TUMEM : Un modèle de tutorat académique pour démystifier la rédaction du mémoire

Le diplôme universitaire représente pour un étudiant qui aspire à poursuivre des études de cycle supérieur ce que le passeport est à un touriste qui rêve de visiter un pays étranger. En plus de la position favorable qu’elle garantit sur le plan académique, la preuve de la complétude du cycle universitaire envoie à toute entreprise pourvoyeuse d’emplois le signal d’un minimum de compétence de l’appliquant. Il ne fait aucun doute qu’un recruteur préfère embaucher un licencié - imbu des techniques de la rédaction et de la recherche scientifique - par opposition à un étudiant finissant qui n’a pas encore prouvé ses compétences dans la pratique scientifique. Du point de vue Mincérien, le diplôme procure à son détenteur un meilleur pouvoir de négociation sur le marché du travail (Card, 1999 ; Ben-Porath, 1967). Pourtant, en dépit de son importance majeure dans la mobilité vers le sommet de la pyramide sociale, le diplôme est décerné à un très faible pourcentage d’universitaires haïtiens. Le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti (UEH) signale un taux de diplomation de moins de 20% à l’université d’État au cours des récentes décennies. Cet échec cuisant est imputable à l’indifférence des facultés face à l’incapacité des étudiants à rédiger le mémoire.

Vu la nécessité d’affronter les défis de la globalisation par des politiques publiques orientées vers la formation d’un capital humain qualitatif, la problématique de la rédaction du mémoire doit être abordée avec plus d’intérêt. Le présent article destiné particulièrement à l’audience universitaire poursuit le noble objectif de contribuer à améliorer le taux de diplomation à l’université en Haïti. Cette réflexion envisage l’implémentation d’un modèle de tutorat académique au profit des étudiants actuels, fréquemment en proie à un encadrement inadéquat pourvu par le système académique formel. Plusieurs études suggèrent que le mentorat représente une composante essentielle pour une réussite académique fructueuse à tous les niveaux (Linn et al., 2015 ; Reynolds & Thompson, 2011 ; Lopez-Agudo et al., 2020). Ainsi, une implémentation judicieuse du projet TUMEM détient la promesse de déboucher sur un impact positif de la quantité et de la qualité de la production des thèses au pays. Il s’agit d’un mouvement d’entraide - devant être animé par les étudiants aînés qui ont déjà expérimenté la rédaction du mémoire, notamment ceux qui continuent de côtoyer l’arène académique- afin de démystifier la rédaction de la thèse. Nous émettons le vœu que ce projet soit accueilli et entretenu par les instituts d’enseignement supérieur (IES) en vue de garantir une meilleure réussite académique des étudiants. 

Avant d’aborder les détails de la structure du projet TUMEM, l’approche méthodique voudrait dans un premier temps que nous exposions la démarche de la rédaction du mémoire. De manière plus vaste, une deuxième section présente les avantages de la rédaction scientifique, tout en justifiant son importance pour un étudiant. La troisième section est consacrée à l’identification des obstacles et des défis de cet exercice. Dans une quatrième section, nous esquissons le modèle TUMEM, qui part d’une abstraction que les entités de l’université peuvent concrétiser et mieux adapter en fonction de leurs curricula et de leurs contextes académiques.       

 

Section I : En quoi consiste la rédaction d’un mémoire ?

La rédaction du mémoire entraîne une séquence d’actions, débutant par le choix du sujet de recherche pour enchaîner avec la soumission d’un avant-projet en vue de son approbation par le décanat de la faculté. S’ensuivront la collecte des données, l'analyse des résultats, la rédaction du rapport final, jusqu’à la soutenance et éventuellement la publication (Ermiati et al., 2021 ; Weaver et al., 2016 ; Piard, 2004). Cet exercice cognitif favorise la pensée scientifique et suscite la sensibilisation à des faits sociaux (Booth et al., 2016). De manière plus précise, cette démarche académique requiert l’identification d’une problématique, la formulation de questions et d'objectifs de recherche, la planification de l’étude, la recherche documentaire et l’analyse statistique (Dowd et al., 2015 ; Ashwin et al., 2017).

L'originalité, la pensée critique et la structure appropriée sont autant d’aptitudes à prouver dans le cadre de la réalisation d’un travail de recherche (Azmat & Ahmad, 2022). Ce menu peut paraître assez copieux au point de démotiver un jeune candidat à la licence. Cependant, la chaîne d’activités académiques menant à l’élaboration du mémoire ne devrait pas effrayer son concepteur s’il les perçoit graduellement. Tel un édifice gigantesque, l’essentiel consiste à poser la première pierre, s’investir et se focaliser constamment pour atteindre l’objectif poursuivi. Le vieil adage nous en persuade : « Tout voyage commence par un premier pas ». 

Le processus de la rédaction académique est marqué par certaines complexité dans la mesure où l’étudiant est contraint de combiner des connaissances de sources diverses afin d’analyser et expliquer des problèmes liés au sujet scientifique qui l’intéresse (Irvin, 2010 ; Badenhorst, 2018). Cependant, la rédaction d'un mémoire peut être facilitée par la mise en place de structures, par la pratique de techniques disponibles et par l’accès à des ressources pédagogiques appropriées (Coffin et al., 2005 ; Wu, 2011). Ce sont notamment des problèmes de méthodologie, d’insuffisance logistique et de curriculum inadapté qui entravent la concrétisation de ce projet final. En plus d’un encadrement inadéquat réservé aux étudiants, les facultés ne conçoivent pas des mécanismes incitatifs et contraignants pour que les étudiants finissants s’acquittent de cet ultime travail académique du cycle qui leur confère le statut de licencié.

