7 février 2024: symbolisme d’une révolution haïtienne démocratique en marche?

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Haïti, deuxième État après les États-Unis d’Amérique à instaurer la démocratie en Amérique, est-il condamné à souffrir du poids dévastateur de la gouvernance politique antidémocratique, comme si c’était une fatalité? Si tel est le cas, cela parait assez paradoxal au souvenir de l’histoire et mérite d’être transcendé dans un élan de patriotisme pragmatique et de nationalisme éclairé.

 

Au regard de ce que nous continuons de vivre en tant que peuple depuis plusieurs années, n’est-il pas légitimement fondé d’interroger l’exercice de la gouvernance démocratique en Haïti ainsi que le modèle de leadership politique généralisé qui l’influence? Ce serait en un même temps rester à mi-chemin de cette démarche interrogative si l’on esquive d’interroger le poids de ce que l’on peut appeler une co-gouvernance visible ou dans l’ombre  que « pilote » une frange importante de la communauté internationale.

 

                     L’ampleur du défi démocratique de la gouvernance politique haïtienne

 

Il ne semble avoir aucun doute que les pratiques de la gouvernance politique haïtienne et ses résultats désastreux depuis de nombreuses années valident le constat d’un fiasco sociétal apocalyptique. Haïti est le seul pays en Amérique et dans la Caraïbe à pratiquer un soi-disant régime démocratique qui se manifeste dans ses multiples expressions contre les intérêts vitaux présents et futurs du tout un peuple. Toutes proportions gardées, la silhouette d’un État de haute trahison et contre la nation ne parait pas une déduction exagérée. Une telle représentation concourt à expliquer l’inexistence de la quasi-totalité des aspirations minimales de la démocratie: le droit à l’espérance légitime de vivre, de se sentir en sécurité pour vaquer à ses activités; le droit de faire des projets individuels et collectifs sécurisés et fructueux; le droit d’exercer sa citoyenneté sociale et politique, celui d’habiter en tant que citoyenne et citoyen avec un sentiment de quiétude et d’ayant droit le territoire ou l’endroit de ses enracinements.

 

 

Haïti parait d’un point de vue caricatural remporter la mise des « célébrités » étatiques à pratiquer une démocratie de la défaite, répugnante et révoltante. Il est de surcroit « flanqué » d’un virus contagieux, voire mortel, en termes de leadership politique volatile, à courte vue, imprévisible en contrepoids à une aspiration nationaliste éclairée, visionnaire et pragmatique. C’est un univers à « désinfecter » contre les virus sociaux contagieux et mortels qui contaminent les notions de management étatique prometteur, leaders politiques inspirants, citoyenneté du don de soi, coopération internationale constructive, développement durable et géostratégique, intellectualité d’excellence productive, politique prospérante de l’individu, création de  richesses, concurrence d’excellence nationale et régionale. Un tel décor est   sans détour générateur du galimatias sociétal haïtien actuel.

 

 

La faille sismique politique et géostratégique récurrente qui ceinture notre imaginaire social d’une manière inconsciente ou indifférente se glisse puissamment dans les couloirs d’une ébullition irréversible. Elle infecte notre rapport politique au monde qui se limite au vivre « au jour le jour », ou au compte-gouttes sans adhérer en permanence à des projets ambitieux et pertinents qui révolutionnent notre façon de vivre et notre pouvoir légitime d’espérer. La pratique politique gouvernementale devient une démarche à la rigueur insouciante, indifférente voire manichéenne qui sert les privilèges d’un petit groupe au détriment de la majorité de la population. Une telle pratique nous conduit à désespérer de la politique bonne et à confier le pouvoir entre les mains des irresponsables, des malvoyants et des apatrides. Un tel état d’esprit nous fait habiter un monde politique dangereux et incertain, mais bizarrement avec conformisme, désinvolture, immobilisme et autosatisfaction immédiate. Il est important et urgent de faire évoluer ce seuil sophistiqué d’abêtissement. Cette quête nous invite à divorcer avec les « âneries haïtiennes » qui fertilisent l’angélisme politique et diplomatique en plein coeur de l’existence d’un monde féroce, compétitif, concurrentiellement « intéressé » et pragmatique. C’est l’heure de transcender les haïtianitudes politiques, tel que décrit dans mon livre, Haitianitudes politiques et ambiguïtés internationales. Le pari de demain. 

