Par Jérôme Paul Eddy Lacoste [1]
Cette année 2025, en dépit de ses turbulences, des évènements tragiques endeuillant et traumatisant les familles haïtiennes et les incertitudes politiques, ramène le soixante-dixième anniversaire de la présentation officielle du rythme Konpa Dirèk par le Maestro Nemours Jean-Baptiste. L’évènement a eu lieu le 26 juillet 1955 sur la place de l’Eglise Sainte-Anne, dans la rue Saint-Honoré, en face du Lycée Toussaint Louverture. Sous ce rapport, j’ai toujours personnellement apprécié l’initiative du journaliste Joseph Guyler C. Delva qui, quand il était Secrétaire d’Etat à la Communication et à la Culture, avait procédé à l’installation d’un buste du Maestro Nemours Jean-Baptiste sur la Place Sainte-Anne de Port-au-Prince, le 26 juillet 2018 pour marquer le centième anniversaire de naissance du Maestro[2]. Mais avant cela, le Tabou Combo, au début des années 1980, par la voix de son chanteur fétiche Roger M. Eugène (Shoubou) avait rendu un vibrant hommage au Maestro en soulignant son apport dans le cadre de l’évolution de la musique haïtienne. Mais, selon nous, l’hommage de référence au Maestro a été et reste encore cet album Pure Gold, réalisé par la compagnie Mini Records avec l’initiative Mini All Stars de M. Fred Paul en 1981 et intitulé justement Quinze titres d’or de Nemours Jean- Baptiste. Ce, pour commémorer alors les vingt-cinq ans du Konpa Dirèk et les dix ans de la compagnie Mini Records. Un véritable régal pour les mélomanes et les aficionados du Konpa Dirèk. Nous retrouvons alors des musiciens de Nemours Jean-Baptiste réinterprétant des titres fétiches du Maestro avec des arrangements au niveau des cuivres et des violons, le tout sous la direction du grand musicien haïtien M. Dernst Emile. En présentant l’album, au verso de la pochette, le journaliste Dr. Carlo Désinor du Nouvelliste, grand connaisseur de la musique haïtienne, appelait alors à la remémoration « d’une période que plus d’un n’oubliera pas de sitôt ». Pour les auteurs Ralph Boncy Marc Guillaume Lubin et Georges Léon-Emile (Gorgio), cet album représente « LA pièce » de référence dans toute collection sérieuse du Konpa Dirèk[3]. Et le temps s’est écoulé…Tempus fugit disaient nos anciens Romains. Ayant perdu la vue, le Maestro Nemours Jean-Baptiste s’en était allé le 18 mai 1985, précédé le 4 février de cette même année 1985 par le départ du Maestro Webert Sicot, l’un des plus grands saxophonistes et arrangeurs de toute l’histoire de la musique haïtienne. Cette même année 1985 avait vu le départ d’une autre star emblématique de la musique haïtienne, Antoine Rossini Jean-Baptiste, dit Ti Manno, le 13 mai 1985, âgé seulement de trente-deux (32) ans. Et le Konpa Dirèk s’est imposé comme ailleurs le Merengue, la Batchata, comme la Salsa, la Bomba, la Plena, tout comme le Reggae… Porté à son zénith par le Skah-Shah Number one à partir de ses structures rythmiques de base et des arrangements de grande valeur, le Konpa Dirèk s’est diversifié en fonctions des orchestres, des groupes musicaux et des conjonctures historiques avec les Shleu-Shleu, les Difficiles, les Gypsies, les Frères Déjean, les Ambassadeurs, le System Band, le Bossa Combo, le Shoogar Combo, le Scorpio Universel, le D.P Express, l’Ensemble Sélect du Maestro Koupe Kloue. Avec le Magnum Band de Dadou et de Tico Pasquet, c’est toute une aventure musicale suite à l’intégration des variétés de la musique nord-américaine dans