Par Jean LHÉRISSON
Résumé succinct du roman de Richard Wright
"Un Enfant du Pays" de Richard Wright raconte l'histoire de Bigger Thomas, un jeune Afro-Américain vivant à Chicago dans les années 1930. Confronté à la pauvreté, au racisme, et à un système social oppressif, Bigger s'engage dans un parcours tragique après avoir été embauché par une famille blanche. Un événement tragique le conduit à commettre un crime. Il tue Mary Dalton. Ce crime va déclencher une spirale de culpabilité, de peur et de désespoir. Le roman explore les thèmes de l'identité, de la race, et de l'aliénation dans une société profondément raciste.”
Le féminicide, en tant que manifestation tragique de la violence de genre, ne peut être réduit à un simple phénomène criminel ; il est le reflet d'un système patriarcal profondément ancré qui dévalorise la vie des femmes. Ce terme désigne le meurtre de femmes en raison de leur genre, soulignant ainsi les inégalités structurelles et les violences systémiques qui perdurent dans nos sociétés. Les féminicides sont le point culminant d'un continuum de violence qui inclut le harcèlement, les agressions et la misogynie, des comportements souvent banalisés qui relèvent d'une culture de l'impunité.
Idéologiquement, le féminisme défend que le féminicide n'est pas un problème isolé, mais une question systémique qui nécessite une approche holistique. Cela implique de déconstruire les stéréotypes de genre et d'éduquer les générations futures sur le respect et l'égalité. Sur le plan social, il est essentiel d'impliquer la communauté dans la prévention de ces violences, en sensibilisant les citoyens et en créant des lieux sûrs pour les victimes.
Politiquement, le féminisme militant exige des mesures concrètes et des réformes législatives pour protéger les femmes. Cela comprend le renforcement des lois contre les violences faites aux femmes, la formation des forces de l'ordre à traiter ces cas avec sérieux, et la mise en place de structures et de programmes de soutien pour les survivantes. Les mouvements féministes organisent des manifestations, des campagnes de sensibilisation et des collectes de fonds pour faire pression sur les décideurs et réclamer justice.
Le féminicide est enfin un appel à la solidarité et à l'action collective. Il appartient à chacun d'entre nous de briser le silence autour de ces violences et de revendiquer une société dans laquelle chaque femme peut vivre sans crainte d'être victime d'un tel acte. C'est un combat pour la vie, la dignité et l'égalité, qui exige une mobilisation constante et résolue de la part de la société dans son ensemble.
Même si on peut admettre qu’aujourd'hui le féminicide commence à émerger comme un vrai problème de fond dans nos sociétés, et qui met à mal nos systèmes de justice, d’éducation et de scolarisation, il reste encore l'une des tares dans la littérature, notamment le roman. Le théâtre, les religions et les arts n'en sont pas épargnés. À ce titre, on peut considérer la mort de Mary Dalton dans “Un enfant du pays” de Richard Wright comme un événement central du récit qui soulève des questions profondes concernant le féminicide et la représentation des femmes dans la littérature, en particulier dans le contexte historique et social des années 1930 aux États-Unis d’Amérique.
1. Féminicide de prétexte, comme dans les romans policiers?
La notion de féminicide de prétexte peut être appliquée à Mary Dalton, dont la mort sert de moteur narratif aux épreuves de Bigger Thomas. Elle apparaît comme une victime dont la vie et la mort sont utilisées pour explorer les luttes et la détresse de l'homme noir dans une société profondément raciste. Dans ce sens, sa mort peut être considérée comme un moyen pour Richard Wright de mettre en lumière les injustices sociales, tout en signalant comment les femmes sont souvent reléguées à des rôles secondaires dans des récits où les hommes jouent les rôles principaux.
2. Nécessité narrative
Concernant la nécessité de la mort de Mary Dalton pour illustrer la dure existence de Bigger Thomas, il est légitime de se demander si d'autres moyens narratifs auraient pu être employés. Wright aurait pu choisir d'autres formes de conflit ou de lutte qui ne nécessitaient pas la violence envers une femme. Cependant, son choix de faire tuer Mary peut être interprété comme une manière d'intensifier l'angoisse existentielle de Bigger, soulignant à la fois son désespoir face à la société qui l'entoure et sa perte de contrôle sur le destin.
3. Réflexion du féminicide comme fait social
La question de savoir si Wright, en tant qu'auteur, accepte le féminicide comme un fait social banal est complexe. Bien que sa représentation de la mort de Mary Dalton puisse sembler indiquer une normalisation de la violence envers les femmes, il est également possible que cette violence soit une critique de la société patriarcale et raciste. Wright expose les conséquences tragiques du racisme systémique et met en lumière la façon dont les vies des femmes (et des minorités en général) sont souvent menacées dans un contexte de luttes de pouvoir.
4. Critique sociale
Ainsi, plutôt que d'accepter le féminicide, Wright pourrait utiliser ce trope pour dénoncer la façon dont les femmes sont systématiquement désavantagées et à quel point leur vie est précieuse. Sa décision de tuer Mary Dalton est peut-être une manière de choquer le lecteur et de l'inciter à réfléchir aux causes sous-jacentes de cette violence.
En somme, la mort de Mary Dalton peut être interprétée comme un féminicide de prétexte, mais c'est aussi une réflexion sur la souffrance collective et les injustices sociales. Wright, à travers Bigger Thomas, explore les luttes de l'existence dans une société oppressante, et la mort de Mary devient un symbole tragique de la déshumanisation subie à la fois par les femmes et les hommes dans un contexte de violence et de préjudice. Ce choix narratif invite à une réflexion critique sur ces enjeux sociétaux plutôt que d'accepter une banalisation de la violence, et par-delà même, la justification du féminicide dans les arts et la littérature.
On pourrait passer des heures à montrer comment, intellectuellement le féminicide est intégré dans notre univers mental, ou le pouvoir patriarcale nous habitue à tuer une femme, pour faire beau, puissant ou dynamique. C’est même courant de tuer tout ce qui proviendrait d’une femme. Dans certains pays, on arrive même à effacer (tuer) la mémoire d’une reine. Et des histoires de grandes œuvres et découvertes faites par des femmes qui ont été attribuées à des hommes, on en découvre de plus en plus aujourd'hui.
Jean LHÉRISSON, UCCLE, 2025