Les maigres ressources financières consacrées aux facultés constituent une barrière supplémentaire, car la rédaction du mémoire devrait impliquer du temps et donc de l’argent pour rémunérer le directeur de recherche. En dehors d’autres incitations implicites pour motiver les professeurs à accompagner des étudiants dans la rédaction du mémoire, une compensation financière s’avère essentielle. Sinon, les étudiants vont constamment peiner à vaincre cette dernière étape. En conséquence, il en résulte des pertes d’opportunités énormes, particulièrement en matière d’échanges culturels au profit des diplômés. Le monde converge de plus en plus vers un village commun ; les agences internationales servent de couloir d’intermédiation pour connecter les peuples et les cultures, surtout à travers des bourses d’études. Cependant, à une étape initiale, la plupart de ces opportunités académiques sont conditionnées par la preuve de l’obtention de la licence.

Comment dégager des méthodes efficaces dans la perspective de favoriser la rédaction du mémoire en un temps raisonnable tout en accompagnant les étudiants à saisir les opportunités de poursuivre leurs études académiques à des cycles supérieurs ? C’est l’objectif que vise cet article qui propose un programme d’entraide académique au bénéfice des étudiants actuels. Sous le leadership des facultés, TUMEM repose fondamentalement sur les étudiants séniors qui ont déjà produit le projet final et qui sont interpellés à assumer un rôle de mentor pour encadrer les jeunes étudiants. L'expérience de collaborer étroitement avec des mentors offre à l’étudiant l'avantage d'acquérir des expériences d'apprentissage explicites et tacites (Hennessy, 1993). Les étudiants déjà diplômés connaissent mieux que quiconque les difficultés à s’adapter à la vie universitaire, au volume et au contenu des cours, et surtout aux exigences d’un directeur de recherche. Leurs expériences pertinentes couplées de ce sentiment d’altruisme intergénérationnel sollicité dans le projet TUMEM peuvent servir de catalyseur pour casser le mythe de la rédaction du mémoire. Des possibilités de publication en équipe représentent une motivation additionnelle pour l’étudiant sénior qui s’engagerait à mentorer un jeune étudiant dans sa recherche.  

 

Section II : Avantages de la pratique de la rédaction

Plusieurs études préconisent que le processus de recherche améliore les compétences des étudiants sur le plan de la pensée critique, de résolution de problèmes et d'application des connaissances. Cette expérience favorise une meilleure compréhension de la nature et de la construction des connaissances (Dowd et al., 2015; Ashwin et al., 2017). Dans le même sens, Brownell et Swaner (2010) stipule que la recherche au premier cycle améliore les capacités de communication, de réflexion critique et de résolution de problèmes chez les étudiants. Un effet d’entraînement est nourri par les activités de recherche précoces dans la mesure où les étudiants de licence qui ont pris part à des recherches ont développé des intérêts à s’impliquer dans d’autres recherches et à poursuivre des études avancées (Russell et al., 2007 ; Lopatto, 2010). Il en ressort également une plus grande satisfaction des étudiants et une fréquence accrue des interactions avec les enseignants ; ce qui est associé à leur succès académique. Ashwin et ses coauteurs soutiennent que le projet de fin d'études constitue pour l’étudiant une excellente option pour pouvoir rassembler et utiliser à bon escient les connaissances acquises au cours du cycle académique.

La recherche au premier cycle est une expérience enrichissante qui offre aux étudiants l'occasion de participer à un stade embryonnaire dans le développement des connaissances dans leur domaine (Hu et al., 2008). Les devoirs de rédaction scientifique bien conçus mobilisent les étudiants dans la construction active des acquis scientifiques, y compris l'analyse des résultats et la capacité à les présenter judicieusement à des audiences diversifiées (Hand et al., 1999 ; Yore et al., 2003; Prain, 2006). Par le moyen de la rédaction académique, les étudiants établissent des liens entre les savoirs antérieurs et les nouveaux, et articulent des connexions entre plusieurs aspects de leurs champs disciplinaires (Lankford & Saal, 2012). En particulier, la rédaction portant sur les cours de statistiques développe la capacité à comparer, analyser et synthétiser l'information (Delcham & Sezer, 2010). Ces auteurs mettent en évidence la portée de la transversalité de la Statistique par rapport aux autres disciplines. Ils infèrent que la maîtrise des statistiques de base constitue un atout majeur pour tout professionnel engagé dans l’exercice de la rédaction scientifique. Les avantages résultant du processus de la rédaction d’un document, particulièrement d’un mémoire, sont énormes. À moins que des alternatives compensatrices y soient proposées, la pratique de la rédaction d’une thèse se dresse comme une ultime occasion pour tout étudiant qui vise à s’améliorer et à mieux se positionner académiquement et professionnellement.  