le fonds traditionnel du Konpa Dirèk. Ce qui a donné « la seule différence » et qui fait encore la joie et le plaisir des mélomanes du monde entier. Les récentes performances du groupe, notamment la pièce Twa Fèy Twa Rasin, disponibles sur You Tube, en font foi. Ainsi, en dépit des divergences et controverses sur ses origines et surtout les tentatives de sa récupération par les pouvoirs publics, notamment la dictature des Duvalier, le Konpa avait fini par s’imposer comme musique de bal, de danse, de soirée, tant en Haïti que dans les Antilles et auprès des communautés haïtiennes de la diaspora. Pour Thony Louis-Charles, le Konpa Dirèk représente « la vraie musique entraînante haïtienne de tous les temps » et une marque de l’identité haïtienne[4]. Le Konpa Dirèk est aussi une danse. Au cours de l’année 2022, un couple de danseurs, Cliford et Gaëlle Jasmin ont publié un ouvrage de grande valeur à cet égard avec des dessins et des illustrations des pas et mouvements de danse du Konpa Dirèk[5]. Analysant le livre dans les colonnes du Nouvelliste du 25 juillet 2025 M. Elien Pierre remarque à juste titre : « cet ouvrage se présente comme un outil incontournable pour tous ceux qui souhaitent évoluer sur une piste de danse selon les règles de l’art ». En effet, selon la même source documentaire, il s’agit d’un « matériel pédagogique à la gloire du compas » offrant « un souffle neuf à ce patrimoine national ». Pour M. Frandy Jasmin, « la musique Compas incarne l’expression authentique du vécu du peuple haïtien. Elle représente le goût musical collectif de la société et constitue un espace de rencontre avec d’autres musiques du monde, mettant en valeur la richesse de notre danse et le rythme distinctif de cette tradition musicale lorsqu’elle est pratiquée. Le Compas joue ainsi un rôle fondamental dans la construction de notre identité musicale et artistique »[6]. Ainsi, selon l’auteur, « la pratique de la musique Compas n’est pas seulement une activité de divertissement c’est aussi un instrument de construction identitaire, de résistance culturelle et de dialogue avec les autres musiques du monde face à la mondialisation des formes artistiques »[7]. Enfin, selon M. Frandy Jasmin, le Konpa Dirèk « reflète l’âme du peuple haïtien »[8]. L’historien de l’art, le Professeur Michel Philippe Lerebours, on se le rappelle, avait eu des propos similaires dans sa démarche de d’étude de caractérisation de la peinture haïtienne[9]. En dépit des divergences et controverses sur ses origines réelles, disions-nous, le Konpa Dirèk avait fini par s’imposer. Les grands Ténors du Nord du pays, les Orchestres Tropicana et Septentrional, tout en ayant auparavant leurs rythmiques propres, avaient fini par adhérer au mouvement avec leurs Konpas « Roussi » et « Mélasse ». Le Konpa Dirèk s’est imposé sur les ondes radiophoniques haïtiennes de façon durable avec des animateurs de talent et influents comme M. Joe Solon, M. Smith Xavier, M. Klébert Xavier, M. Alix Antoine, M. Jacques Sampeur, M. Lucien Anduze, M. Joe Damas, de M. Kaptèn Bill avec ses « souvenirs indélébiles » selon l’heureuse expression de M. Anthony Lamothe de l’émission Dantan Prezan de Radio Kiskeya, et surtout l’immortel Ulrick Jean-Baptiste, Ricot (Et voilà une sélection que l’on aime bien !) de la période des Mini-Jazzs des années 1970. Dans cette foulée, nous avons une pensée spéciale pour la mémoire de l’animateur Félix Lamy des Radios Nationale