Kenscoff, sa mise en tourisme à partir des forts Jacques et Alexandre dans une dynamique de développement local

À travers le monde, le tourisme est un secteur très prisé dans le processus de développement, car il permet de renforcer l’économie des pays développés en permettant à ces pays de devenir attrayants sur le plan international (Boualem et al., 2018). Cette pratique, appelée touristification, est d’abord un processus permettant de créer un lieu touristique ou de transformer un ancien lieu par le tourisme en aboutissant à un lieu touristique.[1] Ce processus a une dimension idéologique et politique au regard de l’histoire, alors que la mise en tourisme a été appréciée du point de vue scientifique que récemment (Boualem et al., 2018). En dehors des autres critères, la mise en tourisme peut se faire à travers le tourisme mémoriel qui est une facette singulière des activités touristiques, dans lequel les dimensions historiques priment sur celles des divertissements.[2] Car, la mémoire est la forme du passé dans le présent qui maintient l’identité des groupes sociaux, elle est donc la gestion et l’administration du passé dans le présent, selon Pierre (1996), cité par Lavabre (1998). C’est ainsi que (Halbwachs, 1950 : 5) a écrit « quand nous revenons en une ville où nous avons été précédemment, ce que nous percevons nous aide à reconstituer un tableau dont bien des parties étaient oubliées ». En Haïti, il existe bien des éléments de la mémoire pouvant gérer et administrer le passé dans le présent, particulièrement à Kenscoff. Car il existe des sites qui ont une forte dimension historique et mémorielle dans cette commune. Il s’agit en premier des forts Jacques et Alexandre. Ils ont ces dimensions du fait qu’ils fussent érigés dans un contexte historique qui retient particulièrement l’attention de chaque Haïtien et tous les antiesclavagistes et anticolonialisme en général. D’ailleurs, fort Jacques fut construit tout de suite après la proclamation de l’indépendance d’Haïti, sous les instructions de Jean Jacques Dessalines dans l’objectif d’abriter la toute jeune nation libre contre d’éventuelles attaques des colons français (ISPAN, 2009). Quant à fort Alexandre, il fut construit dans une perspective pour renforcer et consolider fort Jacques dans sa position stratégique, qui paraît très vulnérable sur le flanc Sud-Est.[3] Aujourd’hui, en dépit de la valeur mémorielle et touristique des forts Jacques et Alexandre que confère leur caractère historique, ils n’ont pas fait cas d’un bon traitement puisqu’à l’intérieur du site l’insalubrité n’est exempt, pas d’entretien et manque de contrôles et de mesures adéquates.[4] D’ailleurs à fort Jacques, suivant des commentaires peut-on lire sur les réseaux sociaux, les guides ne sont pas identifiés et agressent les visiteurs, pas d’accueil des visiteurs, les routes intérieures sont en mauvais état, etc.

 

Or ces monuments historiques, de par de leurs potentialités touristiques,  pourraient représenter une véritable opportunité économique pour la commune de Kenscoff. D’ailleurs, ils représentent un capital culturel et social pour la communauté. Selon Callois (2004 : 17), « dans la littérature sur le capital social, les facteurs sociaux peuvent avoir un impact sur les phénomènes économiques. Ainsi l’existence dune forte identité locale, héritée d’un passé lointain, peut avoir des effets positifs sur les incitations économiques actuelles ».

En dépit de ce que représentent forts Jacques et Alexandre, ils paraissent peu importants pour les dirigeants et donc sous-exploités. Ainsi, s’avère-t-il intéressant de poser cette question : comment pouvoir mettre réellement en tourisme la commune de Kenscoff à partir de ces patrimoines historiques (forts Jacques et Alexandre), tout en concentrant le processus sur le tourisme mémoriel, afin de les mieux exploiter ?  