En dépit de son importance notoire, la pratique de la rédaction du mémoire ne fait pas unanimité dans les systèmes académiques.  Par exemple, ce processus est toujours en vogue dans le système européen alors qu’en Amérique du Nord ce sont très peu d’universités qui exigent au premier cycle la réalisation d’un projet de sortie. Au sein de certaines universités américaines, une courte thèse de recherche est requise seulement aux étudiants admis à des programmes d’excellence (Paxton, 2011). L’on reconnaît tout de même que ces systèmes académiques avancés acclimatent les étudiants à de fréquents travaux de rédaction tout au long du processus qui se boucle le plus souvent par un « Capstone », un proxy du mémoire. La Commission Boyer sur l'éducation des étudiants de premier cycle, initiée en 1998, a eu un impact majeur dans la promotion de la production scientifique des étudiants à des phases préliminaires (Reynolds et al., 2009). Le système adopte aussi le Programme de Recherche pour les Étudiants de Premier Cycle (UROP), mis en œuvre en 1988, qui offre aux étudiants de premier cycle et à leurs mentors la possibilité de travailler ensemble sur des projets de recherche. En accord avec les objectifs de l’UROP, des études concluent une augmentation substantielles des performances académiques des étudiants sous-représentés dans de nombreuses universités de recherche du Midwest des USA (Hathaway et al., 2002)

Ces politiques de création d’un meilleur écosystème d’apprentissage sont conformes à la théorie de l’application formulée par Astin. Plus l'implication au premier cycle est importante qualitativement et quantitativement, plus il est probable que l'étudiant s'intègre dans des expériences académiques et sociales plus ambitieuses (Astin, 1999 ; Rahman et al., 2020). Des techniques d’amélioration de rédaction et de réflexions critiques ont été développées et mises en œuvre tôt durant le cycle par plusieurs universités (Hale et al., 1995). Les pratiques privilégiées au sein de ces systèmes où l’étudiant est exempt du mémoire s’alignent avec la proposition du professeur Jean Poincy qui s’érigent contre la rédaction de la thèse au premier cycle (Voir Lien 1). Le Vice-recteur aux affaires académiques de l’UEH croît que l’essentiel n’est pas de produire un travail final, mais de rédiger plusieurs devoirs qui tendraient à compenser le mémoire.

Peu importe le stade des études, les fréquents exercices de rédaction facilitent l’acquisition de connaissances et de pensées critiques. Évidemment dans la mesure où sont atteints les mêmes objectifs de renforcer le sens de la dialectique et le goût pour la recherche scientifique, la rédaction d’un mémoire au premier cycle ne serait effectivement pas indispensable. Toutefois, le Vice-recteur devrait reconnaître que les faiblesses des pratiques académiques et des curricula des facultés rendent utopique ce processus de maîtrise de la rédaction scientifique. Quand on sait que sur toute une année académique certains départements n’exigent à leurs étudiants que deux évaluations, un examen intra et un examen final, l’habitude de la rédaction est de moins en moins garantie. Dans d’autres cas, l’inadéquation entre les exigences de certains cours et les ressources disponibles est patente ; l’étudiant est donc peu outillé. Par exemple, plusieurs facultés du pays dispensent des cours de chimie, d’économétrie, de physique et d’informatique sans pourtant assurer des suivis à des laboratoires appropriés. De cette manière, l’étudiant ne saurait être en mesure de grandir et de savourer convenablement ladite expérience académique. De ces nombreuses lacunes méthodologiques et logistiques, la rédaction en général et particulièrement celle du mémoire en pâtissent énormément.   

Ce sont très peu de facultés en Haïti qui peuvent se targuer de doter leurs étudiants des pratiques de rédaction efficaces, ce qui leur aurait octroyé légitimement le droit de s’exempter d’un mémoire. Même entre les facultés de l’UEH par exemple, des dispersions immenses s’observent entre le niveau et la qualité de la formation. Une mesure d’exemption du mémoire en raison de travaux consistants produits tout au long du cycle exigerait des analyses au cas par cas. Une évaluation a posteriori conduisant éventuellement à un droit d’équivalence serait dès lors nécessaire pour s’assurer des acquis suffisants de l’étudiant en vue d’affronter le marché du travail ou de poursuivre des études avancées. En pareils contextes d’une déficience avérée dans la facilitation à rédiger des devoirs en permanence, le doute plane sur les compétences réelles d’un étudiant. Hormis de rares exceptions, les étudiants ne pèseraient pas lourd dans cette balance de l’évaluation de la pratique de la recherche et de la rédaction. Voici inter alia pourquoi le mémoire remplirait un rôle axial pour envoyer le signal que l’étudiant a acquis des connaissances académiques et des techniques scientifiques adéquates. C’est une carte de visite qui prouve son aptitude à bien s’intégrer sur le marché du travail ou à poursuivre sa formation académique à des cycles supérieurs. 

 

Section III : Défis internes et externes de la rédaction du mémoire

La pratique de la rédaction s’avère efficace non seulement pour favoriser le développement des connaissances conceptuelles, des compétences en communication, mais aussi pour le raisonnement scientifique et les acquis dans la pensée critique (Dowd et al., 2018). Cette accumulation de compétences ne s’acquiert pas sans des sacrifices et des efforts consistants. En effet, les étudiants évoquent des problèmes personnels tels que la gestion du temps et du stress comme éléments perturbateurs de leur concentration dans la rédaction de leurs thèses (Bocar, 2009). Pour un jeune à peine initié dans la pratique scientifique, il devient plus difficile de générer cette valeur ajoutée procurée par la réalisation de sa thèse pour rehausser son niveau de capital humain. Sans conteste, un étudiant contraint de rédiger un mémoire est confronté à des défis d’ordre interne et externe. Parmi les défis internes, on recense la paresse, la faible motivation, l'anxiété de rencontrer les professeurs et les difficultés à s'adapter aux directeurs de recherche. Les défis externes comprennent des problèmes d'ajustement du temps avec les superviseurs, le manque de temps d’orientation, les difficultés à choisir et se focaliser sur des thèmes, les fréquentes révisions, la prise en compte des commentaires du directeur (Reynolds & Thompson, 2011).

