Cri d’un citoyen fatigué et révolté

Depuis environ quarante ans, le pays subit de l’extorsion systématique, de l’enrichissement illicite et de la prédation méthodique orchestrée par l’élite politico-administrative corrompue. Que ces dirigeants soient élus ou nommés, mandatés ou installés au cœur d’interminables transitions, les dirigeants successifs de l’État appliquent le même schéma : chaque occasion devient une opportunité pour s’enrichir illégalement, en détournant les ressources de l’État au détriment du peuple, sans pour autant en créer ou mettre en place aucun mécanisme susceptible de propulser des leviers de croissance économique.

Ce pillage constant, a atteint un niveau de paroxysme exagéré au cours des cinq dernières années, qui figurent parmi les plus atroces et les plus meurtrières de notre histoire collective avec une intensification dramatique marquée par des violences extrêmes et un effondrement sans précédent. Alors qu’Haïti sombre dans une misère intolérable et une insécurité endémique, où l’accès aux soins et à l’éducation est devenu un luxe inaccessible pour la majorité, les élites au sommet de l’État s’accrochent à des avantages indécents, affichant un cynisme glaçant et révoltant.

Derrière les murs épais des institutions, loin des regards du peuple, un système organisé et bien huilé s’est mis en place. Ce système repose sur l’accaparement et le gaspillage éhonté des fonds publics, des abus budgétaires systématiques, des primes arbitraires souvent injustifiées, des missions fictives, et des acquisitions ostentatoires financées par l’argent du contribuable. Tout ceci constitue un mécanisme institutionnalisé de prédation du bien commun, perpétué au mépris des souffrances du peuple haïtien. Ce que l’on présente comme des "avantages" ou des "allocations" n’est rien d’autre qu’un vol officialisé.

Le Conseil Présidentiel de Transition, issu de la quasi-totalité des différents secteurs vitaux du pays et qui était, jadis, porteur d’un espoir de refondation démocratique tant attendue, s’est mué en un Conseil de Prédation et de Trahison; symbolisant ainsi l’échec lamentable collectif d’une élite politique, économique et de la société civile parasitaire, cupide et puante, incapable sinon capable de tous les maux du pays dont souffre le peuple haïtien du dedans comme du dehors. Exposant leur incapacité chronique, l’ensemble de ces secteurs à travers leurs représentants ne s’acharnent qu’à se servir au lieu de servir l’intérêt de l’État. Sous la gouverne de ces neuf conseillers prédateurs-traîtres, de leurs ses deux premiers ministres, aucune réforme sérieuse n’a été engagée. Pendant ce temps, l’insécurité s’aggrave, des quartiers entiers, voire des communes entières se vident, les populations s’enfoncent dans le gouffre du désespoir, et l’appauvrissement du pays atteint des sommets alarmants, frôlant la déshumanisation. En effet, abandonnées à leur sort, certaines personnes croupissent dans les geôles des camps sans aucune forme d’assistance, véritables prisons modernes où règnent la promiscuité, la souffrance, l’oubli et le mépris écœurant de ces soi-disant dirigeants sans honte et même incapables d’éprouver un tel sentiment.

Protégés par une impunité endémique et une corruption systémique, ces prédateurs continuent de piller les caisses de l’État, déjà exsangues, dans une opacité totale. Tandis que la population s’enlise dans une misère abyssale, Ces prédateurs, comparables à des vautours affamés, s’enrichissent sans gêne et sans scrupule, se partagent les derniers fragments du budget national, ignorant les besoins désespérés des hôpitaux, des écoles, des infrastructures et des services essentiels, exacerbant ainsi une crise humanitaire et morale qui étrangle le pays.

L’État et le peuple haïtien sont donc aujourd’hui pris en tenaille entre trois groupes, mutuellement renforçant, de vautours: les vautours en costume-cravate (élites politico-administratives) qui détournent allègrement les fonds publics, les vautours à armes (gang et groupes armés), qui, par leur violence aveugle, terrorisent la population, les vautours à col blanc (composés des oligarques impitoyables qui sont de véritables sangsues. Leur objectif commun est clair : voler et exploiter une nation déjà à genoux.

Ce vol institutionnalisé est une insulte à la dignité du pays. Derrière les discours creux et hypocrites, se cache une machine corrompue, gangrenée par l’impunité, alimentée par la faiblesse des institutions et l’approbation tacite par les organisations internationales et certaines puissances étrangères qui s’auto déclarent « pays amis d’Haïti » mais en fait sont les meilleurs « ennemis- d’Haïti ». De plus, les pratiques honteuses, les emplois fictifs, les dépenses de complaisance, les privilèges ostentatoires, etc…ne font qu’approfondir l’appauvrissement déjà critique du pays ainsi que son effondrement économique et moral.

Donc, face à cette situation désastreuse, il est impératif de briser le silence, de dénoncer ces abus avec vigueur et d’exiger des comptes. L’Histoire, témoin de nos actions et de nos manquements, jugera sans indulgence la trahison de ces acteurs et leur complicité criminelle. Il est temps de se lever pour une révolte éthique et de s’engager dans une reconstruction véritable de l’État. Cela commence par un audit rigoureux et transparent des finances publiques, la suppression des privilèges indus et l’instauration d’une gouvernance fondée sur la transparence, l’intégrité et le service du bien commun.

Aussi, Il serait indispensable que, dans toute négociation future visant à restructurer la gouvernance du pays durant la transition et/ou à remplacer ces conseillers prédateurs-traîtres, des exigences de probité, d’éthique et de rupture totale avec les pratiques corrompues du passé soient rigoureusement placées au premier plan. Il est tout aussi essentiel de se donner les moyens de garantir leur application. Avant toute désignation ou prise de décision politique, ces critères doivent impérativement être respectés.

Par ailleurs, toute personne désignée, nommée ou élue à l’un des postes clés de l’administration publique, parapublique ou des institutions autonomes devra, conformément à la loi, effectuer sa déclaration de patrimoine. Cette déclaration devra obligatoirement être réalisée avant la prise de fonction de la personne concernée, sans exception aucune. Elle devra être effectuée dans les cinq jours suivant la désignation ou la nomination et devra inclure les membres de sa famille immédiate (époux (se), enfants majeurs, frères et sœurs, le cas échéant). À défaut, la personne pressentie sera considérée comme ayant renoncé à sa fonction ou sa nomination, et l’instance compétente devra procéder à son remplacement.

Cette obligation s’applique notamment aux postes suivants : Présidence, Premier ministre, ministre, sous-ministre, ministre-délégué, secrétaire d’État, directeur général, directeur général adjoint, administrateur de la fonction publique, chef de cabinet des hauts fonctionnaires, membres du parlement, ainsi qu’à tout autre poste équivalent dans l’appareil d’État ou le Parlement.

L’avenir d’Haïti dépend de notre capacité à dire non, à agir, à refuser l’abandon et à réclamer justice. C’est dans cette détermination collective que renaîtra l’espoir.

 

Jean Rénald Jeune, un citoyen ayant le ras-le-bol

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