« J’annonce aujourd’hui que le département d’État a désigné Viv Ansanm et Gran Grif comme organisations terroristes étrangères et terroristes mondiaux spécialement désignés. L’ère de l’impunité pour ceux qui soutiennent la violence en Haïti est révolue » - Marco Rubio
Le syllogisme, transmis en héritage par l’illustre philosophe Aristote, constitue un outil fondamental de raisonnement logique qui permet d’appuyer des arguments dans divers contextes discursifs, qu’ils soient juridiques, politiques ou scientifiques. Ce raisonnement repose sur trois propositions : deux prémisses (majeure et mineure) et une conclusion qui découle nécessairement de ces deux prémisses. Dans cette perspective, cet article réfère à la logique aristotélicienne pour démontrer par un enchaînement déductif que plusieurs agences multilatérales contribuent activement au terrorisme qui sévit actuellement en Haïti.
En effet, dans les lentilles du Département d’État des États-Unis, toute entité qui fournit un support au groupe criminel Viv-Ansanm participe au terrorisme (majeur). Pourtant, dans son discours de promotion de la fédération de la bande criminelle G-9 et alliés – ancienne appellation de Viv-Ansanm – le BINUH a offert son soutien inébranlable à l’association des gangsters du Viv-Ansanm (mineur). En fonction de ces deux prémisses, il est évident que le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) s’associe au terrorisme (conclusion). Auquel cas - comme souvent le cas d’ailleurs de plusieurs pays faisant objet de convoitise de leurs richesses par l’impérialisme ravageur - le terrorisme ayant cours en Haïti aurait un caractère multinational. Les langues, les poches et les mains d’un ensemble d’acteurs politiques, d’hommes d’affaires et plénipotentiaires étrangers sont pleinement trempées dans le terrorisme en Haïti. En plus des mesures sévères contre les petits monstres visibles de la jungle qui ne tarderont pas à disparaître de l’échiquier, quel est le sort réservé à leurs concepteurs et complices locaux et internationaux ? À bien des égards, Viv-Ansanm est l’arbre qui cache la forêt d’une criminalité justifiée par un ensemble d’enjeux géopolitiques colossaux. À ce stade, le Département d’État américain détient la responsabilité éthique de trancher de manière complète et objective sur cette problématique d’un terrorisme à plusieurs strates.
À la suite du discours d’incitation à la fédération des gangs en Haïti prononcé par Helen La Lime en septembre 2020, le groupe armé « G-9 en famille et alliés » a intensifié ses activités criminelles avec une facilité accrue, notamment les enlèvements contre rançon et les assassinats. Les criminels agissaient en toute impunité, allant jusqu’à revendiquer publiquement leurs crimes. Ils se vantaient ouvertement de leurs liens avec certaines institutions internationales et avec le pouvoir en place, qui les rémunérait d’ailleurs. Bien qu’à cette époque ils n’avaient pas encore atteint le stade extrême de tirer sur des avions commerciaux, les yeux de lynx avisaient sur le tournant terroriste que prendrait ce mouvement. Selon la théorie de la fenêtre brisée en criminologie, l’impunité des infractions mineures ouvre des brèches à des actes criminels de plus grande ampleur. Ce qui est susceptible de conduire à l’effondrement d’un système social tout entier. Paradoxalement, au lieu de dénoncer et démanteler la gangstérisation, par le canal de sa représentante Helen La Lime, les Nations Unies auraient de manière explicite contribué au pullulement des gangs et à l’amplification de la criminalité en Haïti.
