Une grève nationale a été observée la semaine du 6 au 10 janvier 2025, à travers tout le pays par les syndicats d'enseignants et enseignantes, notamment la Plateforme des syndicats d'enseignants.es d'Haïti. Promet de tenir jusqu'à nouvel ordre, cette observation sur les retraits de travaux traduisent un malaise profond et récurrent dans le secteur éducatif haïtien. Les revendications adressées au ministre de l’Éducation nationale, Antoine Augustin, soulèvent des problèmes structurels affectant les conditions de travail des professionnels.es et le bon fonctionnement dudit secteur.
Les enseignants et enseignantes, critiquant leurs conditions de travail précaires, réclament une augmentation salariale pour faire face à l'inflation galopante et une régularisation administrative, notamment la délivrance des lettres de nomination et des cartes de débit. Des attentes essentielles pour formaliser normalement leur statut d'enseignants ou d’enseignantes.
La région du Nord-Est réclame l’attention du MENFP
Le 6 janvier 2025, des dizaines d'enseignants et d'enseignantes du département du Nord-Est (à environ 117 Km de Port-au-Prince, la capitale d'Haïti), de la Coalition des Syndicats pour une éducation haïtienne de qualité (Coplasehc), ont foulé le béton pour réclamer la construction du Lycée de la Renaissance de Fort-Liberté.
Les syndicats comme REPANE, UENE, CODECNE et UNNOH, n’ont pas caché leurs préoccupations arguant que ces constructions sont importantes pour offrir un cadre propice à l’apprentissage dans ledit département.
La demande de construction du lycée René Théodore à Ouanaminthe révèle aussi l’insuffisance d’infrastructures éducatives dans cette zone.
Le mardi 7 janvier 2025, plusieurs dizaines d'enseignants, enseignantes ont gagné le sol dans plusieurs rues de la commune de Trou-du-Nord ( placée à 126 Km de la capitale), sous couvert de mêmes revendications.
Les responsables de syndicat ont menacé de passer à un "plan B" le 13 janvier 2025 si les demandes restent sans réponse. Ce qui souligne la détermination des enseignants, enseignantes. Cela entraîne une paralysie scolaire dans la région, et accentue la crise éducative sous toute l'étendue nationale.
Ces mouvements traduisent, selon plus d’un, une quête de dignité professionnelle et d’amélioration de conditions de travail des amoureux de l’enseignement haïtien.
Les syndicalistes rappellent que des conditions de travail adéquates pour les enseignants, enseignantes sont essentielles pour garantir une éducation de qualité pour tous et pour toutes. Le ministère devra rapidement engager un dialogue sérieux pour éviter une escalade et répondre aux besoins pressants des éducateurs, croient-ils.
Cris incessants des inspecteurs, des inspectrices
Les représentants de SIENHA (Syndicat des inspecteurs et inspectrices de l'éducation nationale d'Haïti) revendique de meilleures conditions de travail. Ils font montre dans leur document le ras-le-bol vis-à-vis leurs attentes du ministère en l’exigeant d’agir illico.
Dans ce cahier de doléances, le SIENHA a dénoncé les décisions et comportements qu’il jugeait inappropriés de la part du ministre de l’Éducation nationale, Antoine Augustin, à la tête du MENFP (Ministère de l'Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle), de traiter les enseignants et inspecteur de parent pauvre.
Les syndicalistes ont particulièrement critiqué la décision du ministre de maintenir des activités éducatives dans des conditions inappropriées, malgré la situation alimentaire et sécuritaire préoccupantes du pays. Selon eux, le fait de ne pas attribuer aux inspecteurs.trices les cartes de débit, constitue une gifle pour l’enseignement.
Par ailleurs, le SIENHA a formulé plusieurs revendications clés : a) la régularisation des inspecteurs travaillant sans nomination officielle, un problème qui affecte leur statut et leurs droits; b) la correction d'erreurs administratives importantes concernant les salaires des inspecteurs, coordonnateurs et directeurs principaux, qu’ils considéraient injustement inférieurs à ceux de cadres de FNE et d’autres institutions de l’État.