Tentant de répondre à cette interrogation, en terme d’objectifs, des idées et stratégies sont proposées dans la partie réservée aux analyses et réflexions. Les idées proposées tentent donc de remettre les forts Jacques et Alexandre dans leurs dimensions de ressources endogènes, sur lesquelles peut capitaliser le processus de transformation de la commune de Kenscoff.

 

Approche méthodologique

 

En terme de méthodologie, une investigation documentaire a été réalisée et un certain empirisme a été pratiqué. C’est-à-dire des documents (articles, rapports, etc.) ont été consultés pour pouvoir mieux nous instruire sur des théories relatives au tourisme de mémoire, la mise en tourisme. Cette forme d’investigation nous permet aussi de renseigner sur forts Jacques et Alexandre et Kenscoff en général. Mais en réalité, les écrits existants sur fort Jacques et Alexandre sont très rares, donc de faibles connaissances sont accessibles sur ces patrimoines. Il en est de même pour la commune de Kenscoff. Néanmoins, en premier lieu, ce sont des recherches sur le moteur Google qui ont été privilégiées. En second lieu, les réseaux sociaux (des pages des institutions qui s’investissent dans le tourisme) ont été explorés. Ils ont été explorés dans l’objectif de pouvoir prendre connaissance de l’appréciation de ceux qui ont visité les monuments, à travers leurs commentaires. En même temps, des connaissances pratiques ont été aussi utilisées (un certain empirisme). D’ailleurs, j’ai une bonne connaissance de la commune ainsi que des sites intéressés (forts Jacques et Alexandre), parce que j’ai travaillé dans la zone pendant l’année 2018 comme agent de crédit agricole pour une institution microfinance. Pendant cette période, j’avais l’habitude de fréquenter la commune de Kenscoff au moins trois fois par semaine et pénétrer les sites de très souvent. Lors de ces moments, quelques fois j’avais pris du temps pour observer les mouvements des visiteurs sur le site, le traitement de l’espace, de comprendre l’organisation de l’espace, etc. Ces connaissances me servent dans le cadre du travail afin d’émettre les réflexions et les analyses en ce qui concerne la mise en tourisme de la commune de Kenscoff à partir des forts Jacques et Alexandre.

Une idée de Kenscoff

 

Kenscoff est située à plus de 2.000 mètres d’altitude, elle est la commune la plus en pente et montagneuse du département de l’Ouest. Grâce à sa position, à quelques endroits, elle offre une large vue sur la baie de Port-au-Prince et sur la plaine du Cul-de-sac (Mairie Kenscoff, 2008). Sa température oscille entre 15 degrés Celsius en février et 18 degrés Celsius en septembre, avec un gradient température de 0,75 degré Celsius par 100 m.[5]

La production du café et des légumes représentent les principales activités économiques traditionnelles de la commune,[6] alors qu’elle est réputée pour sa richesse artistique. Cependant, la commune n’a qu’un musée et aucune salle de théâtre.[7] Les artistes et artisans de Kenscoff se regroupent au sein du comité des artistes et artisans d’art de Kenscoff et le mouvement Saint-Soleil. Pour faciliter l’émergence des artistes, un centre d’initiatives communal a été créé dans la commune par le groupe d’action francophone pour l’environnement (GAFE). Ce centre rassemble une bibliothèque, un centre multimédia, un office de tourisme, un comptoir d’artisanat, des salles de réunions, etc. C’est « un espace de démocratie et d’expression culturelle ».[8]

À Kenscoff existent deux fêtes patronales très populaires. Il s'agit de Saint-Jacques à Fermathe le 26 juillet et Saint Nicolas le 6 décembre au centre-ville. Le catholicisme reste dominant dans la commune, mais cela n’empêche pas de rencontrer des dizaines de péristyles dans les sections communales ainsi que quelques bandes de rara (Mairie Kenscoff, 2008). Cette commune, de par de sa richesse, représente un intérêt capital concernant le développement touristique. Car parmi les territoires qui représentent des intérêts pour le développement de réseaux d’écotourisme, d’ethnotourisme et de tourisme d’aventure en Haïti, Kenscoff y figure pour ses cultures, ses paysages et ses monuments historiques (MPCE, 2012).