et Galaxie, tristement porté disparu depuis décembre 1991. Félix Lamy (Féfé) a été le promoteur du bon « Konpa pure laine » incarné au cours des années 1980 par le Skah-Shah et le System Band de M. Iznard Douby des années 1990. Débuté à la Radio Nationale au sein de l’émission de 4 heures PM Disque sur Disque avec Mme Micheline Succar, M. Félix Lamy avait animé Cocktail antillais le dimanche, à partir de 7 heures du soir, Au pas avec le Compas les jours de la semaine de 10 heures à Midi, pour instituer ensuite le Petit Bal du Samedi soir avec le support technique de Marc-Arthur. Nous pensons à M. Lionel Benjamin, à M. Klébert Xavier et à M. Jacques Jean-Baptiste de l’émission Bouyon Konsonmen, du samedi soir au dimanche matin, sur les ondes de Radio Métropole alors au bas de la rue Pavée. Nous pensons à M. Lucien Anduze, d’abord à Radio Métropole (Paul Anson Junior, Mini Records, maxi Sound !), et puis, sur les ondes de Radio Port-au-Prince avec l’émission Le train des artistes, une émission qui monopolisait alors l’écoute à Port-au-Prince à partir de 9 heures PM. Nous pensons à l’émission de M. Georges-Léon Emile (Giorgio) sur Radio Métropole et au journal Tap-Tap Mag soutenant le mouvement de la Nouvelle Génération. Il y a eu alors les articles de M. Ralph Boncy dans la Revue Conjonction de l’Institut Français d’Haïti, et les analyses de M. Urbain Joseph dans Le Nouvelliste. Il a eu la Revue Récréation de notre ami, condisciple et co-rivartibonitien M. Ignace Jérôme avec les articles de M. André Fouad. Il y a eu la Revue Superstar Magazine de M. Alouidor. Mais, penser aux soixante-dix années du Konpa Dirèk, c’est également avoir à l’esprit un ensemble d’albums bien déterminés. Nous avons effectivement Les quinze titres d’or du Maestro Nemours Jean-Baptiste du Mini All Stars de M. Fred Paul. Nous avons Haïti Terre de soleil des Shleu-Shleu, Message. Ozanana, This is it, Forever, du Skah-Shah Number One, Septième Sacrement, Respect, Aux Antilles du Tabou Combo, Bouki ak Malice, l’Univers des Frères Déjean, Se lavi des Difficiles, Gagòt des Gypsies, Ansanm, Ansanm, Mande Courage, 1980 du Scorpio Universel, M pa pran kontak, Pale, Pale w, David du D.P. Express, Exploitation du Gemini de Ti Manno, Accolade du Bossa Combo, l’Essence de Cubano (Jean Elie Telfort), César du System Band, Symphonie inachevée du Kole- Kole Band, Expérience, Jéhovah, Pike devan, Ashadei du Magnum Band, Nouvel Jenerasyon de Skandal, Fo w pa bouje de Phantoms, Lè w pa la de FASAD, Olé ! Olé ! de Lakòl, Farinen de Mizik-Mizik et surtout, surtout l’album You and I du GM Connection avec M. Gérard Daniel, M. Mario Mayala et la voix du chanteur Musset Dascy dans des réalisations inoubliables comme Adelina ou M pap tann o ... Et notre liste est loin, très loin d’être exhaustive[10]. Mais, des évènements nous viennent également en mémoire. Nous revoyons les festivals du dimanche au Gymnasium de la Rue Romain animés par M. Lionel Benjamin. Nous y revoyons les performances du chanteur Fosie (Sak sa sa !). Nous revoyons la prestation du Tabou Combo avec l’orchestre sortant d’une pyramide au début de la chanson du même nom ou encore, King Kino (Pierre-Raymond Divers) de Phantoms, sortant de son cercueil. Nous revoyons M. Casimir Alliance (Kazo) produire les « sept têtes » aux Kermesses des Frères Déjean de Pétion Ville. Habitant alors le Corridor Bois-de-Chêne, nous avons vu M. Alfredo sur son grand cheval lors des