Nos tuteurs brevetés, parrains internationaux en mal d’imagination, semblent aujourd’hui en panne sèche de sigles. Après avoir pressé l’alphabet comme une orange, que leur reste-t-il ? Peut-être inventer le MINUSENS : Mission Internationale de Nouvelles Utérines Solutions pour l’Extermination des Nations Souveraines. Ça sonne, non ? Le génie bureaucratique est inépuisable quand il s’agit de pondre des monstres administratifs.
Chaque sigle est une poudre magique de pacotille, une machine à cash déguisée en mission de paix. Haïti est devenu leur laboratoire pharmaceutique : on y teste des potions douteuses, un peu de casques bleus, une pincée d’OEA, un soupçon de diplomatie tiède. Résultat ? Un cocktail explosif qui enrichit les uns et empoisonne les autres.
Et que dire de nos dirigeants, ces goûteurs officiels de potions diplomatiques? On leur tend une fiole d’amertume, ils l’avalent avec le sourire d’un enfant gavé de bonbons périmés. Haïti, désormais, c’est le fast-food de la géopolitique : menus de malheurs servis avec frites d’hypocrisie et sauces ONU.
Les noms de nos bourreaux sont écrits en deux langues : en langue étrangère, avec majuscules dorées et accent colonial puis en créole local, avec la servilité de ceux qui se contentent des miettes tombées de la table diplomatique.
Et quelle fut leur pièce de résistance ? Le choléra ! Un dessert infect offert par l’ONU, servi comme un vin renversé sur une nappe — sauf que la nappe, c’était notre peau collective. Une tache indélébile, ni excuses ni rapports ne peuvent la laver.
Dieu, si tu existes, dis un mot pour Haïti.
Depuis plus de trente ans, on nous gave de la même soupe froide : missions internationales en guise de médicaments périmés pour un patient qu’on prétend sauver. Après l’ONUVEH de 1990, voici la quinzième mission. Quinze visages, une seule grimace : celle de la résignation.
Chaque secrétaire général de l’OEA, prince en carton-pâte, ouvre son cahier comme un colon en mal de gloire. Il y invente des sauvetages comme on invente des contes de fées — sauf que ses contes à lui saignent. Et pendant ce temps, nos élites rampent sous sa table pour lécher les miettes, avec la joie servile d’un chien qui croit avoir trouvé un festin.
Ces missions sont des grappes de raisins piégées : à chaque grain, un noyau de pierre qu’on nous enfonce dans la gorge. Leurs ficelles diplomatiques sont des chaînes épaisses, et elles pèsent sur nos cœurs comme des cathédrales en marbre posées sur le thorax d’un enfant.
L’ambassadeur américain, marionnettiste de génie, d’un battement de cil peut redessiner l’avenir d’un peuple entier. Nos élites, elles, sirotent leur vin estampillé ONU dans des calices funéraires, inconscientes d’être les convives d’un banquet macabre. Et quand elles osent protester, c’est avec le fracas de casseroles vides — vite recouvert par les cravates bien repassées qui chantent en chœur :"Encore une mission, pour en finir avec les gangs !"
Mais qui ne voit pas que ces gangs sont leurs enfants monstrueux, nourris par la même main qui les dénonce ?
On allume le feu, puis on vend les extincteurs hors de prix.
On empoisonne la plaie, puis on joue au chirurgien.
On arme d’une main et on condamne de l’autre — comme ces marchands d’armes qui sirotent des cocktails sur une plage en regardant deux armées s’entretuer pour leur profit.
Et la question qui brûle reste simple, brûlante, incandescente :
D’où viennent les armes qui déchiquettent les Haïtiens ?
Les diplomates répondent avec des phrases parfumées, mais derrière leurs mots on sent la charogne d’une hypocrisie vieille de plusieurs siècles.
Non, le problème n’est pas l’insécurité, mais la diplomatie.
Non, ce n’est pas une guerre entre Haïtiens, mais une mise en scène où le bourreau se maquille en sauveur.
Et quand un représentant haïtien ose remercier l’OEA ou l’ONU, il serre la main qui étrangle son peuple, comme si Dessalines n’avait jamais existé.
Hier Brésiliens, aujourd’hui Kenyans, demain peut-être Canadiens… toujours les mêmes danseurs dans ce bal grotesque de mensonges. Et le peuple, réduit au rôle de figurant, est relégué dans les couloirs sombres d’un théâtre mondial où tout est joué d’avance.
Haïti n’a pas besoin d’une trentième mission.
Haïti a besoin qu’on ferme les vannes des armes.
Fermez-les, et les gangs s’éteindront comme des torches sans huile.
Ne le faites pas, etj chaque nouvelle mission restera un carnaval macabre, une cicatrice supplémentaire sur le visage déjà défiguré de notre société.
Maguet Delva