D’ailleurs la section communale Belle Fontaine (commune de Kenscoff) possède plusieurs grottes, sans compter Wynne Farm qui est une réserve écologique et qui offre des services écotouristiques dans la commune (Mairie Kenscoff, 2008), alors que les forts Jacques et Alexandre se trouvent dans cette même commune. Ces forts sont situés à 1300 mètres d’altitudes (ISPAN, 2009). Ils sont des infrastructures de défenses qui avaient permis de contrôler quelques zones aux alentours de Kenscoff. C'est le cas de Port-au-Prince, la plaine du cul-de-sac, Croix-des-Bouquets, etc. Ils avaient aussi permis d’établir des communications avec le fort Drouet à l’Arcahaie (ISPAN, 2009). Ces forts fussent érigés après l’indépendance d’Haïti. Ils se trouvent classés au rang de patrimoine national suivant un arrêté présidentiel du 23 août 1995. Et cette même année l’État haïtien créa le Parc National Historique des forts Jacques et Alexandre d’une superficie d’environ 9 hectares (ISPAN, 2009). Cependant, ces sites historiques n’ont pas une grande signification pour les habitants de ses environs. Car selon une enquête menée par Jean Robert Exantus (2020), pour les habitants qui habitent aux environs des forts, 20  %  croient que ce site représente un symbole historique, 37 %  estiment que ce sont des espaces de divertissement et 41 %  affirment que ce site ne représente rien pour eux.[9]

Fort Alexandre, son architecture est décrite suivant un schéma carré, en ce sens il comprend quatre bastions. Certes ce monument n'a pas été achevé, mais il a quand même obéi aux normes de l’art fortifié du XVIIIe siècle (ISPAN, 2009). S’agissant de fort Jacques, il a une forme irrégulière et respecte les mêmes normes de construction que fort Alexandre. Dans la collection des bouches à feu de ce fort, un canon en fonte provenant de l’Angleterre est remarqué. Fort probablement il faisait partie d’un important parc d’artillerie que les Britanniques ont obligé de délaisser après leur défaite devant l’armée louverturienne, et que bénéficie Haïti lors de son indépendance (ISPAN, 2009). Suite aux travaux d’aménagement réalisés par l’ISPAN, fort Jacques devenait le monument le plus visité de la région métropolitaine de Port-au-Prince, à cette époque. Il a été surtout visité en période de vacances et à l’occasion des fêtes patriotiques, précisément les 18 mai et 18 novembre. Près de 10 mille jeunes avaient l’habitude de se rassembler à fort Jacques lors de ces périodes (ISPAN, 2009).

Comme étant un espace qui représente un intérêt particulier pour le tourisme, à Kenscoff il n'existe pas mal d’infrastructures touristiques adéquates. Il s’agit entres autres de Le Montcel à Belot, Village en montagne à Fermathe, le Florville au centre-ville, la mission Baptiste à Fermathe qui sert de lieu de réunion des artistes peintres du mouvement Saint-Soleil, etc. (Mairie Kenscoff, 2008).

Analyses et réflexions proposées

 

D’après Dewailly (2004) dont fait référence Boualem et al. (2018), la mise en tourisme comprend trois phases. C’est d’abord  la cristallisation ou concentration des flux sur l’espace historique. Ensuite, la diffusion et la valorisation des autres espaces touristiques autres que les espaces centraux et la mise en réseaux des différents acteurs. Enfin, l’offre thématique des lieux qui met en valeur la population et le territoire. Notre proposition sur la mise en tourisme de la commune de Kenscoff se base sur ce modèle en appliquant les trois étapes évoquées. Ce processus s’effectuera à travers un ensemble d’opérations qui doivent permettre d’attirer des visiteurs locaux et étrangers sur le site principal et vers d’autres sites touristiques de la commune, dans l’objectif de les satisfaire de l’offre touristique.

