Haïti, une crise à multiples dimensions et de causes diverses

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De l’humanité à Haïti

 

L’histoire des peuples des cinq continents est conçue par un groupe, exécutée par un groupe, écrite par un groupe, racontée par un groupe au profit d’un groupe.  Ce qui est difficile à ruminer, c’est que ce ne sont pas tous les groupes qui bénéficient les fruits de l’histoire et ce ne sont pas non plus les mêmes groupes qui exécutent les mêmes tâches. Tout le monde est acteur, que ce soit de façon individuelle ou collective, directe ou indirecte. On travaille avec un groupe, pour un groupe parfois sans s’en rendre compte.

 

La source de nos malheurs est le fait qu’il y ait une ambivalence dans notre conception du monde. D’un côté  nous croyons être détenteurs d’un pouvoir absolu qui fait que notre existence ne constitue pas un complément de celle des autres, mais un élément d’anéantissement de tout ce qui nous parait étrange ou qui n’est pas dans nos intérêts. D’un autre coté nous considérons qu’il est normal qu’un groupe peut lui seul mériter d’une vie décente et que le reste du monde n’est qu’un simple moyen pour pérenniser l’inhumanité. 

Cela crée une guerre permanente entre les différentes couches qui composent la société en général. Un groupe se réclame le titre de « Pays développé » et se confère lui-même le pouvoir d’entacher des qualificatifs à l’endroit des autres groupes. Ainsi, avons-nous, les « pays en voie de développement, les pays sous-développés, etc.  Ce qu’il faut retenir, c’est que depuis les temps les plus reculés de l’histoire de l’humanité, la lutte pour la domination a toujours été le point commun des humains. Cela ne doit donc causer aucun étonnement à quiconque prétend d’apporter de nouveaux mots dans le lexique géopolitique.

Néanmoins, la Grande Guerre n’est pas dans la catégorisation des pays, mais plutôt dans la classification des hommes. Nous voyons, selon l’histoire, la teinte épidermique constitue l’élément fondamental dans l’exercice de la domination. L’homme noir et l’homme blanc sont d’une même espèce dotée de mêmes facultés dans un même endroit, pour un même but « la survie ». Soulignons, toutefois que dans la logique de la guerre, la victoire ne dépend pas principalement de l’oralité, mais de la bonne maitrise de l’espace. « Le fort est toujours le faible d’un plus fort» tiré d’un adage populaire.

L’apparition de la victoire des noirs dans un contexte singulier

Tout, porte à croire  qu’Haïti est un patrimoine universel ou mondial. Si l’on se réfère à la définition universelle du patrimoine : « l’ensemble de bien, matériel et immatériel, légué par les descendants  dont sa singularité, son symbolisme et son originalité exigent qu’on, le conserve, le préserve et le transmet aux générations futures ». Un passé immortel auréolé de gloires, la lutte menée par les Haïtiens a inspiré et inspire encore des nations opprimées qui font craquer le corset de l’impérialisme colonial « ANTOINE A.RAPHAEL. 2015». L’écrivaine haïtienne  dans son livre« Reconstruire Haïti et  sa souveraineté.117p.»  Marius NIVOSE fait l’approche suivante sur Haïti :   

 « Mère de liberté, trait d’union entre les continents, Haïti, pays  phare des nations, s’est élevé au-dessus des flots de la mer des Caraïbes pour guider les peuples comme incarnation de la liberté qui éclaire le monde ». Le territoire haïtien c’est l’espace sacré,  symbole de la bravoure et de la  conscience universelle. 

Parmi les espaces qui ont été colonisés du Nouveau Monde, celui d’Haïti fut le premier à guerroyer contre la servitude, l’arrogance et la cruauté  de la barbarie. Haïti c’est l'endroit où les premiers cris de liberté ont été poussés et les premières chaînes de la servitude ont été brisées. La lutte des esclaves qui a accouché le premier État nègre du Nouveau Monde c’est la rebuffade de toutes formes  d'asservissement et d’ingérence (Approches d’un étudiant de l’UEH, Frantz Sinoble, 2023).

Haïti dans une impasse historique

« En Haïti, nous avons la conscience du mal, mais nous n’avons pas la prescience du remède », cette déclaration est tirée de l’ouvrage : « La crise haïtienne contemporaine » de L. François Manigat.

Dire qu’Haïti est le premier État nègre depuis la colonisation est une évidence, cependant comprendre son dépérissement dans le même continent où il y a la première puissance mondiale, là c’est un exercice complexe. Cela ne fait que prouver les deux vielles-vérité suivantes ; a) « il n’y a pas de pays amis », b) dans la lutte pour la survie, la formule est  « chacun pour soi ».  Malheureusement les Haïtiens sont systématiquement divisés, les deux vérités précitées se transforment en : a) « le paradis et le salut sont à l’étranger », b) dans la lutte pour la survie, la formule « chacun pour soi » doit s’appliquer contre la patrie.

Il n’y a pas plus dangereux pour un pays que des habitants enflés de leur ignorance. Chacun se croit avoir la solution puisque chacun a une représentation bien spécifique du pays dans sa tête. Aujourd’hui, dans la tête de chaque frère et sœurs haïtien et haïtienne, il y a une Haïti différente.  Nombreuses de ces Haïti-là se voient  obligées de quitter le pays pour aller s’installer ailleurs, avec la seule déduction qu’ « ici, seul l’étranger peut développer ».