 

Il est temps que nous sortions de la démocratie par « procuration extérieure », « fantaisiste », déliquescente, « cancérigène » pour vivre la démocratie au concret. C’est le moment tant attendu pour désactiver l’horloge de l’indifférence, de la naïveté, de la passivité de nos compatriotes à l’échelle nationale et dans la diaspora. Nous devons à l’instar des autres peuples de l’Amérique, de la Caraïbe et d’ailleurs nous ré-approprier notre droit de participer pleinement aux bienfaits d’une gouvernance étatique démocratique digne, du point de vue de ses résultats sociaux, politiques, économiques,  sanitaires, culturels …etc. La démocratie est un système de gouvernance moral, éthique, évaluable. Elle réprimande étant punissable  de manière juste et rigoureuse. Absolument lorsque les règles du jeu sont respectées au travers des Urnes. Ainsi est-elle autorégulatrice en raison des exigences manifestes qu’elle impose au dépositaire de l’exercice du pouvoir.

 

Autant dire l’exercice du pouvoir surtout dans un contexte démocratique est conditionné par ses résultats observables et durables poursuivant l’amélioration continuelle des conditions de vie des populations. Les privilèges légitimes qu’elle accorde aux élus ou à d’autres types de responsables publics ne sauraient être un chèque en blanc. Les élus ou ceux qui sont en charges des responsabilités étatiques doivent faire en sorte qu’ils méritent l’aspiration et l’adhésion de la population qu’ils représentent ou dirigent. Au cas où ils font preuve d’insouciance, de trahison, d’incapacité et d’indifférence face aux problèmes cruciaux que traverse leur communauté politique, leurs mandants doivent interroger non seulement le principe de légalité, mais aussi leur légitimité démocratique (qui valide leur mandat). Mais le cas d’Haïti actuel est inqualifiable d’un point de vue d’inconstitutionnalité et d’ambiguïté démocratique. C’est une vraie cacophonie constitutionnelle et politique délibérément co-construite. Elle ne s’offre comme règle principale régulatrice et normative que l’interférence instrumentale externe, la collusion de la raison du plus fort, la prééminence de l’inconstitutionnalité et l’effritement d’un leadership nationaliste visionnaire et pragmatique.

 

Il ne faut pas avoir peur de le dire. On est le seul endroit en Amérique et dans la Caraïbe où existe en ce plein du XXI siècle un amalgame avéré d’inconstitutionnalité et de démagogie démocratique au sein d’un État souverain. Au mépris du principe de la séparation des pouvoirs et de la bonne gouvernance, pivot régulateur des démocraties, le PM Ariel Henry se voit confier tous les pouvoirs et de manière illimitée.  C’est assez incroyable ou aberrant dans une région baptisée berceau de la démocratie politique moderne, icône en termes d’exemplarité constitutionnelle et institutionnelle de la démocratie. Inutile de revenir avec la formule inspirante et fulgurante de Alexis de Tocqueville « De la démocratie en Amérique ».

 

C’est un besoin absolu et immédiat d’exiger et d’instaurer au plus vite une culture d’auto-jugement démocratique de l’exercice du pouvoir chez nos dirigeants politiques. Cette attitude réfléchie appelle de manière complémentaire une posture de pro-activité citoyenne d’auto-surveillance des dérives démocratiques gouvernementales. Un gouvernement qui ne se soucie pas des intérêts vitaux de sa population et se complait de protéger ou défendre uniquement les avantages des acteurs extérieurs et corrélativement ceux de l’intérieur au détriment de l’intérêt (potentiel) de la nation doit être demis de ses responsabilités républicaines. Cela doit faire partie des clauses non négociables au niveau des pourparlers possibles entre les acteurs nationaux et des arbitrages externes que nécessite la co-gestion opportune de la bonne gouvernance démocratique. Faudra-t-il dire que le seuil de la démocratie de « soumission aveugle », de l’incompétence, de l’angélisme, de l’anti-progrès doit être « démantelé » « s’évaporé » en fumée une fois pour toutes! Cette nouvelle quête démocratique doit ouvrir la voie à une nouvelle forme d’interrelation entre Haïti et la Communauté internationale axée sur le principe d’une prospérité horizontale co-construite qui met fin à toutes formes de politique délibérément co-fabriquée consommant le sous-développement de son voisin ou de son partenaire étatique d’échanges. Quelle(s) alternative(s)?