Le plan proposé implique différentes institutions et acteurs dans le processus de la mise en tourisme de Kenscoff. Il s’agit de la mairie, le ministère du Tourisme, les hôteliers, les restaurateurs, les producteurs agricoles, les producteurs culturels et artistiques, les habitants du Parc, les commerçants, etc. Cela exige un comité de développement touristique dans la commune. Le comité sera coordonné par la mairie de ladite commune, mais sous la direction du ministère du Tourisme, suivant un partenariat.

Redynamiser le Parc National Historique des Forts Jacques et Alexandre

 

Cette opération a pour objectif de donner une autre allure au Parc afin de revaloriser les monuments historiques. Dans le processus de la redynamisation de l’espace, un ensemble de décisions est nécessaire. D’abord au point de vue infrastructurel, construire un bloc administratif sur le Parc logeant des différents bureaux qui desservent les visiteurs se révèle intéressant. Ce bloc administratif comprendra un bureau de la sûreté et de la sécurité responsable la sûreté des touristes, un secrétariat pour recevoir et répondre les correspondances, requérir les doléances, etc., un bureau des opérations pour la gestion des activités sur le Parc et un bureau de direction pour la coordination du Parc, entres autres.

Ensuite, réaménagé le tronçon route qui amène vers les forts ;  améliorer les routes internes afin de permettre mieux la circulation des visiteurs et les rendre accessibles aux personnes handicapées. En plus, faire des réparations dans les monuments (les forts) sans les faire perdre leur originalité, réaliser des fresques murales à caractère mémoriel à l’entrée des forts. En même temps, ériger les statues de Jean Jacques Dessalines et d’Alexandre Pétion à l’entrée des forts respectifs ;  mettre en place un service d’accueil des touristes ; et baptiser les forts du nom « Les gardiens de la liberté ». Ces travaux peuvent attirer l’attention de plus d’un. Quant aux statuts de ces héros, ils sont nécessaires parce que les monuments (les forts) sont leurs œuvres. Ces œuvres ont une valeur mémorielle du fait qu’ils (les forts) représentent tant une mémoire individuelle qu'une mémoire collective. Car selon Huys et Denis (2014), une œuvre représente la mémoire individuelle parce qu’elle rappelle ceux ou celles qui la produisaient, alors qu’elle est collective du fait qu’elle manifeste une sorte de mémoire vivante des cultures que l’empreinte évoque toute sa puissance.

Cependant l’espace doit-être également réorganisé du point de vue sécuritaire. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un dispositif de sécurité qui comprendra les forces armées d’Haïti (FAd’H), la police nationale d’Haïti (PNH) et des gardes du Parc. En ce sens, des bases militaires pourraient implanter à quelques 300 à 400 mètres autour des forts dans le Parc, dans des endroits stratégiques. Cette distance c’est pour ne pas intimider les visiteurs. Les militaires seront là non seulement pour protéger et sauvegarder les infrastructures militaires du Parc, mais elles symboliseront également l’idéal des forts, protéger et défendre le territoire. À cela, ajouter une poste de police sur le Parc, particulièrement de l’unité de la Politour, c’est-à-dire des policiers spécialisés dans la protection et l’accompagnement des touristes. Ces policiers seront là eux-mêmes pour garantir l’ordre dans le Parc, protéger et rassurer les visiteurs. Enfin, dans la dynamique sécuritaire, faudra-t-il des gardes attachés du Parc relevés du ministère du Tourisme. Ces gardes contrôleront non seulement les points de visites, surveilleront sur les monuments, les outils et matériels disposés dans le parc afin de ne les pas dégrader par les visiteurs, mais aussi ils assureront la sûreté des visiteurs. De cette manière, les gardes du Parc feront office des agents de sûreté. Toujours dans la perspective sécuritaire, il est un impératif d’avoir un système de communication reliant les différents points et services pour faciliter la circulation des informations sur le Parc. Ces dispositifs sécuritaires, de sûreté, de protection et communicationnelle, en plus qu’ils donneront l’idée déjà qu’il y a quelques choses de précieuses à garder ici, cela donnera le désir de pénétrer aux individus, ils mettront aussi en confiance les visiteurs sur le site.