Faisons une courte radiographie de la société haïtienne d’aujourd’hui! À chaque époque, nous vivons des moments de troubles qui poussent beaucoup à s’évader ou à abandonner définitivement le pays. Cela devient une habitude. Est-ce un déterminisme social? Le 12 janvier 2010, Haïti a été frappé par un terrible tremblement de terre. Cela a provoqué une dislocation importante dans des familles. Environ une année plus tard, un fonds a été collecté pour rebâtir la capitale. Sous la manigance des autorités, un malfrat des usa a détourné ce fond. 

Poursuivons! Le gouvernement haïtien de cette époque, incapable de renouveler le personnel des grandes institutions du pays, a creusé, sous l’influence  des usa une fosse qui, plus tard va servir de nouveau siège pour la démocratie d’Haïti.

Toujours dans l’incapacité du gouvernement de l’époque, nous allons assister en 2016 à un changement de place, communément appelé en Haïti TRANSITION. Le nouveau gouvernement n’a qu’une mission : organiser des élections pour renouveler le personnel de l’État.

En 2017, la fosse qui a été creusée par le gouvernement d’avant va s’élargir. Le nouveau président, en voulant la maitriser, se fait enterré vif par les barons du système le 7 juillet 2021.

Maintenant qu’est-ce qui reste?

Les 27 750 km2 du pays vont se répartir en lopin par des ignorants qui travaillent au bénéfice de l’État qui, lui-même est un employé permanent de la bourgeoisie et de la communauté internationale.

Martisant, l’une des sections de la commune de Port-au-Prince va se transformer en un véritable foyer de gangs. De 2010 à 2024, nous assistons à une tuerie scénique. On dirait que même la nature est actrice dans cette politique de la mort. Le peuple qui a fait l’histoire est en train d’être fait par une histoire provoquée.

De la politique à l’économie

Pour reprendre le professeur JOSEPH Ė Gracien JEAN : « Depuis après l’indépendance, l’État est devenu une matière première pour un individu ou groupe d’individus arrivant  à s’accaparer  du pouvoir politique par des moyens  violents  en instaurant un régime sans partage au grand détriment des intérêts nationaux”.   

La première étape vers la tyrannie est d’imaginer qu’un État qui est inconscient même de son existence va s’occuper de tout à votre place. La politique nécrophagique du gouvernement haïtien crée une nouvelle forme d’organisation dans la société. La répartition des biens et services dépend du cannibalisme  du peuple.

Chaque gang fait la recette dans son quartier. Nous assistons à l’exécution d’une politique nécrophagique de l’État. Le cannibalisme, la bestialité, la matérialité, l’individualité font le fondement de l’embrigadement idéologique de l’État actuel d’Haïti.

Seulement sur le transport, les gangs collectent environ 1 million de dollars HT par semaine, sans compter les cas de kidnapping, de viol et de vol (selon les médias traditionnels). Il n’y a aucun prix fixe sur le territoire. L’économie est totalement bafouée, les biens et les services sont sous le contrôle des gangs qui, eux aussi, sont le vaisseau fantôme habité par la volonté de la bourgeoisie, de l’État et de l’international.

Le symbolisme du 7 février

Dans l’histoire de la politique d’Haïti, les dates sont nombreuses puisque les évènements font partie de la vie politique du pays. En fait, pour qu’une date devienne historique, il faut qu’elle constitue le repère d’un évènement pertinent dans la vie d’un groupe.

 

Le 7 février marque, d’abord la rupture avec la dictature et aussi l’alternance politique depuis l’avènement de la démocratie en Haïti. En 1986, pour mettre fin à la dictature, les Haïtiens ont profité du départ de Jean Claude DUVALIER pour constituer une alternance politique. Cette date a une triple signification : d’abord elle marque la fin de la dynastie duvaliériste, ensuite un rappelle à la démocratie enfin le renouvellement du personnel de la haute magistrature de l’État, d’où une alternance politique.

Toutefois, en 2006, à cause de quelques irrégularités, le président Alexandre B. n’a pas pu respecter cette Alternance politique, la magistrature suprême de l’État a été remise le 14 mai. Cette déviation a provoqué aussi l’entrée en fonction du président J. M. Martelly, le 14 mai 5 ans plus tard. Il faut noter aussi que cette alternance a été encore violée après le départ de Martely, le président successeur (Jocelerme Privert) a prêté serment le 13 février 2016, soit 6 jours après.

 

Ce qu’il faut retenir c’est qu’en dépit de tout, le 7 février est politiquement décisif pour Haïti.

En guise de conclusion, il est de toute évidence clair que la crise haïtienne est multidimensionnelle. Dans ce travail, nous n’avons qu’exploré quelques facettes à la lumière de la conjoncture. Loin d’être exhaustif, ce travail peut servir d’outil pour toute discussion sur l’État actuel d’Haïti.

 

Auteur : Altès D. MICHEL, spécialiste en Patrimoine, Gestion et marketing touristique, étudiant en Droit à l’UEH, activiste politique et culturel

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