Tandis que les défis susmentionnés seraient inhérents à tout système académique, l’on ne saurait éluder le poids important d’autres facteurs additionnels, de type socioéconomique, qui amplifient les difficultés de l’étudiant haïtien à rédiger son mémoire. L’addition salée de l’insécurité et de l’instabilité politique a sévèrement démotivé les étudiants pour entamer et avancer avec leurs études, encore moins avec leurs travaux de sortie. Même avant la mesure du programme humanitaire (Programme Biden), les étudiants haïtiens étaient nombreux à fermer leurs dossiers pour se rendre au Chili, au Brésil. Passagers clandestins sur leur propre espace, les Haïtiens expérimentent une grave crise identitaire. Une politique urgente est nécessaire pour stopper cette crise de la fuite massive de cerveaux. Au-delà de la rétention, des mesures incitatives à une fuite inversée de la matière grise contribueront au redressement de la situation économique et sociale. Un tant soit peu, TUMEM s’inscrit également dans une pareille logique. “Primum vivere, deinde philosophare”, au cours des récentes années, des facultés de l’UEH avaient même choisi de fermer leurs portes afin de minimiser le risque d’exposer leurs étudiants à des attaques armées. Plusieurs IES privés fonctionnent à faible rendement, rendant davantage complexe l’accomplissement du cycle.

Dans une réflexion sur cette problématique, Max S. Lubin relate : « L’insécurité, la nourriture, l’électricité, l’internet, voilà donc un ensemble de problèmes primordiaux à résoudre avant de parler de concentration estudiantine » (Voir Lien 2). Ce sont entre autres des obstacles qui entraînent des déperditions précoces dans le système. D’autre part, Bobb Rousseau, qui suggère une année supplémentaire consacrée exclusivement à la rédaction du mémoire, fustige les pratiques non-éthiques de professeurs qui vendent des mémoires à des étudiants (Voir Lien 3). Il pense que des pénalités financières auraient incité les étudiants à finaliser leurs projets de sortie en un temps raisonnable. Dr. Rousseau conclut que les dispositions de l’UEH relatives à ce sujet seraient à peine contraignantes et peu englobantes pour résoudre le problème endémique du faible taux de diplomation à l’UEH. Tout compte fait, un minimum de paix sociale est constamment requis pour pouvoir implémenter tout programme des politiques publiques ou tout projet qui promet un impact multiplicateur. Bien que le programme TUMEM puisse se dérouler en ligne aussi, il n’échappe pas à cette prémisse d’un climat sécuritaire favorable au développement pour accoucher des résultats probants.

Exigeant une séquence d'actions académiques du postulant, le mémoire est l’apothéose de plusieurs années d’apprentissage universitaire. D’une part, son succès dépend d’une supervision responsable du directeur de recherche. D’autre part, la plupart des facultés ne disposent pas d’un staff professoral dévoué à faciliter les étudiants finissants dans la rédaction de leurs thèses. Cette tâche étant principalement dévolue aux professeurs à plein temps qui est un poste en voie de disparition dans le système universitaire haïtien. Suivant les attributions de cette position, c’est particulièrement le profil de professeurs à temps plein qui est adapté pour assurer efficacement l’encadrement des mémoires. Cependant, dans la pratique, le poste de professeurs à temps plein ne représente qu’un titre honorifique. Même à plein régime, cette catégorie d’enseignants ne permettrait pas de résoudre le problème de la thèse.  Primo, il y en a très peu qui sont désignés à ce poste. Secundo, ceux qui le sont perçoivent une rémunération peu suffisante pour pouvoir faire face aux contraintes budgétaires.

Un problème classique d’aléa moral se pose dans ce modèle principal-agent. La faculté (le principal) ne met pas en place des instruments efficaces pour contrôler les actions de l’agent (le professeur).  En conséquence, le professeur à plein temps est enclin à mobiliser plus de temps dans des productions hors de ses engagements envers l’entité d’attache. Les professeurs à plein temps cherchent en permanence à compenser leurs faibles salaires en vendant leur expertise dans des consultations professionnelles. D’un point de vue normatif, certains critiques n’auraient pas tort d’évoquer un problème d’éthique dans la mesure où le temps requis au professeur à temps plein n’est pas véritablement investi dans les travaux pour lesquels il a été recruté. Cependant, d’un point de vue positif (réaliste), d’autres émettraient des nuances puisque le professeur à plein temps doit pouvoir lui aussi nourrir sa famille. Il doit percevoir un revenu suffisant pour satisfaire ses contraintes budgétaires en assurant un minimum de niveau de vie ; sinon il crève.