Au point de vue hygiénique et sanitaire, des blocs sanitaires doivent être construits dans un espace réservé sur le site, garder l’environnement des forts dans la propreté en permanence. Dans la même logique, mettre en place une infirmerie équipée d’une ambulance et qui fonctionnera au quotidien de 8 h AM à 4 h PM. Cette infrastructure sanitaire aura une infirmière, plusieurs secouristes et des personnels de soutien. Ces personnels de santé permettront de donner du secours et les premiers soins aux visiteurs nécessiteux lors des visites.

Au point de vue psychothérapeutique, instituer des pratiques sylvothérapeute dans le Parc au profit des touristes. Lorsque les touristes viennent visiter les monuments, ils auront la possibilité de faire la sylvothérapie sur le site puisqu’il y a pas mal d’arbres là-bas. Pour cela, il faut former des entraîneurs pour accompagner les touristes dans la pratique. Cependant, il est exigé que les entraîneurs parlent l’espagnol, l’anglais et le français.

 

Pour l’alimentation des touristes sur le site, implanter un service de restauration qui dessert les visiteurs majoritairement avec des produits locaux, c’est-à-dire ceux du terroir. Cette stratégie permettra de supporter la production agricole locale et nationale. Le service de la restauration peut-être offert par un opérateur privé, mais sous l’autorisation de fonctionnement délivrée par la direction du Parc, suivi d’un contrat de location d’espace. Néanmoins, des inspections régulières doivent réaliser par la direction du Parc afin de s’assurer que les nourritures sont préparées et conservées suivant des normes et conditions acceptables, dans l’objectif de garantir la sûreté des visiteurs dans leur consommation.

 

En dernier lieu, mettre en place un service de transport des touristes sur le Parc. Des chauffeurs guides se feront inscrire dans ce service. Les chauffeurs guides transporteront les touristes dans d’autres sites et d’autres espaces à Kenscoff, au cas besoin des touristes.

Mise en place des outils interprétatifs et des structures de transmission des valeurs mémorielles des forts Jacques et Alexandre

 

À première vue, il est essentiel de former une promotion de guides touristiques pour divulguer des connaissances historiques aux visiteurs sur les monuments, le lieu et aussi bien accompagner les visiteurs. En effet, des formations régulières doivent être réalisées pour les guides, des habitants de la zone et d’autres acteurs qui agissent sur le site, pour mieux connaître le sens historique des monuments afin de ne pas galvauder l’histoire des monuments. Donc, les guides et les autres acteurs agissant sur le Parc serviront de canaux de transmission des messages de mémoire. Cette stratégie est calquée sur le modèle du plan d’interprétation du Parc National Historique : Citadelle, Sans-Souci, Ramiers élaboré par Demesvar (2015), à travers sa thèse de doctorat.

En termes de supports de l’information et de la communication, préparer des dépliants avec des images pour illustrer les textes. Sur lesquels, seront inscrits des messages succincts décrivant le fondement et le contexte de la construction de ces infrastructures militaires au XIXe siècle, expliquer le niveau et l’efficacité de l’ingénierie de l’armée indigène à cette époque, etc. Ces dépliants contiendront aussi des informations sur les outils et matériels disposés dans les forts tels que leurs fonctions, leurs utilisations, etc. Les dépliants seront disponibles dans le service d’accueil, pour distribuer aux visiteurs, dès leur arrivée. Parallèlement, les visiteurs auront aussi accès à des planches, mais dans une salle de détente. Les planches décrieront le contexte de la construction des monuments, la vision de Dessalines en matière de la sauvegarde de l’indépendance et de défense du territoire, l’importance de ces monuments, avec plus de détails que les dépliants. Ces planches seront les détentrices seulement du Parc. On doit interdire aux visiteurs de les photographier ou de les photocopier et déplacer avec. Et les dépliants et les planches doivent être rédigés en français, en anglais, en espagnol et en créole, selon un style clair, simple et précis. Donc, il faut que les récits soient captivants et attractifs. En ce sens, ils doivent être concevoir et rédiger par des spécialistes de la communication.