Une déduction similaire à celle du BINUH pourrait s’extrapoler sur bien d’autres institutions internationales, notamment le Core-Group qui n’a jamais su prendre ses distances par rapport aux personnalités et régimes politiques corrompus, épinglés dans le blanchiment d’argent et le financement du banditisme en Haïti. D’une part, il ressort de plusieurs rapports d’investigation que les capitaines des groupes politiques affiliés au PHTK ont parrainé les chefs de file de Viv-Ansanm. Certains caïds parmi les gangs les plus cruels ont même avoué que l’arsenal des armes de grands calibres dont ils disposent leur ont été offerts par les leaders du PHTK, en particulier par Michel Martelly. Les conclusions des investigations de l’ONU ont même renforcé cette triste assertion d’une collusion criminelle entre les bandits des rues et les officiels du pouvoir PHTK. Laurent Lamothe, Joseph Lambert, Youri Latortue, et bien d’autres têtes politiques de la chapelle PHTK, sont épinglés dans les sanctions de l’ONU en raison de corruption et leur liaison dans la chaîne de la criminalité en Haïti. Avant son ultime expiration, l’ancien chef de gang Arnel Joseph avait révélé les dessous des manipulations politiques visant à entretenir le chaos en Haïti. Dans leur gourmandise aveugle à maintenir leurs fesses au pouvoir dans la longévité - pour un demi-siècle claironnaient certains - les arrivistes politiques pactisent avec les démons sans réfléchir aux répercussions néfastes pour Haïti.
D’autre part, le cartel diplomatique Core-Group est constamment de connivence avec les partis politiques décriés, notamment le PHTK en dépit de ses dérives financières et politiques. Par transitivité, le Core-Group ne serait-il pas impliqué dans le support de ce banditisme entretenu par le PHTK ? Vu son intersection diplomatique avec le Core-Group, comment le Département d’État américain compte-t-il tenir parole quand il soutient dans son communiqué : « Les personnes et entités qui fournissent un soutien matériel ou des ressources à Viv Ansanm ou à Gran Grif s’exposent à des poursuites pénales et à l’interdiction d’entrée aux États-Unis ou à leur expulsion du territoire » ? Par lâcheté ou par complicité, des ambassadeurs américains qui disent côtoyer quotidiennement les terroristes du Viv-Ansanm n’auraient-ils pas également des explications à fournir à la Justice et au Département d’État des États-Unis ? Dans une impatiente curiosité, le bon sens attend avec vigilance la suite que donnera le gouvernement américain à ce dossier.
Viv-Ansanm terroriste, vérité de la Palice
Ce 2 mai 2025, à travers son secrétaire d’État Marco Rubio, le Département d’État des États-Unis a désigné les groupes Viv Ansanm et Gran Grif d’organisations terroristes. Vérité de la Palice en effet, car il y a plus de cinq ans que ces milices lourdement armés et radicalisés - regroupés sous le parapluie de Viv-Ansanm - ont rempli tous les critères du terrorisme. Ces groupes sèment la terreur au pays dans une violence extrême envers des civils, des policiers et des institutions sacrées. Ils kidnappent, tuent, bloquent des artères stratégiques du pays tout en faisant pression sur les gouvernements pour satisfaire leurs projets politiques. Sous l’égide de l’ancienne cheffe du BINUH, ils ont reçu reconnaissance officielle. Ironie du sort, ces bandits recherchés par la Police ont eu le luxe de révoquer et remplacer de hauts fonctionnaires à des postes clés, incluant des ministres. La magnitude de la violence de ces milices s’est davantage accrue suite à l’assassinat crapuleux du président Jovenel Moïse qui a laissé un vide politique abyssal au pays depuis le 7 juillet 2021. Plausiblement en vue de bénéficier d’une utopique amnistie malgré leurs multiples actes cruels, ils proposent aussi des noms de leurs familles et alliés terroristes pour assurer la présidence d’Haïti.
De 2021 à 2025, ces gangs ont perpétré une série de massacres sanglants ayant coûté la vie à plusieurs milliers d’innocents. L’Aéroport international Toussaint Louverture, un espace censé être stérilisé, n’a pas été exempté des assauts de ces animaux détraqués. Ils ont innové en essayant la portée de leurs armes de calibres sur des hélicoptères et des avions commerciaux. Mars 2024, pour exprimer leur volonté d’expulser l’ancien PM Ariel Henry du pouvoir, ces assaillants avaient attaqué l’Aéroport et tiré sur un avion en phase de voler vers le Cuba. En novembre de la même année coïncidant avec le limogeage de Garry Conille de la Primature, ils avaient récidivé avec plus de fracas en ciblant JetBlue, American Airlines et Spirit Airlines. Ils avaient blessé un membre de l’équipage et laissé des impacts de balles sur ces aéronefs.
