L’insurrection populaire qui se propage à travers le pays comme du feu de brousse fait beaucoup parler d’elle, divisant même l’opinion. Le mouvement « bwa kale » inquiète et en même temps signe le constat objectif du rejet par la population de l’oppression des gangs. Son caractère expéditif et sommaire est à la mesure du désespoir d’une population aux abois, ne sachant plus à quel saint se vouer.
Ce genre de soulèvement spontané est un marqueur historique de ras-le-bol qui s’est déjà produit dans l’Histoire, ici et ailleurs. Ces débordements populaires dans leur générosité comme dans leurs dérives traduisent le délitement moral d’une société abonnée aux scandales. D’où ce cri « sanguinolent » destiné à secouer l’indifférence du monde.
« Bwa kale » inquiète avec raison : on ne connaît jamais le devenir d’un tel mouvement si les institutions, notamment la PNH, ne prennent pas vite le relais.
Attaques hebdomadaires contre des quartiers, exécutions sommaires de civils et de policiers, profanation des cadavres des victimes, « bacchanales criminelles » et autres danses de scalps, la liste d’horreurs est longue. Il était à prévoir que ce cauchemar que vivent les Haïtiens depuis des mois allait déboucher sur un phénomène aussi « brûlant » que tellurique. Une sorte d’énergie destructrice qu’il faut canaliser pour le meilleur avant que tout ne chambarde.
La Police doit être renforcée et montrer son engagement sur le terrain pour rassurer une population qui réagit comme un « animal traqué jusque dans ses retranchements ». La sagesse populaire enseigne que « tout bèt jennen mòde » et parfois durement, jusqu’aux os. C’est pourquoi les forces de l’ordre n’ont pas d’autre choix que de mettre le paquet, comme elles ont commencé à le faire ces derniers jours. Et surtout mettre les bouchées doubles avant qu’il ne soit trop tard.
Arrêtons la déchéance morale d’un système judiciaire obsolète et non fonctionnelle ! Reconstruisons le centre-ville transformé en une « jungle » où tous les coups sont permis ! Ne nous voilons pas la face : si nous ne nous entendons pas pour remettre sur pied nos institutions et ramener la paix dans les cœurs et les foyers, gare au « big one ».
Roody Edmé