En plus, il est nécessaire de construire un musée dénommé « Conservatoire de l’armée indigène », dans le Parc. Des outils et matériels militaires utilisés et/ou similaires pendant la lutte de l’armée indigène face aux colons seront collectés pour le musée. Également, des tableaux décrivant les différentes luttes sanglantes de l’armée indigène face aux colons étrangers, ceux qui expriment l’esclavage seront placés à l’intérieur du musée. Ces images auront un rôle prépondérant, car l’art a une fonction fondamentale dans l’histoire, donc les œuvres artistiques sont les terrains du temps, selon Huys et Denis (2014). Cet espace sera à la disposition des visiteurs pour prendre connaissance de ces outils et vivre les luttes menées pour l’acquisition de l’indépendance et qui amène à la construction de ces forts afin de consolider et sauvegarder la liberté de la nation haïtienne.

Dans cette même perspective, créer une salle de spectacle et former des troupes théâtrales qui exécutent des pièces sur le site et qui traduisent des événements historiques liés au contexte de la création des forts. Étant donné que les écrits montrent que traditionnellement les 18 novembre et 18 mai sont les époques qui réunissent des milliers de visiteurs sur le site, ces dates et autres peuvent retenir pour offrir des spectacles. En effet, le musée et la salle théâtrale peuvent renforcer l’offre touristique et diffuser la mémoire pour interpeller les visiteurs. Car, « on l'a souvent dit, les fureurs et les passions ont élu domicile sur la scène. Ainsi le théâtre se fait-il anthropologie. Il y a plusieurs façons de traiter du passé. À la manière des archéologues et des archivistes, avec l'idée de le reconstituer, pour autant que ce soit possible, de le figer, comme trace historique, témoignage d'un passé irrémédiablement disparu » (Vigeant, 1989 :  202, 203).

Publiciser et associer les monuments centraux avec les autres sites périphériques

 

Cette opération a pour objectif de créer le désir de visiter aux individus. Dans cette dynamique, un site internet pourrait être créé ainsi que différentes pages sur des réseaux sociaux (Tweeter, Facebook, Instagram, etc.) portant tous le surnom des forts «  Les gardiens de la liberté ». Ces outils technologiques auront un gestionnaire pour les organiser et pour rester actifs. Ils permettront de diffuser des informations sur les itinéraires pour atteindre le Parc, des informations sur l’offre touristique et des images attrayantes concernant les patrimoines et d’autres espaces touristiques à Kenscoff et sur toute la commune en général. Ces outils numériques devront activer particulièrement dans la période des fêtes patronales Saint-Jacques à Fermathe et Saint Nicolas au centre-ville, afin d’inciter les pèlerins à visiter les patrimoines.

Dans le même instant, d’une part, choisir de grands axes routiers à travers la région métropolitaine de Port-au-Prince, placer des panneaux avec de vues des forts Jacques et Alexandre avec de courts messages très captivants et motivants. D’autre part, placer à l’arrivée de l’aéroport international Toussaint Louverture des vues de ces monuments à l’intention de ceux qui arrivent dans le pays. De même à carrefour Fermathe, la route amenant aux forts, placer un tableau lumineux indiquant la présence de ces infrastructures monumentales à l’intérieur de la zone.