Les revendications de SENHA s'inscrivent dans une volonté, souligne le professeur Emmanuel SANON, de défendre les droits des inspecteurs, inspectrices et de promouvoir un environnement éducatif sécurisé et respectueux pour tous les acteurs, actrices du système scolaire haïtien.
Gros-Morne, vrombissement de cris sombres
Les enseignants et enseignantes de la commune de Gros-Morne (région Nord du pays, du département de l'Artibonite, placée à environ 179 Km de Port-au-Prince) réclament de meilleures conditions de travail et une rémunération plus juste et équitable.
L’enseignant et syndicaliste Jérôme Dorcennat, travaille à plein-temps au Lycée Jacques Roumain de Gros-Morne, souligne les côtés sombres de cette grève et rappelle que les syndicalistes n'agissent pas de mauvaise foi, compte tenu de répercussions que la durée de l’observation de cette grève peut avoir sur les élèves ou sur le fonctionnement de l’année académique 2024-2025, connaissant l’impasse dans lequel se trouve le pays.
Le coordonnateur du syndicat UNNOH de la commune de Gros-Morne souligne que «Les inspecteurs.trices et professionnels.les d'enseignement ne reçoivent pas leur miette salaire à temps.
Environ 18, 000 gourdes (avec $1US équivalent à 130.00 gourdes), c'est la part de rémunération que reçoit un enseignant ou enseignante à temps partiel, après les taxes. Alors qu’il/qu'elle peut prendre des mois sinon des années sans que ce minuscule salaire ne parvienne à lui/elle», a-t-il fait valoir.
Une position qui n'est pas différente de celle de Levasseur Léon, qui travaille comme professeur de mathématiques à l'école normale de 3ème cycle de Ravines Gros-Morne, en demandant aux autorités de garantir convenablement le prêt aux professeurs via la Banque nationale de crédit (Bnc).
Par ailleurs, le syndicaliste dresse le tableau sombre du quotidien des enseignants et enseignantes pour répondre aux besoins de leurs familles et exhorte à l'État de prendre ses responsabilités pour encadrer les professionnels, professionnelles d'enseignement.
«Il faut 600.00 gourdes à 1,000.00 gourdes pour un plat anba dra (lieu informel où l'on achète un plat chaud dans des conditions sanitaires alarmantes). Comment ce salaire va-t-il répondre aux besoins du quotidien des enseignants et enseignantes? Se demande-t-il, en réclamant le décaissement de Fonds national de l'éducation (Fne) pour les enseignants et enseignantes.
Gonaïves, l’école risque de paralyser
La situation mérite une attention nationale, car l’éducation reste un pilier fondamental pour le développement d’Haïti, avance un observateur.
Fort de ses propos, le syndicaliste Quesnel Ledix, professeur d’histoire et de géographie à plein-temps au Lycée Louis Diaquois des Gonaïves, accuse l’État de «fouler aux pieds les revendications des enseignants, enseignantes», et propose de redresser la balance, puisque le budget de l’éducation ne doit pas être une vache-à-lait pour les employés.es de FNE et les différents cadres du ministère, mais il doit alimenter les différentes écoles à travers le pays pour un meilleur enseignement des enfants.
Le coordonnateur départemental de syndicat de l’Artibonite rappelle que «le gouvernement d’Ariel Henri a augmenté le prix du carburant, prétextant vouloir ajuster le salaire des enseignants, enseignantes. De plus, le gouvernement de Garry Conille a renforcé le budget éducatif de 24%. Cependant de octobre 2024 à janvier 2025, le ministre n’a toujours rien dit aux enseignants, enseignantes.», a-t-il soutenu tout en assurant qu'il faut « faire pression sur l’État » pour qu'il puisse agir convenablement.