défilés carnavalesques… Nous revoyons encore les célèbres tournées du Skah-Shah Number One et du Tabou Combo au pays au milieu des années 1980, ou encore la foule immense acclamant Antoine Rossini Jean-Baptiste (Ti Manno) lors de sa prestation au Gymnasium de la ruelle Romain[11]. Nous revoyons le Scorpio Universel de Robert Martino exploser pratiquement le Gymnasium avec la chanson M ap mande Kouraj[12]. Incroyable. Indescriptible. Nous avons vu défiler les chars du Bossa Combo avec les cubes Maggi et la boisson CC Mel, des Loups Noirs avec la pâte dentifrice Fresca, de M. Rodrigue Milien avec la Lotion My Dream, de M. Toto Nécessité avec le Marché Tête Bœuf, de M. Anilus Cadet avec la Loterie Nationale, du Shoogar Combo, du D.P. Express avec le SuperMarket Coles et la voiture Datsun, du Scorpio Universel avec la pâte dentifrice Colgate, du Dixie Band du fameux batteur M. Tuco Bouzi avec la présence de M. Ronald Rubinel et le mixage de M. Joël Widmaier. Nous revoyons les chars du Channel10 de M. Roosevelt Célestin, du SS One de Sarthe sous la direction du Maestro Sainvil…
Des metteurs en ondes et des ingénieurs du son ont marqué la grande aventure du Konpa Dirèk. Nous pouvons sous ce rapport mentionner M. Raphaël Daniel (Doc Daniel), M. Max Nicolas et M. Marc Arthur de la Radio Nationale, M. Claude Innocent (El barbudo de la casa)[13] de Radio Métropole. Parmi les producteurs, nous avons M. Paul Anson de la maison Ansonia et du magasin Sounds of music de la rue Pavée, M. Fred Paul de Mini Records, M. Marc Duverger de Marc Records, M. Louis Thermitus de Louis Records, M. Papite Halloun de Superstar Records, M. Henri Jean Louis, M. Philippe Saint-Louis, M. Jean Claude Verdier. Nous avons Melody Makers qui avait produit des albums de qualité. Ce sont des acteurs qui œuvrent dans l’ombre, loin des feux de la rampe et qui ont eu des initiatives déterminantes pour l’évolution de notre musique. Une place spéciale doit être faite aux ingénieurs du son comme M. Roland Dupoux, M. Herby Widmaier, M. Joël Widmaier, M. Fritz (Fito) Joassaint, M. Philippe Desmangles et surtout, surtout M. Robert (Bobby) Denis d’Audiotek qui vient de nous quitter le 14 octobre 2025. Durant une longue période Audiotek de M. Robert Denis a été, en Haïti, le seul studio d’enregistrement de nos groupes musicaux et qui produisait un travail de qualité[14]. Nous nous inclinons devant l’œuvre de M. Robert Denis également dans l’audiovisuel avec des initiatives comme les chaines de télévision Télémax et Canal bleu. Mais, parmi cette pléiade de producteurs, soulignons les initiatives de M. Fred Paul qui, sous le format Mini All Stars a pu regrouper de grands musiciens haïtiens, produire des albums de qualité et amener le Konpa Dirèk jusqu’au Japon.
Entretemps, nous avions eu d’autres expressions musicales démontrant la diversité du fonds culturel haïtien. Ainsi, nous avons eu tout le mouvement de la musique dite par la suite Racine avec les groupes Foula, Sa, Samba yo, Zobop, Boukman Eksperyans et Boukan Ginen. D’un autre côté, nous avions ru les débuts du Rap haïtien avec Master Dji (Georges Lys Hérard). Nous avions eu la chanson religieuse avec ses artistes de grande renommée[15], la chanson populaire avec les Frères Parents, Barbara Guillaume, Manno Charlemagne et l’émergence de toute une pléiade de jeunes artistes comme Emeline Michel, Maggy Jean-Louis, Beethova et Manno Obas, Hérold Christophe, Jacques Sauveur Jean.