En plus de l’utilisation de nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’emplacement des panneaux indicateurs dans des axes routiers et des images à l’aéroport, réaliser des activités officielles à caractère mémoriel sur le site. La mairie de Kenscoff et/ou le ministère du Tourisme peut utiliser l’espace pour organiser des activités culturelles et mémorielles et inviter des médias locaux et internationaux à couvrir ces activités. Par exemple, tous les 25 mars, journée internationale de commémoration des victimes de l'esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, réaliser des activités sur le site en mettant emphase sur le rôle de ces monuments contre le retour à l’esclavage. On peut aussi instituer la célébration de naissance de Jean Jacques Dessalines à fort Jacques, comme concepteur de ce monument. En termes d’avantages, ces activités permettront de promouvoir ces monuments historiques tant sur le plan national qu’international grâce à leur portée mémorial et à l’ampleur de la couverture médiatique.

Pour associer forts Jacques et Alexandre aux autres sites de Kenscoff, concevoir des brochures qui contiendront des informations sur la valeur touristique de Kenscoff à partir des forts Jacques et Alexandre en tant que patrimoines centraux et d’autres patrimoines de la commune. Ces brochures mettront en valeur les monuments centraux et communiqueront des informations aux visiteurs sur d’autres patrimoines de la commune, leurs valeurs, les voies et les moyens empruntés pour pouvoir atteindre ces sites. C’est le cas des grottes qui se trouvent dans la section communale de Belle Fontaine, la Wynne Farm un lieu écotouristique, le marché touristique évoqué plus bas, les fêtes patronales, les périodes de rara, etc. Néanmoins, ces sites périphériques et autres espaces ciblés doivent être accessibles, en ce qui concerne les infrastructures routières. Également, les brochures indiqueront aux visiteurs les infrastructures hôtelières, les restaurants, etc. Dans la même lignée, on peut disposer des écrans dans une salle dans lesquels défilent des images des autres sites touristiques, les pratiques culturelles de la commune de Kenscoff, et autres. Installer un système solaire pour alimenter la salle en énergie, pour le fonctionnement des écrans. Tous ces dispositifs permettront de faire la promotion des autres monuments, sites naturels de Kenscoff et inciter les touristes à les visiter.

On insiste sur la promotion visuelle pour offrir les forts Jacques et Alexandre et les autres sites périphériques aux touristes, c’est parce que cela peut jouer sur le psychique des visiteurs. À ce sujet, Nkoghe et al. (2015) montrent qu’il y a un rapport étroit entre la perception que créent les organes de sens et le tourisme. Selon les auteurs la perception doit être créée à travers les produits touristiques. C’est d’ailleurs eux-mêmes qui évoquent l’attention involontaire qui manifeste chez des touristes à cause les excitations que crée la publicité, et cette excitation déclenche le désir  de visiter auprès des individus.

Construction d’un marché touriste à Kenscoff

 

Concevoir et construire un marché à l’intention des touristes aura un impact positif pour la commune. Ce marché doit être une infrastructure qui respecte les normes standards et bien entretenue. Cette infrastructure commerciale doit placer à une distance raisonnable du Parc, parce que le parcours entre le Parc et le marché permettra aux touristes de découvrir et mieux apprécier la commune. Des produits maraîchers du terroir seront disposés à l’intention des visiteurs locaux et des produits artisanaux ou autres seront étalés tant pour les touristes locaux qu’étrangers. Sur les emballages des produits, imprimer les photos des forts Jacques et Alexandre.

Pour renforcer le marché, la direction du Parc peut mettre des restrictions sur la vente des produits pareils dans l’environnement du Parc à ceux étalés dans le marché.

