enfin nous commencions à nous atteler à la tâche sacro- sainte de la préservation de l'héritage avant de la remettre transformée aux  générations futures? 

 L'urgence est dans le dialogue pour réaliser ou refaire l'union sacrée dans la diversité pour identifier et défendre nos intérêts pour le plus grand bénéfice de la nation affaiblie, meurtrie. 

 Kot sa nou pa ka fè la?  Oswa kisa ki anpeche nou pale pou nou vanse ansanm? li lè li tan pou nou soti nan lojik m pap kite pou wou se wou k pou kite pou mw. Moun ap mouri. Peyi an ap kraze!  Eritaj la ap depafini. Eske se sa nou vle? 

Kòmkwa nou pa moun ankò? 

 

 26 Décembre 2023, 

 Samuel E. Prophète 

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