Carnaval : le bras de fer

En prenant une décision culturelle, le président élu montre les couleurs politiques. Le carnaval national haïtien est traditionnellement un fait de la capitale. Les désastres du tremblement de terre avaient porté le président du quinquennat passé à le transporter dans les villes de province. Les Cayes, le Cap, Gonaïves, puis Port-au-Prince ont eu leur carnaval. Pour ce nouveau quinquennat, on recommence avec le même procédé. Si dans les cercles du « président du compas » on vantait la décentralisation de l’événement culturel en argumentant que le tourisme local allait tirer profit de l’inédite décision, dans les milieux de l’opposition on se posait des questionnements légitimes. Ils concernaient la monopolisation par le Palais national de ce grand événement annuel. En fait, qui devrait décider du lieu et de l’organisation du carnaval ? Le ministère de la Culture ? La mairie de Port-au- Prince ? Un Comité national permanent du carnaval ? La décentralisation était, en fait, une concentration excessive du pouvoir présidentiel.

En prenant une décision culturelle, le président élu montre les couleurs politiques. Le carnaval national haïtien est traditionnellement un fait de la capitale. Les désastres du tremblement de terre avaient porté le président du quinquennat passé à le transporter dans les villes de province. Les Cayes, le Cap, Gonaïves, puis Port-au-Prince ont eu leur carnaval. Pour ce nouveau quinquennat, on recommence avec le même procédé. Si dans les cercles du « président du compas » on vantait la décentralisation de l’événement culturel en argumentant que le tourisme local allait tirer profit de l’inédite décision, dans les milieux de l’opposition on se posait des questionnements légitimes. Ils concernaient la monopolisation par le Palais national de ce grand événement annuel. En fait, qui devrait décider du lieu et de l’organisation du carnaval ? Le ministère de la Culture ? La mairie de Port-au- Prince ? Un Comité national permanent du carnaval ? La décentralisation était, en fait, une concentration excessive du pouvoir présidentiel.

Nous voilà donc repartis pour les vieilles pratiques. Le président élu refait la même route que son prédécesseur. Ce serait inquiétant qu’en termes de décision, le parti qui a appuyé sa candidature ne lui laisse pas de marge de manoeuvre pour affirmer sa propre personnalité. Si la culture n’est pas gérée par ceux qui ont le savoir-faire pour la rendre plus adaptée à notre identité, si les mairies ne peuvent s’organiser pour décider d’un commun accord au sujet du carnaval, si le ministère de la Culture reste encore un simple élément de décor sous l’emprise du Tourisme et du Palais national, que dire des « éventuelles » nouveautés sur le plan social, politique, économique et stratégique dont certains attendent l’innovation et le pragmatisme du nouveau gouvernement !

Et puis, la politique commence par se mêler de la partie. Entre un maire venu d’un autre horizon politique et un président élu dont le parti a le vent en poupe, les muscles commencent à se gonfler ! Après avoir fait enlever les tôles autour de la place Pétion et à la devanture du Rex-Théâtre dans un élan de salubrité du Champ-de-Mars, un bras de fer peut commencer par se manifester contre une popularité grandissante. On glisse déjà des peaux de banane aux pieds de ceux qui prennent des décisions de propreté en une capitale livrée à elle-même ! Et tout cela va faire non pas simplement un débat médiatique, mais surtout exhiber les vieux dysfonctionnements qui ont toujours empêché à la machine étatique d’évoluer, en mettant à bas les autoritarismes anciens. Entre le carnaval local, comme celui de Jacmel, et le carnaval national, comment articuler une politique culturelle qui calcule aussi les retombées économiques de la « fête populaire » ?

Quel est, en fait, l’impact du carnaval aux Cayes, au Cap, aux Gonaïves sur les plans sociaux et économiques ? On a mentionné des accommodements de tronçons de route. On a souligné les profits du commerce informel. On a argumenté au sujet de l’hôtellerie. Mais, l’État, qu’est-ce qu’il a tiré de cette fête qui est restée au niveau d’un grand show et du grand défoulement ? Port-au-Prince se déplace avec ses lourds procédés et bouscule les particularités régionales. La décentralisation est donc nocive, car la capitale s’impose aux villes de province. Le ministère de la Culture n’y a pas pensé. Les mairies n’ont pas réfléchi sur le phénomène. Le Comité national du carnaval à travers la République n’existe pas. Et vive la culture urbaine et ses dérives de mots ou de musique !

 Pierre Clitandre

Le Président élu avait-il en tête le fait que la richesse ou la réussite tout simplement est parfois mal vue, combattue, décapitée surtout si elle sourit à quelqu’un d’une classe sociale stigmatisée ? Un sociologue avait parlé du concept d’égalité dévoyée. Dans des communautés, on n’accepterait que la réussite collective. Celui qui réussit seul est puni. On ne veut que des réussites individuelles que le groupe peut vilipender et donc penser que n’importe qui peut y arriver s’il le veut : spoliation, pillage des fonds publics, jeux de hasard, pacte avec le diable, etc. Au lieu de dire qu’on a travaillé pour réussir, on se dépêche de se protéger en clamant : se pa maji se don. Dire qu’on a réussi, qu’on est devenu riche par son travail est dangereux. Le citoyen se sent quiet quand pointant l’autre du doigt, il dit : « Vòlè li vòlè ». On égalise ainsi tout de cette manière. Notre société regorge de témoignages sur les méfaits d’une jalousie qui renvoie en fait à ce concept d’égalité dévoyée dans la précarité pour ne pas dire dans la médiocrité.

Si les réussites intellectuelles et artistiques sont toujours malaisées, elles ont ceci de différent qu’elles peuvent se construire loin de l’ombre funeste d’un État qui croupit dans la corruption. Le moindre petit entrepreneur sait à quoi s’attendre s’il veut tenir. Il faut constamment marchander avec les escrocs de l’administration, jouer avec un système qui vous oblige à traverser les frontières de la légalité. On doit souvent payer, négocier des services auxquels on a droit. Et les corrompus sont heureux de trouver à n’importe quel moment des munitions pour tirer à bout portant sur celui qu’ils veulent abattre.

 Dans notre pays, nous avons besoin de vraies richesses et de vraies vertus. Pas de faux vertueux. De faux riches ? C’est malheureux que l’argent n’ait pas d’odeur. S’il en avait, de faux riches, on en aurait trouvé des tonnes.

Gary Victor

Un signal fort, prémices d’un plan de redressement, est attendu tant il est vrai qu’on ne peut pas se contenter de survivre avec le danger ; au risque de sacrifier les générations futures.

Prier au Palais national, même avec les mystiques combinés de toutes les religions du monde, en présence des gestionnaires de la charité et des grandes multinationales de l’humanitaire, ne sauvera de rien du tout. Ne rendra pas le pays plus sûr.

Il faut sortir du Palais pour aller dans les temples, dans les églises, dans les écoles, dans les marchés publics pour entretenir la mémoire de nos morts et de leurs bourreaux !

Jean Euphèle Milcé

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