Parallèlement, le syndicaliste Lorking CÉLAMY, coordonnateur départemental du Réseau national des enseignants.es progressistes d'Haïti (Renateph), souligne l’état de pourrissement dans lequel se trouve coincé le système éducatif haïtien, et invite les enseignants, enseignantes à soulever contre l’État, organe regulateur du système.
Il demande aux autorités d'être plus sensible en leur exigeant d’améliorer les conditions de travail et d’apprentissage des élèves par les dispositions de cantines scolaires, de bibliothèques, de matériels didactiques, de réhabilitation, etc. au bénéfice des apprenants qui sont l’avenir du pays.
Le professeur Frantz Carlos ZÉPHIRIN, faisant office de coordonnateur général de RENNHA (Rassemblement des enseignants.es nommés.es et non-nommés.es d'Haïti), revendique sans délai la carte de débit pour les agents d’enseignement évoluant à 5.000 et 50.000 gourdes dont tous et toutes les autres employés.es de l’État jouissent.
RENNHA exige la nomination des enseignants, enseignantes qui travaillent depuis près de dix (10) ans dans des conditions déplorables. Faisant parti de la fédération syndicale COPLASEHQ (Coalition des plateformes et des syndicats pour une éducation de qualité), les syndicalistes de RENNHA menace de gagner les rues pour exiger le ministre Augustin de répondre aux besoins des agents d'enseignement.
Ce qui n’est pas différent pour le professeur Jean-Robert Sylvernat qui plaide pour une éducation de qualité. «Le lancement de cette grève demeure un avertissement à l’État», a-t-il souligné, en la considérant comme un plan A, adopté par tous,tes les syndicats d’enseignants.es des dix (10) départements du pays.
Le coordonnateur de l’organisation syndicale UNNOH, qui bride une importante chaire au Lycée de Pont-Gaudin, dans la commune de Gonaïves, croit dur comme fer, que la grève observée par la fédération syndicale nationale passera à une autre phase dès le lundi 13 janvier 2025 si les autorités ne prennent pas des mesures y relatives.
Saint-Marc répond présent
Le professeur d’histoire et de géographie au Lycée Sténio Vincent de la commune de Saint-Marc (bas-Artibonite, placée à environ 73 km de la capitale, Port-au-Prince), Adeka ISRAËL, avance que le phénomène du programme Biden a laissé un vide administratif dans le système éducatif, par le fait que plusieurs centaines d’enseignants, enseignantes ont laissé le pays via ce programme.
Le syndicaliste insiste que «suite au appel d’offres des directions d’école, certains vides ont été comblés par l’ambauche de nouveaux cadres, nouvelles cadres, alors que le ministère continue de confisquer les chèques des déplacés sans pour autant se pencher sur le cas de nouveaux recrus et nouvelles recrues. Pourtant avec les codes de ces chèques, il pourrait faire d’autres nominations, voilà qu’aucune résolution n’a été prise», soutient-il.
Moyennant qu’en juillet 2024, «le budget de l’éducation nationale passe de 11 à 24%», a-t-il affirmé. Rare fois que cela s’est produit depuis des décennies. «Une augmentation qui s’ouvre à la possibilité pour nommer les agents d'enseignement dans le système», a-t-il ajouté en soutenant que «Haïti connaît une inflation atteignant 30%», alors que la question d’ajustement salarial des enseignants, enseignantes continue d'être ignorée par les autorités du MENFP.
Dans le cahier de décharge soumis au MENFP
Si les revendications des enseignants et enseignantes du Nord-Est d'Haïti, de l’Artibonite, dans l'Ouest exprimées à travers leurs actions, mettent en évidence l'urgence d'améliorer le système éducatif haïtien et de garantir des conditions décentes pour les acteurs clés de ce secteur, celles d’autres régions du pays ne sont pas différentes.