 

 

                             Alternative révolutionnaire du 07 février 2024

 

En effet le 07 février 2024 du point de vue des résultats démocratiques régaliens tangibles et au regard de ce qui vient d’être établi, devra en toute logique marquer l’arrêt de la gouvernance catastrophique et inconstitutionnelle du PM de facto Ariel Henry. Loin s’en faut d’une attaque personnelle, d’une position politiquement intéressée, partisane ciblant subjectivement la personne du PM Henry. Une telle réflexion s’inscrit de préférence dans une logique d’évidence des faits sociaux tangibles, d’honnêteté citoyenne, de lucidité politiste et d’espérance légitime de la démocratie.

 

Le bilan de la gouvernance du PM de facto Ariel Henry est négatif à tout point de vue et ne laisse la place à aucune possibilité d’optimisme. Tout marche de travers. L’amateurisme, la mauvaise foi, le cynisme, l’incompétence, l’indifférence, les décisions irresponsables et dévastatrices deviennent la norme qui régule les pratiques gouvernementales. Au-delà des erreurs avérées teintées de malvoyance managériale et des soupçons qui restent à élucider, le PM Henry ne s’est pas montré à la hauteur de sa fonction en maintes occasions. A-t-il récemment commis un acte de haute trahison eu égard à son comportement désintéressé ou naïf en ce qui concerne la gestion du Canal Massacre ? Tout laisse déduire qu’il a priorisé de manière volontaire ou imposée les intérêts économiques de la République dominicaine au détriment de ceux d’Haïti. Aux dires des responsables, il n’ a accordé aucun soutien logistique, aucune attention digne d’un haut responsable étatique devant contribuer à la bonne marche d’un projet aussi important pour la souveraineté, économique et agro-alimentaire de la nation. Son incapacité, résultant sous toutes hypothèses, de son manque de courage ou de volonté de neutraliser le phénomène d’insécurité qui sème la mort au quotidien exaspère la souffrance tragique et le sentiment d’abandon indescriptible de toute une population. Le nombre de morts, de viols, de blessés, des sans-abris se multiplie. La police nationale, mal lotie en priorité par manque de moyens logistiques adéquats, au-delà de ses efforts parfois louables, se montre dépassée. Faudra-t-il aussi évoquer le syndrome aléatoire de consignes politiques claires et ambitieuses. Mais face à un phénomène d’une telle ampleur, la non-implication ouverte ou visible de l’armée interroge! Pourquoi ne pas mobiliser l’armée haïtienne contre les bandits au lieu d’adresser une aide-policière au Kenya? On peut dans ce même cheminement interrogatif questionner la légalité et la constitutionnalité de la démarche que beaucoup de juristes estiment inappropriées aux lois de la République. 

 

Il parait important de souligner que le déficit économique est énorme. L’inflation est galopante. Le chômage connait des proportions indescriptibles. Le pire, c’est qu’aucun plan crédible de redresser la barre dans un proche avenir n’est à l’horizon. Il y a un contresens flagrant entre l’absence d’autorité du PM de facto ou son refus délibéré de mobiliser les forces armées contre les bandits et la décision d’appeler au désarmement de BSAP. Cela parait un peu surréaliste et irresponsable. S’agit-il d’une erreur de jugement ou d’une décision délibérée visant à garder les rênes du pouvoir d’une façon cynique par tous les moyens. La déduction est vite faite. C’est un comportement critiquable dans la mesure où, faisant fi des forces insoupçonnées de nuisance de BSAP, une telle décision pourra à tout moment déclencher une guerre civile imprévisible aux conséquences collatérales dévastatrices. D’où l’intérêt de se demander si la préoccupation est la conservation du pouvoir, le maintien du statu quo, l’organisation des élections douteuses, frauduleuses, la restauration de la stabilité sociopolitique et la protection des intérêts suprêmes de la nation? 

 

 A cela s’ajoutent des zones d’ombre de sa soi-disant politique sociale annonçant des milliards de gourdes qui n’arrivent pas à l’adresse des gens en détresse absolue et d’autres qui laissent leurs domiciles et deviennent des sans-abris sous la menace des gangs. Ceci, dans l’indifférence généralisée des responsables étatiques. Il est de notoriété publique que le PM devient indésirable, n’inspirant aucune confiance en ce qui concerne la gestion objective et persuasive des Affaires de la République. Il affiche la posture de quelqu’un qui n’est pas maître de ses décisions. Il donne l’impression d’un responsable prêt à tout pour rester le plus longtemps au pouvoir et poursuivre le projet fou qui ne rassure le moins du monde, l’organisation des élections dans les conditions insécuritaires et politiquement confuses que l’on sait. D’autant qu’un tel processus exige la neutralité politique crédible du pouvoir étatique, l’inspiration sans faille de l’éthique démocratique au sein du management de l’appareillage électoraliste; ce qui devra garantir l’équité politique suffisante, l’efficience opérationnelle des dispositifs institutionnels et l’objectivité des résultats.