Il ressort de cette inadéquation que les professeurs à plein temps ne soient pas efficaces dans cette mission d’accompagner les étudiants finissants dans la rédaction de leurs thèses, car cette supervision nécessite l’investissement d’un temps conséquent. Sous des conditions d’un partenariat incluant les professeurs avec des tâches de supervision moins alourdies, les étudiants séniors déjà gradués de ces facultés peuvent amplement contribuer à trouver un meilleur équilibre. Le programme TUMEM propose ainsi des mécanismes pour changer le narratif malgré le peu de professeurs à s’engager dans cette aventure avec les étudiants finissants.

Tandis que le mémoire demeure une thématique passionnante, d’intérêt social, il existe une pénurie de statistiques et d’études réalisées sur la question. La problématique de la rédaction du mémoire n’est pas appréhendée avec justesse au niveau du système académique haïtien. Hormis de rares réflexions émises à travers des articles de presse, les références font amplement défaut. Par le biais de son Vice-recteur aux affaires académiques, l’UEH semble tout de même préoccupée par le faible taux de diplomation en Haïti. Personnellement le Vice-recteur encouragerait la rédaction de plusieurs devoirs à titre de compensation du mémoire pour décerner la licence à l’étudiant (Voir Lien 1). Ses multiples réflexions, quoiqu’allant à l’encontre de la rédaction du mémoire, procurent de la matière consistante aux discussions entre différents protagonistes. Elles sont susceptibles de déboucher sur des propositions judicieuses relatives à l’élaboration du mémoire.  

C’est bien dommage que des études approfondies et des statistiques pertinentes font défaut, empêchant de mieux éclairer la lanterne des décideurs sur les défis et opportunités du mémoire. Pourtant, il y a déjà vingt ans, l'université haïtienne commençait à réfléchir en profondeur sur cette thématique ; potentiellement sans un suivi approprié. Un article de Robenson Bernard évoque un partenariat entre l'Université Quisqueya (UNIQ) et l'Université Notre-Dame d'Haïti (UNDH) visant à évaluer la pertinence du mémoire vis-à-vis de la validité des diplômes de premier cycle (Voir Lien 4). Ce rapport d’audit produit en 2004 sous la direction du professeur Roland Ouellet ne nous est pas accessible pour en examiner les propositions. Vraisemblablement, le tableau n’a pas changé sur les deux dernières décennies, suggérant un rendez-vous manqué des résultats escomptés de ce rapport technique.

Le mémoire de l’étudiant Davidson Adrien constitue une récente recherche assez substantielle qui jette des lumières sur quelques angles importants de la rédaction du mémoire au premier cycle universitaire. Dans cette ambitieuse étude portant sur les obstacles liés à la rédaction du mémoire pour l’obtention de sa licence au CTPEA, Davidson a indiqué 46% de son échantillon de 181 enquêtés accusent un délai moyen de deux ans avant la soumission du mémoire. Cela prend six mois additionnels pour la soutenance. Remarquons que ce retard moyen concerne uniquement la catégorie des étudiants qui s’engagent à la réalisation du mémoire. La majorité de l’échantillon étant constituée d’étudiants finissants qui ne s’engagent pas encore à soumettre voire à rédiger le mémoire. Le jeune chercheur renchérit que la gent féminine subit les méfaits du délai de la rédaction de la thèse avec plus d’acuité. 

L’exigence de la réalisation du mémoire n’est pas une obsession pour les scholars qui feraient la plaidoirie pour que ce projet soit maintenu dans les universités haïtiennes. Développer des compétences dans la culture scientifique à partir de la démarche de la rédaction d’une thèse constitue opportunité pour les étudiants de premier cycle. De manière explicite, l’objectif de cette exigence académique consiste à inciter les étudiants à développer de bonnes habitudes de recherche afin d’acquérir des savoirs suffisants pour entrer dans l’arène scientifique. La praxis de la recherche scientifique permettrait aux nouveaux initiés de se démarquer et de persuader les entités pourvoyeuses d’opportunités d’emplois et de bourses d’études. Cependant, nous concédons que l'acquisition de cette compétence spéciale ne se produit pas automatiquement. Reynolds & Thompson (2011) argumente qu’il existe des défis significatifs liés à la proposition de cours d'écriture et à des supports individualisés. Au cas où les cours réguliers seraient suivis par des travaux de réflexions et de rédactions intenses, les performances des étudiants n’auraient pas été remises en question malgré l’exemption à un projet final. Mais, face au constat de la précarité des curricula qui n’imposent pas des devoirs et des évaluations suivant des fréquences convenables, le mémoire demeure un projet décisif.

De nombreux systèmes académiques adoptent le mémoire comme travail final à rédiger par un étudiant pour que lui soit décerné son diplôme ; d’autres en font fi. Par exemple, au sein des facultés de l’UEH, le mémoire est imposé de manière partiale. Certains départements en font une contrainte alors que d’autres décernent la licence sans obliger les étudiants à se soumettre à cet exercice. Très peu d’éclairage est jailli par les décanats pour justifier cette considération distincte du mémoire au sein d’une même faculté. N’est-ce pas une approche subjective qui mérite aussi un débat de société ? En effet, que cela soit dans une perspective d’harmoniser le cursus en exigeant le mémoire à tous les étudiants ou d’encadrer ceux appartenant aux départements qui en font une contrainte, toute réflexion cohérente visant la facilitation de cet exercice paraît pertinente, d’autant qu’une éventuelle mesure de lever la contrainte du mémoire ne serait pas pour demain la veille.

