Chaque 1er, 2 Novembre, les rues s’ouvrent aux prières aux parfums de café noir, aux bougies plantées dans la poussière des cimetières ce jour-là, les morts reviennent danser et les vivants se souviennent que la frontière n’est qu’une phrase
Au cœur de cette mémoire bruissante, une femme se dresse : Grann Brigitte la première mère des Gédé, la gardienne des tombes, celle dont le rire défie le silence.
Vêtue de noir et de violet elle marche entre les croix, ses pieds nus effleurant les rêves brisés et les promesses suspendues.
Elle est la flamme des chandelles la voix dans le vent la douceur qui console et la morsure qui rappelle cette chanson.
Dernière nuit à Port-au-Prince. Je cherche la lune Pourtant des lueurs jouent sur la lagune et se reflètent contre les façades des palaces. Les sons deviennent ouatés dans la brume. Il y a quelque chose d' irréel dans ce monde flottant où un démon est tombé amoureux d' une sirène
Et On l’invoque avec des mots simples, des verres de clairin des grains de café un soupçon de poivre
Les tambours battent le pouls du monde. Les enfants regardent fascinés cette danse où les morts et les vivants se confondent dans une même respiration
Grann Brigitte ne réclame pas la peur mais la mémoire
Elle nous enseigne que mourir c’est changer de maison
Elle nous apprend que rire même dans la nuit c’est déjà prier
Et pendant que les Gédé dansent et que les bougies tremblent Haïti se souvient d’elle-même
terre de passage d’esprit et de survivance
terre où la mort a toujours un visage de tendresse
Godson Moulite