Ces délinquants instrumentalisés par des laboratoires criminels ont exproprié des citoyens paisibles de leurs résidences ; ils ont saboté des infrastructures vitales du pays dont hôpitaux, universités, églises et commissariats de police. Leurs pratiques de kidnapping contre rançon ne ciblaient pas que des professionnels et entrepreneurs haïtiens. Des professionnels dominicains et des missionnaires américains ont été également enlevés par ces gangs. Ces animaux échappés au contrôle de leurs concepteurs ont déjà assassiné plusieurs citoyens ainsi que des figures publiques notoires dont des hommes politiques, journalistes, policiers, enseignants, etc. Ils ont incendié des maisons privées, envahi des zones résidentielles, attaqué des prisons en libérant des milliers de prisonniers, y compris des suspects clés dans l’assassinat crapuleux du président Jovenel Moïse. Femmes, enfants, personnes âgées : aucun segment de la population n’est épargné de la fureur aveugle de ces criminels.
Derrière ces escadrons de la mort se cachaient des députés, sénateurs, ministres, premiers ministres et présidents. De mauvais Habitants placés à de hautes fonctions au pays servaient d’intermédiaires pour les armer et les financer. À travers une connivence suicidaire avec de hauts-gradés de la PNH, ces groupes terroristes ont réussi à infiltrer des institutions régaliennes, accédant ainsi à des informations stratégiques qui leur ont permis de prendre des longueurs d’avance sur les forces de l’ordre. Cette infiltration a conduit à l’échec de plusieurs opérations policières, au cours desquelles de nombreux policiers ont tragiquement perdu la vie. Après le massacre sanglant des policiers à Martissant, le 12 mars 2021, des attaques similaires ont été perpétrées à la Croix-des-Bouquets, à Pétion-Ville, dans l’Artibonite, entre autres. L’uniforme et les insignes de la PNH ont été tournés en dérision. Dans certains cas, le cadavre des policiers victimes n’a pas été récupéré ; ce qui aggrave la douleur des familles endeuillées et de l’institution policière.
Implications de la décision
Si dans les faits les bandits de Viv-Ansanm s’étaient prouvés des terroristes avérés, ce statut terroriste scellé formellement par le ministère américain des affaires étrangères promet un nouveau tournant de la géopolitique et des interactions transnationales vis-à-vis d’Haïti. À cause de l’hypocrisie occidentale, personne ne saurait prédire sans risque de se tromper l’allure politique que prendra le pays aux prochains mois. Cependant, cette mesure constituera sans ambages un déclic pour démanteler les criminels à col bleu et potentiellement neutraliser leurs concepteurs au terroir.
Le communiqué poursuit : « Se livrer à des transactions avec des membres de ces groupes entraîne des risques en matière de sanctions antiterroristes, non seulement pour les Haïtiens, mais aussi pour les résidents permanents en situation légale aux États-Unis ainsi que pour les citoyens américains. » Par exemple, les sanctions internationales suivies de la confiscation des richesses mal acquises avaient déjà révélé que plusieurs hommes d’affaires et acteurs politiques locaux participent directement aux actes terroristes ou à leur tolérance. Ces brasseurs politiques ne dormiront pas en paix dans les jours à venir. Tel est le prix à payer en contrepartie de l’enrichissement illicite. Depuis plusieurs décennies, la même histoire se répète. Les plus fidèles au Blanc qui trahissaient leur patrie et qui s’enrichissaient seront dépouillés et finiront dans la prison, dans la honte. De la même façon que les dilapidateurs des fonds du Petrocaribe vivent dans la paranoïa et la schizophrénie, les membres corrompus du CPT connaîtront un triste sort en finissant dans la tourmente et l’indignité. Que sert-il alors à ces entrepreneurs politiques qui amassent déloyalement les fonds du trésor public tandis qu’ils ne jouissent même pas des délices de la vie ? Le jeu ne vaut vraiment pas la chandelle.