 

Section IV : Le modèle de tutorat, pour vaincre le mémoire

La section précédente a dévoilé un ensemble de difficultés liées à la rédaction du mémoire. Dans cette section, nous présentons le modèle TUMEM qui est consacré à fournir des stratégies pour surmonter les obstacles de cet ultime projet académique au premier cycle universitaire. Le tutorat désigne une relation dans laquelle une personne, généralement plus expérimentée dans un domaine particulier, offre un soutien, des conseils et une orientation à une personne moins expérimentée. L’expérience du tutorat peut se faire sur des plans différents ; cependant, sans exclure une extension vers le milieu professionnelle, le tutorat dont il est question dans ce projet convoite le renforcement académique des jeunes étudiants. Il envisage plus particulièrement de fournir des pistes de solution à la rédaction du mémoire. Grillo & Leist (2013) et Marusic et al. (2006) soutiennent que cette forme de tutorat peut entraîner une hausse du taux de diplomation ainsi que des publications scientifiques. Cette expérience ciblant l’étudiant comme principal bénéficiaire implique des responsabilités mutuelles, c’est-à-dire de la part de l’étudiant (évidence), mais aussi du tuteur.

Comment justifier l’importance du tutorat pour accompagner les étudiants dans la rédaction de leurs thèses ? En effet, en plus du manque d’encadrement logistique, nous partons de la prémisse que la disponibilité de professeurs volontiers à endosser la fonction de directeur de recherche constitue un problème majeur dans la pénurie des thèses. Sous l’hypothèse d’une volonté manifeste des facultés à changer le narratif en faveur des étudiants, le tuteur devient un élément clé qui permettrait de combler cette rareté de superviseurs de thèses. Les points évoqués dans cette section à propos du déroulement du programme TUMEM ne sont pas coulés dans du béton. Ils sont appelés à être améliorés et personnalisés pour favoriser une meilleure adaptation en fonction du contexte spécifique d’une faculté.

De manière globale, le tutorat offre des techniques et des aides à l’orientation dans la faculté, à la gestion du temps, à l’adaptation aux particularités de l’enseignement universitaire. Des instructions sur la prise de notes, des opportunités de socialisation, des conseils pour les cours réputés plus difficiles, des aides dans la préparation aux examens sont autant d’exigences du tutorat. La mise en œuvre de tous les cours axés sur la rédaction requiert du temps et des efforts considérables de la part des instructeurs. La conception, le suivi et l’évaluation des devoirs exigent que l’on y consacre du temps (Delcham and Sezer, 2010 ; Dowd et al., 2015). Pour contourner les défis liés aux devoirs, les instructeurs adoptent fort souvent la stratégie de l'intégration d'activités de révision et de correction par les pairs (Mynlieff et al., 2014 ; Dowd et al., 2015). Dans le projet spécifique TUMEM, un point logique à soulever serait le gain pour un tuteur (déjà diplômé) à accompagner un jeune étudiant dans la rédaction de sa thèse.

Contrairement à un devoir classique, la rédaction d’un mémoire nécessite plus d’assiduité et un suivi plus responsable. Le tutorat vise à favoriser l'apprentissage, le développement des compétences ou l'orientation professionnelle du tutoré. Linn suggère qu'un développement professionnel peut aider les mentors à identifier et à négocier les attentes avec leurs mentorés ; à surveiller leurs progrès ; à encourager la réflexion ; et à les soutenir sur les plans émotionnel et intellectuel. Le processus de la thèse implique une séquence d'actions susceptibles de démotiver les professeurs peu disponibles à honorer les termes de références du directeur de recherche. Parallèlement, les étudiants novices dans la rédaction particulièrement ceux qui ne sont pas bien encadrés y sont effrayés (Reynolds & Thompson, 2011). Vu la facilité de proximité qu’un jeune étudiant peut développer avec un étudiant sénior qui pourrait se rendre disponible à l’encadrer, cette approche du tutorat peut contribuer à combler cette lacune. Cependant, on doit reconnaître qu’en absence d’incitations personne ne s’engage dans une entreprise. Par incitation, il ne faut pas considérer que la compensation financière.

Si d’une part le tuteur est appelé à communiquer sur une base régulière avec son tutoré en y consacrant du temps et des efforts intellectuels dans le cadre de cet exercice de tutorat. D’autre part, le projet TUMEM identifie - en plus d’une utilité cachée pour le tuteur qui dégagerait une satisfaction à participer à la réussite d’un jeune - des possibilités de production et de publication en équipe. À l’issue de la soutenance du tutoré, le tuteur peut opter d’approfondir la recherche en collaboration avec les acteurs mobilisés pour la soumettre à des journaux scientifiques. Il n’empêche que des aspects pécuniaires soient également endossés par certaines entités pour accroître la motivation du tuteur. Même si elle peut paraître contraignante pour le mentor, cette expérience promet d’être enrichissante sur le plan du développement personnel, pour les deux parties. Le tutorat peut procurer des avantages académiques, améliorer le développement des compétences pratiques et la réussite tant pour les tuteurs que pour les tutorés (Comfort & McMahon, 2014 ; Bowman-Perrott et al., 2013).