En effet, les syndicalistes à travers tout le territoire haïtien, ne bloquent pas la libération de leurs grognes face à un État qui a failli à ses moindres missions. Ils résument le contenu de leur cahier de doléances en des points clés.
a). Nomination des enseignants et régularisation administrative, d'une part, sont les véritables raisons poussant les différents syndicats d’enseignants et d’enseignantes à passer en action.
b). L'exigence d'une lettre a.i. pour tous les enseignants, pour toutes les enseignantes en poste, comme un besoin de reconnaissance officielle et de stabilité professionnelle. Cela est essentiel pour renforcer la confiance et la motivation des enseignants.es.
c). D'autre part, le paiement des enseignants et enseignantes nommés.es ou non nommés.es mais non rémunérés.es est une source de revendications valables sur laquelle le ministère de l’éducation doit pencher sans délai.
Cette situation est non seulement injuste, croient certains, mais compromet également le bon fonctionnement du système éducatif dans sa globalité. Les retards de paiement créent une précarité insoutenable pour ces amoureux et amoureuses de la craie.
d). Un ajustement des salaires est une nécessité pour faire face à l’inflation et à l’augmentation du coût de la vie. Ainsi les enseignants.es demandent des salaires à la hauteur de leur contribution au développement éducatif de la société, compte tenu de la hausse des prix des produits sur le marché.
e). La délivrance des cartes de débit pour tous les enseignants et toutes les enseignantes. Parce que les cartes de débit officialisent le statut des enseignants.es, leur donnant accès à des avantages socio-économiques et renforçant leur sentiment d’appartenance au système éducatif.
f). La construction et la réhabilitation des infrastructures scolaires à travers tout le pays.
Les demandes concernant le lycée René Théodore et le lycée La Renaissance, sans compter les centaines de milliers d'écoles nationales ignoré par l’État, sont des témoignages vivants de la nécessité d’investir dans des infrastructures modernes pour offrir un environnement d’apprentissage adéquat, tout en évoquant le budget rectificatif de l’année académique 2024-2025 de 24% d’augmentation du ministère de l’éducation nationale.
g). Les rassemblements, fermetures de bureaux et menaces de blocages des écoles privées dans tout le département, sont l’autre phase, qui démontrent une volonté d’escalader le mouvement si le ministère ne répond pas, dans les prochains. C'est là, si l'on croit aux différents syndicalistes, qu’on ne doit pas arriver.
Une stratégie embrassant des actions radicales, qui accentue la pression sur le ministère, croit un syndicaliste, mais risque également de perturber la scolarité des élèves à travers tout le pays.
Exhortation au ministre Antoine Augustin
Le professeur Antoine Augustin doit agir pour éviter que la grève s'amplifie davantage, si l'on croit la coordination des syndicats.
C’est une occasion de se positionner en leader réformateur en initiant un dialogue sincère et en mettant en œuvre des solutions pragmatiques comme, d'une part, la création d’un espace de négociation avec les syndicats sur tout le territoire du pays pour éviter une escalade.
L’élaboration, d'un autre côté, d’un plan d’action adapté à l’exigence de l’heure pour répondre progressivement aux revendications prioritaires des syndicats d'enseignants sur toute l’étendue du territoire.
Enfin, le renforcement de l’unité de communication sur les efforts du ministère pour montrer aux enseignants et enseignantes que leurs préoccupations sont prises au sérieux et que le ministère agit en guise de cause.
Le dévouement des enseignants.es face à l’adversité est remarquable depuis en début de semaine. Leur lutte dépasse leurs intérêts personnels, compte tenu de la cherté de la vie, et vise à garantir une éducation de qualité pour les élèves, pierre angulaire du développement national. Soutenir ces éducateurs, éducatrices, c'est investir dans l'avenir d'Haïti pour le bien-être collectif.
La grève des enseignants à travers tout le pays a des conséquences néfastes sur la qualité de l'éducation et l'avenir des élèves, si l’on croit certains. Il est urgent, selon plus d’un, de trouver des solutions pour sortir de cette impasse et garantir le droit à l'éducation, aux conditions exploitables de travail pour tous les enseignants et pour toutes les enseignantes quelle que soit leur appartenance sociale, quelle que soit leur croyance religieuse, quel que soit leur statut économique.
Elmano Endara JOSEPH