D’un côté, les pirates internationaux se servent des « idiots utiles » locaux pour exécuter leurs basses œuvres, avant de les discréditer publiquement ; de l’autre, ils veillent à préserver leur propre réputation, bien qu’ils soient en réalité les véritables instigateurs des crimes. Les rapports des USA, du Canada et de l’ONU ne pointent jamais les agences internationales dans leur implication dans les crimes commis en Haïti. Pourtant, il y a évidence que les formes de violence commises actuellement en Haïti - compromettant la diplomatie et la coopération étrangère - relève d’un terrorisme multilatéral. Mais, c’est à dessein que les rapports d’investigation tentent de protéger les missionnaires de la flibusterie étrangère qui seraient des mercenaires au service du néocolonialisme. Par exemple, les armes et munitions livrés aux gangs criminels, reconnus officiellement de terroristes, proviennent en majeure partie des États-Unis. Par la vertu de la traçabilité, il est facile de remonter à l’identité des acteurs de la chaîne depuis la fabrication jusqu’à la livraison de ces armes de différents calibres. Ce qui sous-entend des anguilles sous roche, car les agences multilatérales au service de l’impérialisme rongeur auraient des intérêts dans le chaos haïtien. Haïti serait-elle une victime du paradoxe de la malédiction des ressources naturelles ? Point besoin d’un avenir lointain pour en connaître la réponse. Les signes montrent que cette série converge vers son dernier épisode.
La décision du département d’État américain de classer « Viv-Ansanm » comme groupe terroriste est tombée comme un astéroïde dans la sphère politique en Haïti. Cependant, dans ce contexte d’asymétrie de l’information, les scénaristes de l’Occident omniscient ne disent pas tout à propos du prochain scénario de ce feuilleton qu’ils ont monté de toute pièce. Il nous faut retenir que la doctrine de Monroe selon laquelle l’Amérique appartient aux Américains sera toujours de mise. Ainsi, le vœu de cet Occident omnipotent, entêté hier à matérialiser la conspiration d’anéantir Haïti, n’est certainement pas de délivrer Haïti dans ce nouveau concept d’un terrorisme en vogue au pays.
Les séries de crimes spectaculaires et les exactions flagrantes tonitruaient depuis 2020. Avec la connivence d’institutions internationales et de voyous politiques imposés par l’Occident à la magistrature suprême du pays, ces groupes criminels ont dévasté Haïti. Sous les yeux complices des Nations Unies et des puissantes ambassades, ils ont exterminé des vies et détruit les richesses tangibles et intangibles du pays. Comment comprendre ce long délai d’environ cinq ans pour que Département d’État des États-Unis désigne officiellement le Viv-Ansanm de groupe terroriste ? Les grilles d’analyse peuvent diverger. Cependant, elles concluront toutes que les États-Unis agissent en fonction de ses calculs géopolitiques et ses intérêts stratégiques.
Ce communiqué antiterroriste augure une nouvelle configuration du décor sociopolitique en Haïti. Il se pointe à l’horizon une éradication brutale de ces bandits qui servaient subrepticement des intérêts voilés de la piraterie internationale. S’il est de bonne guerre que les bandits des rues avalent leurs extraits de naissance il est tout aussi essentiel que les cerveaux et intermédiaires du terrorisme soient éliminés pour qu’Haïti soit véritablement libérée. Pendant que les États-Unis jouent ses cartes d’atout pour servir ses propres intérêts, Haïti doit être vigilante en œuvrant à mieux se positionner en sortant stratégiquement des pions pour assurer l’échec et mat de ses faux-amis.
Haïti ne peut pas s’asseoir sur ses lauriers et espérer que les États-Unis lui nettoient les écuries d’Augias. Ces flibustiers ne font que défendre leurs propres intérêts. Il revient aux Haïtiens de restaurer l’autorité de l’État et de faire valoir que cette terreur généralisée, particulièrement dans la capitale et dans les départements de l’Artibonite et du Centre, constitue une forme de terrorisme multilatéral qui compromet les Nations-Unies et des ambassades étrangères.
De ce banditisme aveugle, les entreprises ont été décapitalisées ; le capital humain s’est exilé ; plusieurs milliers de vies ont été anéanties. Les conséquences de ces suites d’injustices sont criantes. L’État haïtien est en droit de réclamer justice pour les multiples cruautés qu’elle a subies soit par des actions, des discours ou la passivité de ces institutions multinationales qui ont supporté le mouvement de la criminalité en Haïti.
Carly Dollin