Conclusion

 

Le plan élaboré a pour objectif de mettre en tourisme la commune de Kenscoff en appuyant sur le tourisme de mémoire à partir des forts Jacques et Alexandre. Car, aux côtés des autres sites naturels et des pratiques culturelles de Kenscoff, les forts Jacques et Alexandre représentent une opportunité pour la commune, sur le plan touristique. De ce fait, les forts sont considérés comme des monuments centraux. Puisque ce sont les monuments centraux qui doivent permettre la mise en tourisme de la commune et ils se trouvent dans un Parc, donc le parc est pris pour un établissement humain temporaire, c’est-à-dire qui doit prendre en compte quelques besoins de l’homme après avoir établi momentanément, avant même la promotion des valeurs aux visiteurs. D’ailleurs, l’homme est défini pour Charles-Édouard Jeanneret connu sous le nom de Le Corbusier «  par la somme des constantes psychophysiologiques reconnues et inventoriées par des gens compétents » (Choay, 1965 : 34). Cette représentation de l’homme idéal prend en compte des besoins universels de l’homme comme celles d’habiter, circuler, se cultiver le corps et l’esprit. C’est cette base même, selon la perspective de Gropius, qui permet de déterminer le prototype de l’établissement humain (Choay, 1965). Pris comme tel, le Parc doit être un milieu de vie sociale. C’est en ce sens que pour mettre véritablement en tourisme la commune de Kenscoff en prenant forts Jacques et Alexandre comme l’axe stratégique, il faut que l’espace soit aménagé afin de susciter l’envie d'y visiter. Et, ceux qui sont attirés par l’offre touristique et qui visitent les monuments doivent d’abord satisfaire de l’offre. Ensuite, profiter de la présence des touristes sur le site pour les inculquer des valeurs mémorielles concernant les forts afin de créer une proximité entre eux et les monuments, et aussi les offrir d’autres sites touristiques et pratiques culturelles de la commune tout en impliquant les différents acteurs de la commune dans le processus.

 

Lopkendy JACOB

Lopkendyjacobrne@gmail.com

 

 

Bibliographie

 

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Choay, F. (1965). L’urbanisme : utopies et réalités, une anthologie. Éditions du Seuil. 445 p.

Demesvar, K. (2015). « Interprétation et mise en valeur du patrimoine naturel, culturel matériel et immatériels dans les parcs nationaux, cas du parc national historique : citadelle, sans-souci, ramiers de la République d’Haïti ». Thèse de doctorat en ethnologie et patrimoine, Université Laval. 323 p.

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École supérieure tourisme (s.d). « Tout savoir sur le tourisme mémoriel », https://ecolesuperieuretourisme.fr/blog/tout-savoir-sur-le-tourisme-memoriel/ [Consulté le 15 mai 2023

 

[1] Voir Geoconfluences (2011). « Mise en tourisme, touristification », http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/mise-en-tourisme

[2] Voir École supérieure tourisme (s.d). « Tout savoir sur le tourisme mémoriel », https://ecolesuperieuretourisme.fr/blog/tout-savoir-sur-le-tourisme-memoriel/

[3] Voir Exantus (2020). « Patrimonialisation et structure socio-économique :  Regard sur forts Jacques et Alexandre »,  https://palmes-magazine.com/patrimonialisation-et-structure-socio-economique-regard-sur-forts-jacques-et-alexandre/

[4] Op. Cit Exantus.

[5] Voir Batard (2020). « Le Parc National des forts Jacques et Alexandre, un patrimoine culturel en péril »,   https://lequotidiennews.org/le-parc-national-des-forts-jacques-et-alexandre-un-patrimoine-culturel-en-peril/

[6] Op. Cit. Batard

[7] Voir GAFE (s.d). « Kenscoff terre d’artiste (Haïti), 2012-2013 », https://www.gafe-haiti.org/spip.php?article35

[8] Op. Cit. GAFE

[9] Voir Exantus (2020). « Partie 2 : Patrimonialisation et structure socio-économique   :  Regard sur les forts Jacques et Alexandre », https://www.google.com/amp/s/www.delvanathanael.com/amp/partie-2-patrimonialisation-structure-socio-economique-regard-sur-les-forts-jacques-alexandre

 

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