De nos jours, après une éclipse, le Konpa Dirèk s’est renouvelé avec des groupes comme Zenglen deuxième version, Djakout, T-Vice, Disip, Klass, Mass Konpa, Zafèm. L’accueil du public, tant en Haïti qu’à l’étranger, qui est fait aux performances de ces groupes montre que le Konpa Dirèk a pu tenir. Il représente bien une composante importante de la culture haïtienne. De plus, les performances des groupes comme le Tropicana, le Septentrional, le Magnum Band, les Frères Déjean[16] constituent des manifestations tangibles que le fonds musical haïtien est encore vivace. Il y a certes des problèmes de management, de producteurs, d’intégration de notre musique aux circuits du marché mondial, et surtout, surtout, de sécurité sur le plan national. Le journaliste Roobens Isma note, à juste titre dans Le Nouvelliste du 19 septembre 2025 que « quand le pays va mal, le compas va mal ». Et M. Isma rapporte les propos et désillusions de M. Akinson Bélizaire, producteur de spectacles. Les groupes musicaux se retrouvent pratiquement dans l’impossibilité de performer en Haïti au cours de périodes aussi déterminantes que celle des fêtes patronales et de fins d’années. Les rentrées économiques se tarissent comme une peau de chagrin. Les temps sont durs, très durs, incertains et nos politiciens se révèlent têtus et foncièrement irrationnels. Mais l’inspiration est là. Elle est profonde et féconde.
Et soixante-dix (70) ans après la première prestation du Maestro Nemours Jean-Baptiste sur la Place Sainte-Anne le 26 juillet 1955, le Konpa Dirèk poursuit son itinéraire. Soixante-dix (70) années après la première prestation du Maestro Nemours Jean-Baptiste, qu’est-ce qui est fait en termes de mémoire ? Il y a certes la démarche des autorités du pays pour inscrire le Konpa au patrimoine immatériel et culturel de l’humanité auprès de l’UNESCO. C’est une bonne initiative. Il y a eu, nous rapporte la publication en ligne Juno 7 du 27 juillet 2025, une grande conférence au Cap Haïtien à l’initiative du Salon du Livre et des Arts du Grand Nord d’Haïti. Selon la même source documentaire, il y a eu des interventions de panélistes comme : « Kesler BIEN-AIMÉ, Ricarson DORCÉ, Peterson Adler NOËL, Clarens AURILUS et Orso A. DORÉLUS. La modération a été assurée par Iléus PAPILLON, dont les questions pertinentes ont favorisé des échanges fructueux entre les participants. Les discussions ont permis de revisiter l’histoire du Compas, un genre musical né dans les années 1950 qui a su évoluer tout en préservant son essence ». C’est une bonne initiative. Il y a eu aussi un concert le 26 juillet 2025 sur la Place Boyer, à Pétion-Ville. Selon la publication en ligne Le facteur Haïti, « Pour célébrer le 70e anniversaire de ce patrimoine culturel haïtien, [le Konpa Dirèk] des milliers de mélomanes, vêtus de toutes les couleurs, ont bravé l’insécurité ambiante pour assister aux prestations « live » de plusieurs formations musicales aux styles variés. L’artiste Roody Roodboy était l’invité de marque de cette soirée en plein air ». Il y a eu de nombreux articles dans la presse haïtienne. Il y a eu des initiatives et réalisations des producteurs haïtiens vivant à l’étranger. Il y a eu, entre autres, une édition spéciale de l’émission Caraïbes Flashback sur la Radio Caraïbes et toute une tranche de l’émission Dantan Prezan de M. Anthony Lamothe sur la Radio Kiskeya. Il y a eu une émission spéciale sur la Radio Scoop FM. De M. Gary Pierre-Paul Charles. Il y a eu sur Internet un hommage spécial du batteur du Bossa Combo et connaisseur de la musique haïtienne, M. Mario de Volcy au rythme Konpa Dirèk et à son créateur le Maestro Nemours Jean-Baptiste. M. Claudy Siar, dans son émission Couleurs Tropicales sur la Radio France Internationale (RFI) a parlé du Konpa Dirèk.