Le programme TUMEM ouvre une fenêtre d’opportunité de retourner l’ascenseur à la plus jeune génération ; ce qui résulte en une énorme contribution à l’amélioration de sa communauté académique. De surcroît, le tuteur aura la possibilité de se perfectionner sur les plans personnel et professionnel en élargissant ses connaissances sur des thématiques grâce à des échanges fructueux avec l’étudiant qu’il supporte. Le principal gagnant est incontestablement l’étudiant bénéficiaire. Un étudiant récipiendaire d’une instruction bien conçue en écriture scientifique utilise davantage de stratégies métacognitives dans sa résolution de problèmes par contraste avec celui qui n'a pas reçu cette instruction (van Opstal et Daubenmire, 2015). TUMEM accorde la possibilité de faire une énorme différence dans les dernières étapes du parcours académique d’une étudiante ou d’un étudiant. Son ultime objectif étant de boucler ses études en s’acquittant de toutes les tâches requises, il sera très reconnaissant envers un mentor qui l’aide à concrétiser son rêve.

 

Figure 1 : Cadre conceptuel définissant la relation entre les entités.

 

Le Directeur de recherche

Faculté

Le tutoré

 

               
     
   
     
 
 
 
     

 

 

 

 

 

Figure 1 illustre le sens des interactions entre les différentes entités concernées par le programme du tutorat des mémoires. Elles sont toutes bidirectionnelles ; par contre certaines s’opèrent selon des fréquences plus élevées. Une plus grande épaisseur de la flèche suggère de plus intenses communications et échanges de travail. Par exemple, on espère que les rencontres de travail entre le tuteur et le tutoré surpasseront celles du tuteur avec le directeur du mémoire.  

La démarche du programme TUMEM consiste dans les étapes suivantes :

  1. La faculté désigne une commission technique avec les attributions principales d’assurer la gestion efficace du tutorat. Elle lance un appel aux étudiants séniors pour qu’ils manifestent leurs intérêts à encadrer de jeunes étudiants.
  2. La commission ouvre un registre pour accueillir les tuteurs avec leurs profils académiques.
  3. La commission fournit des rapports à la faculté suivant des fréquences régulières, à définir par les entités.
  4. Les tuteurs manifestent leurs intérêts à encadrer des étudiants en adressant une lettre de motivation accompagnée de leurs CV à leurs facultés d’attache, particulièrement à la commission du tutorat.
  5. Le tutorat étant optionnel, un étudiant intéressé doit exprimer ses intérêts à bénéficier du support d’un tuteur pour l’encadrer dans son parcours académique, notamment dans la rédaction de son mémoire. Il doit adresser une lettre à la commission pour présenter cette requête.
  6. Un étudiant habilité à solliciter le support d’un tuteur est au moins admis en troisième année.
  7. La commission révise les dossiers des tuteurs ainsi que les intérêts des étudiants demandeurs de support pour constituer efficacement les couples tuteurs-tutorés. Elle les informe par une lettre les habilitant à travailler ensemble. La commission contacte et désigne également les directeurs de mémoire en fonction des sujets d’intérêt.
  8. Le tuteur organise des rencontres avec son tutoré pour recueillir sa motivation et discuter sur des sujets d’intérêt commun. De concert avec le tuteur, le tutoré propose deux ou trois thématiques qu’il souhaite explorer. Ils discutent sur la faisabilité d’explorer les thématiques pour finalement en retenir le plus pertinent. L’étudiant travaille sur toutes les parties du mémoire. Cependant, de concert, les trois entités peuvent se charger d’approfondir certains aspects après la soutenance au cas où ils choisiraient de publier le travail conjointement. Enfin, le tuteur et le tutoré élaborent un calendrier de travail, indiquant depuis le projet de recherche jusqu’au document final des dates approximatives pour soumettre chaque output.
  9. Avec l’approbation de son tuteur, le tutoré soumet à la commission son sujet de recherche et le chronogramme d’exécution des activités du mémoire.
  10. Dans le cas de travaux de groupe, la démarche reste la même, avec la seule nuance que le tuteur échange dans ce contexte avec au moins deux tutorés. Les étudiants qui décident de collaborer sur une thématique doivent en exprimer l’intérêt auprès de la commission. Celle-ci évalue la pertinence du travail de groupe avant de prendre une décision finale qu’elle communique aux étudiants concernés.
  11. Si la demande de rédiger un mémoire en groupe est rejetée, les étudiants procèderont avec leur adhésion au programme TUMEM de manière individuelle.
  12. Après avoir reçu les sujets et le chronogramme des activités, la commission identifie éventuellement un professeur qui jouera le rôle de directeur du mémoire. Celui-ci travaille de concert avec les deux (le tuteur et le tutoré), mais ses activités de supervision sont allégées grâce à l’appui du tuteur. À se rappeler que, sous certaines conditions, le tuteur peut être habilité à occuper formellement le poste de directeur de la recherche. Ceci est possible si le tuteur dispose des prérequis imposés par la faculté, par exemple s’il enseigne à l’université. Dans le cas contraire, le tuteur travaille en collaboration avec un professeur attitré qui siège à titre de directeur de la recherche. Le travail de ce professeur étant allégé, le tuteur le renseigne sur les diverses étapes et doit avoir son approbation pour avancer avec les prochaines étapes.
  13. La durée de l’accompagnement s’étale entre six et douze mois, avec une possibilité d’extension de trois mois.
  14. La soutenance du mémoire suit les procédures de la faculté. À ce stade, un tuteur qui ne détient pas le titre de directeur du mémoire ne peut y participer que comme spectateur. 
  15. Enfin, la faculté accordera un crédit au tuteur en termes de reconnaissances de son encadrement à l’étudiant. « Ce mémoire est rédigé sous la direction du professeur X et du tuteur Y ».

