Dans la trame invisible de nos jours, là où le silence s’alourdit de souvenirs tus, s’élève la voix douce et sensible de Schultz Laurent Junior, poète du cœur et orfèvre du mot. Né à Port- au-Prince, licencié en Communication et en journalisme en Haïti, il a choisi la poésie depuis son plus jeune âge comme langage de l’intime, comme sanctuaire de l’émotion pure. Parmi ses ouvrages, c’est Des printemps fanés (2005) qui émeut par sa profondeur et sa beauté mélancolique. Ce recueil n' est pas seulement un florilège où l'auteur laisse s' épancher ses émois intérieurs. C'est avant tout autre chose un battement de cœur imprimé sur papier.
Dès le poème « Espérance », on entre dans un espace de fragilité assumée. Schultz écrit :
« Je t’ai vue partir avec tes mains pleines d’amour / Que tu n’avais pas eu le temps de m’offrir ».
Le lecteur ressent immédiatement cette absence irréparable, cette fracture tendre qui laisse l’amour suspendu, inabouti. La douceur de ce départ fait écho à un regret silencieux, douloureusement retenu. L’effet du poème est celui d’une confession tardive, d’un amour qui s’éteint sans avoir brûlé jusqu’au bout. Et pourtant, la poésie opère un miracle : elle transforme ce manque en une espérance obstinée.
« Mon espoir était là, me nourrissant de rêves / De croire en des lendemains d’amour. »
C’est ici que Schultz Laurent Junior touche au sublime : il fait naître la lumière au cœur même du deuil amoureux. Le lecteur, touché dans ses propres cicatrices, découvre une foi poétique en la possibilité d’un amour retrouvé. Le poème ne panse pas seulement une blessure : il apaise, il console, il enseigne à rêver encore.
Avec le titre , « Rêves tendres », déploie une atmosphère onirique, presque musicale. Le décor est dépouillé, hivernal, presque figé :
« Les nuages étaient partis. Les oiseaux se cachaient, / Le ciel restait nu. Triste. Et solitaire. »
Dans cette nudité du ciel, tout semble prêt à accueillir une pensée, un désir, un visage. Le poète, étendu sur son lit froid, laisse alors éclore une rêverie amoureuse :
« Je pensais à toi et je me mettais à savourer / La douceur de tes baisers sucrés à ma guise. »
L’effet ici est celui d’une chaleur intérieure qui résiste à la solitude extérieure. L’amour devient refuge, caresse de l’absent, promesse muette. Dans la lenteur de cette rêverie, le lecteur se laisse bercer par les élans d’un cœur patient et fidèle. L’attente devient une musique :
« Mets en musique les mots de notre amour », supplie le poète et l’on sent qu’il en appelle à une union sacrée entre langage et sentiment.
Ainsi, dans Des printemps fanés, Schultz Laurent Junior fait de la poésie un acte d’espérance. Il ne dépeint pas l’amour parfait, mais l’amour en quête, imparfait, humain. Il nous enseigne que les saisons du cœur, même fanées, contiennent encore le parfum des promesses non tenues et l’éclat discret des rêves tendres. Ce recueil est une élégie, mais aussi une offrande. Chaque vers agit comme un baume, une main posée sur l’épaule du lecteur : « Je te comprends, moi aussi j’ai espéré. »
Aterson-N Sainval