Et puis, il y a eu la série des articles du Professeur Hancy Pierre dans les quotidiens Le National et Le Nouvelliste qui ont retenu notre attention. Dans un article au journal Le National du 23 février 2024, le Professeur Hancy Pierre présente une démarche éclectique suivant l’évolution du Konpa Dirèk « d’une musique marginale à une musique élaborée et identitaire ». Là se retrouve toute la base de l’argumentation du Professeur Pierre dans le cadre d’un « symbolisme dynamique » visant à saisir l’évolution d’un genre musical qui s’est développé « en dehors de tout appui technique sur le plan institutionnel au regard de la politique culturelle de l’Etat» et surtout, ayant résisté et survécu à toutes les tentatives de censure et de contrôle de la part des pouvoirs politiques et d’acculturation face aux grands courants musicaux étrangers. Une évolution qui n’est pas sans rappeler celle de la Salsa à Puerto Rico depuis les initiatives d’Ismaël Rivera (El Sonero mayor), de Rafael Cortijo et de Rafael Ithier avec El Gran Combo de Puerto Rico et de la Sonora Ponceña avec les pianistes Papo Luca et Eddie Palmieri. De nos jours, la Salsa, après maints avatars, crises de dénominations et déni de reconnaissance des secteurs dominants portoricains, est passée de la « marginalité » à une présence et reconnaissance internationale. Le Professeur Hancy Pierre parle, dans Le National du 22 août 2025, des capacités d’adaptation du Konpa Dirèk en tenant compte de ses caractéristiques profondes de musique traditionnelle « Grenn siwèl » arrivant à intégrer les éléments de la musique savante « urbaine ». Ce qui a valu, d’après l’auteur, « un ancrage et la réception du compas direct dans tous les milieux sociaux ». Et, dans Le Nouvelliste du 30 septembre 2025, le Professeur Pierre effectue la liaison, la relation entre le genre musical du Konpa Dirèk et la culture populaire haïtienne, rejoignant ainsi la perspective anthropologique de M. Frandy Jasmin présentée dans les colonnes de la publication Fack Checking News du 25 juillet 2025. Le Professeur Hancy Pierre note alors que « la musique du compas direct se présente comme un miroir de la société, s’inspire des réalités sociales et embrasse des habitudes, des coutumes et des rites ». L’auteur retient que même « la migration des groupes musicaux n’a pas modifié le substrat culturel du compas direct, mais plutôt l’a renforcé come symbole d’identité et d’attachement aux valeurs nationales même dans la diaspora ».
Le Konpa Dirèk, l’une des nombreuses formes d’expression musicale haïtienne - il ne faut pas l’oublier- vient d’avoir ses soixante-dix années. Il faut maintenant regarder l’avenir. Le maestro Nemours Jean- Baptiste a fait ce qu’il a pu et dans des conditions que nous connaissons tous. Il faut commencer par établir la sécurité dans le pays pour que les groupes musicaux puissent fonctionner. Il faut une politique culturelle formelle avec moyens de réalisation dans le budget national. Il faut soutenir les initiatives du couple Cliford et Gaëlle Jasmin en matière d’enseignement et de promotion de la danse Konpa Dirèk. Il faut reprendre sérieusement la pratique des fanfares dans les lycées et collèges du pays pour former de façon continue des jeunes musiciens. Je recommande la diffusion de la musique haïtienne sur les ondes radiophoniques haïtiennes dans le cadre d’émissions de formation et d’information. Car, hormis certaines stations de Radiodiffusion que nous ne citons pas et que le lecteur averti connait très bien, la musique haïtienne est très peu diffusée, en Haïti même. Et enfin, je recommande l’organisation d’une journée nationale du Konpa Dirèk, chaque le 26 juillet au cours duquel nous aurons, à Port-au-Prince même, les groupes Konpa en activité sur le même podium avec des distributions de prix pour les meilleures prestations, ainsi que pour les danseurs et danseuses, les marionnettes, les décorateurs et les costumes des pantomimes. Ce, dans une Haïti sécurisée, socialement forte et « croissante en paix » comme nous le faisait chanter le Professeur Edouard Tardieu dans son célèbre Hymne à la jeunesse, Fière Haïti. Pa vrai Professeur Hancy Pierre ?
Jérôme Paul Eddy Lacoste,
Responsable de Recherche de la Faculté des Sciences Humaines,
4 octobre 2025
NOTES
[1] Professeur, Responsable de Recherche au Conseil de Coordination de la Faculté des Sciences Humaines.