 

En effet s’il est indiscutable que la gouvernance du PM Ariel Henry a échoué et doit laisser au 7 février 2024 la place à du neuf, la grande question demeure comment cela va-t-il se faire? Va-t-on répéter les erreurs de toujours ? Va-t-on recommencer avec les mêmes? Au risque de reprendre les pires? Qu’est-ce qui est prévu pour cette nouvelle aventure. Ce n’est pas astucieux ou sorcier de dire que le départ du PM  Henry rentra service à lui-même et à Haïti. C’est peut-être une dernière chance qu’il faut apprendre à mieux gérer pour entrer dans cette nouvelle ère politique sur toutes les lèvres: la  révolution d’un système dont l’ancien Sénateur Guy Philippe symbolise le porte-étendard. On doit attendre à ce carrefour les premiers signes d’un leadership prometteur et rassembleur. En effet le moment ne se prête pas au leadership solitaire, mais collectif. Peu importent les leçons à tirer après le 07 février et plus tard, il est impensable d’envisager une gouvernance sans l’accord de Montana, une coalition politique stratégique à laquelle s’associe le leader Pitit Dessalines (cette fois en toute transparence) et Guy Philippe.

 

L’interférence réaliste et pragmatique avec l’Internationale dans sa composante globale ne doit pas non plus être négligée. Mais l’Internationale eu égard à sa volonté de s’ériger en tant que figure supranationale régulatrice de la démocratie doit se montrer responsable et solidaire des cris et des désespoirs de tout un peuple succombant aux effets dévastateurs d’une mauvaise co-gouvernance démocratique. Lorsqu’il y a défaite ou naufrage démocratique, les leçons doivent être tirées et les décisions nécessaires s’imposent au nom du respect moral et éthique de la démocratie. Il semble difficile pour les défenseurs de la démocratie et l’État de droit qu’idéalise la Communauté internationale de vouloir défendre un bilan aussi catastrophique, une atmosphère aussi antidémocratique et inconstitutionnelle sans mettre entre parenthèses le spectre du pire à venir.

 

Il revient à la population d’identifier ceux qui parlent couramment en son nom et agissent au moment opportun contre lui. Il nous faut une révolution non émotionnelle, sensationnelle. Mais une révolution constructive, ambitieuse, réaliste, visionnaire. Cela demande un projet cohérent mené par des leaders et acteurs potentiels clés et des ressources appropriées. Il faudra éviter la précipitation, l’improvisation et la facilité. L’opportunisme contreproductif.

 

La diaspora haïtienne et les élus d’origine haïtienne aux États-Unis d’Amérique et au reste du monde ont leur mot à dire en ce moment historique. C’est le moment plus que jamais au Congres American et partout ailleurs symbolisant les hauts lieux politiques de respect et de défense de la démocratie de faire entendre sa voix, de se montrer solidaire de la souffrance, de la détresse de nos compatriotes haïtiens. Il ne fera aucun doute que la situation politique d’Haïti après le 7 février impactera fortement les prochaines élections américaines. Nous n’exigeons pas trop. Nous réclamons seulement notre droit de vivre comme des citoyens, d’être gouvernés par des dirigeants qui respectent les prescrits constitutionnels de la gouvernance démocratique et ses finalités sociopolitiques constructives et prospérantes. Nous avons besoin de manière urgente des dirigeants qui pensent à leur population, comprennent le jeu du monde moderne et appliquent des politiques qui créent la stabilité, la création de richesses et utilisent la coopération bilatérale et multilatérale à des fins de développement durable national et géostratégique. Au vu des aspirations légitimes de la démocratie, des principes fondamentaux garantissant l’Etat de droit, une alternative au PM de facto Ariel Henry le 07 février 2024 parait systématiquement indiscutable.

 

Vive une autre Haïti! Il faut y croire! Ensemble nous le pouvons!

 

Dr. Bellevue Roosevelt, Chercheur, France/Haïti.

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