Certains départements peuvent opter d’appliquer ce programme tel qu’il se décline dans ce texte, in extenso ; cependant d’autres peuvent y apporter des modifications pour mieux l’adapter et le rendre plus efficace. Par exemple, dans le contexte de l’Université d’État d’Haïti, les attributions de la commission du tutorat pourraient être partiellement assurées par le Vice-rectorat aux affaires académiques. Après avoir recueilli les dossiers des tuteurs et des étudiants, cette entité coiffant l’UEH procèderait à un dispatching des tuteurs au sein des facultés en tenant compte de leurs champs de spécialisation et backgrounds académiques. En établissant des partenariats à la fois locaux et internationaux, l'UEH pourrait envisager la création d'un fonds visant à faciliter la mise en œuvre du programme TUMEM. Les établissements d'enseignement supérieur du secteur privé pourraient également suivre cette initiative en fournissant des ressources adéquates à leurs départements pour mettre en place le programme.

Également, les associations d’alumni peuvent servir d’intermédiaires entre les commissions du tutorat et les anciens étudiants. En ce sens, j’imagine les retombées positives d’une potentielle collaboration entre l’AACTPEA (Association des Alumni du CTPEA) et la direction de ce Centre quarantenaire dans la facilitation de la rédaction du mémoire aux étudiants finissants. Au cas où ce programme intègrerait des aspects de financements des tuteurs, n’est-ce pas une opportunité de partenariat avec des entités telles que la BRH, le MEF, le MPCE et bien d’autres institutions déjà pilotées par des ressources humaines formées au Centre ? Dans une extrapolation, ce modèle ferait la promotion de partenariats entre les universités haïtiennes et un ensemble d’institutions des secteurs public et privé pour contribuer à la rédaction des thèses tout en offrant des alternatives d’emplois et d’études avancées aux nouveaux diplômés.

Ce cadre constitue un canevas d’implémentation du programme TUMEM dans le milieu universitaire haïtien. Comme toute œuvre humaine, il est perfectible. Ainsi, des suggestions sont bienvenues pour pouvoir l’améliorer.

 

Conclusion

Au fil des années, en dépit du faible taux de diplomation, la plupart des facultés publiques et privées ont gradué plusieurs étudiants parmi les plus motivés à boucler le cycle des études universitaires. À l’avantage de ces facultés, une masse critique de leurs diplômés ont décroché des opportunités d’études de maîtrise ou de doctorat. Certains ont même eu l’expérience de servir à titre de professeurs à des universités locales ou internationales et caressent de partager leurs savoirs avec leurs almas mater. Étant donné la faible disponibilité de professeurs dévoués à diriger les mémoires des jeunes étudiants, ces anciens peuvent amplement contribuer à combler ce vide dans leurs facultés respectives. Sans compter les retours tangibles tels que la possibilité de production d’articles scientifiques pour publication dans des journaux de renom, il suffit d’un minimum de sens de solidarité, l’étudiant sénior ne lésinerait pas à offrir son précieux temps à un étudiant finissant pour l’encadrer dans sa recherche. N’est-ce pas l’un des meilleurs transferts qu’un Haïtien de la classe moyenne évoluant en Haïti ou à l’étranger pourrait offrir à un autre compatriote ?                                                                

Le parcours universitaire procure un ensemble d’alternatives formidables ; mais également des adversités gigantesques se dressent sur le chemin du combattant. Une gestion efficace de ces défis et opportunités ne peut être garantie en dehors de la mise en place de structures adéquates. La rédaction du mémoire en constitue l’un des principaux défis dans le contexte universitaire haïtien, car l’étudiant finissant se trouve fort souvent seul dans ce voyage. TUMEM essaie d’y apporter une réponse adéquate. Ce programme est principalement axé sur l’attitude bénévole des anciens diplômés expérimentés pour encadrer d’autres étudiants afin de boucler complétement le cycle par la soutenance de leurs mémoires. TUMEM se veut une œuvre de solidarité qui accorde à des jeunes une plus large panoplie de chances vers leur succès académique, susceptible de déboucher sur des opportunités professionnelles.

Tuteur, votre engagement au TUMEM représente un geste d’amour pour exprimer à un étudiant en panne d’encadrement que « Tu L’aimes ». À travers un retour pragmatique du savoir scientifique que tu as acquis, tu as l’occasion de faire un impact considérable dans la vie d’un autre. Ensemble, exprimons des intérêts manifestes à ce programme de tutorat afin de démystifier la rédaction du mémoire. 

 

Carly Dollin

carlydollin@gmail.com

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Référence

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Liens

  1. Pour l’élimination du mémoire de sortie au premier cycle universitaire
  2. Haïti | Université : À quoi sert la réalisation d’un mémoire universitaire en Haïti ?
  3. Vers la rigueur académique et l’augmentation du taux de soutenance de mémoires à l’Université d’État d’Haïti
  4. À quoi sert le mémoire de sortie ?

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