[1] Voir sous ce rapport l’article : « Musique : Dévoilement du buste de Nemours Jean Baptiste ». www.icihaiti.com. 27 juillet 2018.

2 Ralph Boncy, Marc Guillaume Lubin et Georges Léon Emile (1992). La chanson d’Haïti. (1965-1985). Tome I. Editions CIDIHCA. Montréal.
3 Thony Louis-Charles. Le Konpa Dirèk la vraie musique entraînante haïtienne de tous les temps. Port-au-Prince. Imprimeur II.
4 Cliford et Gaëlle Jasmin (2022). Tout sur la danse compas / Konpa : danse sociale d’Haïti. Ouvrage disponible en vente sur le site www.konpadance.com. Le site précise : « Ce livre vient enrichir la culture konpa en dotant la danse d’une méthode d’apprentissage, fondée sur un syllabus détaillé et une pédagogie construite et éprouvée par le couple Cliford et Gaëlle Jasmin, deux spécialistes incontournables des danses sociales de la Caraïbe et ambassadeurs de la danse konpa ». Nous recommandons vivement la lecture de cet ouvrage.
5 Frandy Jasmin. « 70 ans de la musique Compas, expression de notre identité musicale ». In Haïti Standard. 24 juillet 2025. www.haitistandard.com. Accédé le 3 octobre 2025.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 Michel Philippe Lerebours (1989). Haïti et ses peintres de 1804 à 1980: souffrances et espoirs d’un peuple. Port-au-Prince, Imprimeur II. Au moment de réviser cet article, nous apprenons la mort du Dr. Michel Philippe Lerebours le dimanche 25 octobre 2025. Le Dr. Lerebours avait dirigé l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS) où il avait formé de nombreuses promotions de critiques d’art et d’artistes. Il était également Professeur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) et à l’Institut d’Etudes et des Recherches Africaines (IERAH) pendant de longues années. Nous présentons nos sincères condoléances à toute la famille et proches du Professeur Lerebours.
9 La production musicale haïtienne est tellement riche et de qualité que prétendre à une certaine exhaustivité pour les albums et réalisations est pratiquement impossible. Cependant, nous retenons que cette production n’est pas diffusée. En grande partie, elle est complètement ignorée. Pourquoi les stations de radiodiffusion ne font pas des émissions sur les grands succès, les grands classiques de la musique haïtienne ?
10 Il faut noter ici, pour l’histoire, que la foule des supporteurs était tellement compacte qu’il n’était pas possible de passer avec le chanteur Ti Manno par la Ruelle Romain. On a dû bifurquer avec Ti Manno par le lit de la ravine du Bois-de Chêne à la hauteur de l’hôtel Le Palace à la Rue Capois et remonter ensuite, par la porte arrière au Gymnasium. Inutile de vous dire l’euphorie crée par l’apparition soudaine de Ti Manno à l’intérieur du Gymnasium. Du délire. Du jamais vu.
11 La vidéo est disponible sur You Tube. Je suis toujours parcouru de frissons en le regardant. Car j’étais ce jour-là au Gymnasium avec des amis du Lycée Toussaint Louverture.
12 M. Claude Innocent était un grand connaisseur de la musique internationale et nationale. C’était, en plus, un véritable perfectionniste de la mise en ondes avec une touche reconnaissable pour le fidèle auditeur de Radio Métropole. M. Claude Innocent nous a malheureusement quittés.
13Le Bossa Combo, dans sa méringue carnavalesque de 1983, la Grande puissance avait eu une mention pour Audiotek.
14 Sous ce rapport, nous avons les productions du Groupe catholique El Halibo. Mais il y a un artiste évangélique haïtien pour qui j’ai une préférence particulière : M. Rigaud Duverné.
15 Sous ce rapport, il y a une excellente version d’une performance des Frères Déjean 1976 à Massachussetts disponible sur You Tube. Nous avons alors en spectacle, dans leur prime jeunesse, M. Isnard Douby et M. Yvon Louissaint.
[1] Professeur, Responsable de Recherche au Conseil de Coordination de la Faculté des Sciences Humaines.
[2] Voir sous ce rapport l’article : « Musique : Dévoilement du buste de Nemours Jean Baptiste ». www.icihaiti.com. 27 juillet 2018.
[3] Ralph Boncy, Marc Guillaume Lubin et Georges Léon Emile (1992). La chanson d’Haïti. (1965-1985). Tome I. Editions CIDIHCA. Montréal.
[4] Thony Louis-Charles. Le Konpa Dirèk la vraie musique entraînante haïtienne de tous les temps. Port-au-Prince. Imprimeur II.
[5] Cliford et Gaëlle Jasmin (2022). Tout sur la danse compas / Konpa : danse sociale d’Haïti. Ouvrage disponible en vente sur le site www.konpadance.com. Le site précise : « Ce livre vient enrichir la culture konpa en dotant la danse d’une méthode d’apprentissage, fondée sur un syllabus détaillé et une pédagogie construite et éprouvée par le couple Cliford et Gaëlle Jasmin, deux spécialistes incontournables des danses sociales de la Caraïbe et ambassadeurs de la danse konpa ». Nous recommandons vivement la lecture de cet ouvrage.
[6] Frandy Jasmin. « 70 ans de la musique Compas, expression de notre identité musicale ». In Haïti Standard. 24 juillet 2025. www.haitistandard.com. Accédé le 3 octobre 2025.
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] Michel Philippe Lerebours (1989). Haïti et ses peintres de 1804 à 1980: souffrances et espoirs d’un peuple. Port-au-Prince, Imprimeur II. Au moment de réviser cet article, nous apprenons la mort du Dr. Michel Philippe Lerebours le dimanche 25 octobre 2025. Le Dr. Lerebours avait dirigé l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS) où il avait formé de nombreuses promotions de critiques d’art et d’artistes. Il était également Professeur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) et à l’Institut d’Etudes et des Recherches Africaines (IERAH) pendant de longues années. Nous présentons nos sincères condoléances à toute la famille et proches du Professeur Lerebours.
[10] La production musicale haïtienne est tellement riche et de qualité que prétendre à une certaine exhaustivité pour les albums et réalisations est pratiquement impossible. Cependant, nous retenons que cette production n’est pas diffusée. En grande partie, elle est complètement ignorée. Pourquoi les stations de radiodiffusion ne font pas des émissions sur les grands succès, les grands classiques de la musique haïtienne ?
[11] Il faut noter ici, pour l’histoire, que la foule des supporteurs était tellement compacte qu’il n’était pas possible de passer avec le chanteur Ti Manno par la Ruelle Romain. On a dû bifurquer avec Ti Manno par le lit de la ravine du Bois-de Chêne à la hauteur de l’hôtel Le Palace à la Rue Capois et remonter ensuite, par la porte arrière au Gymnasium. Inutile de vous dire l’euphorie crée par l’apparition soudaine de Ti Manno à l’intérieur du Gymnasium. Du délire. Du jamais vu.
[12] La vidéo est disponible sur You Tube. Je suis toujours parcouru de frissons en le regardant. Car j’étais ce jour-là au Gymnasium avec des amis du Lycée Toussaint Louverture.
[13] M. Claude Innocent était un grand connaisseur de la musique internationale et nationale. C’était, en plus, un véritable perfectionniste de la mise en ondes avec une touche reconnaissable pour le fidèle auditeur de Radio Métropole. M. Claude Innocent nous a malheureusement quittés.
[14] Le Bossa Combo, dans sa méringue carnavalesque de 1983, la Grande puissance avait eu une mention pour Audiotek.
[15] Sous ce rapport, nous avons les productions du Groupe catholique El Halibo. Mais il y a un artiste évangélique haïtien pour qui j’ai une préférence particulière : M. Rigaud Duverné.
[16] Sous ce rapport, il y a une excellente version d’une performance des Frères Déjean 1976 à Massachussetts disponible sur You Tube. Nous avons alors en spectacle, dans leur prime jeunesse, M. Isnard Douby et M. Yvon Louissaint.
